Désobéissance civile en vue à l’école ?

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ComputerHotline - CC by-saJusqu’où va-t-on descendre  ? C’est la question que l’on peut légitimement se poser avec cette loi Création et Internet qui, chaque jour passant, l’éloigne de la solution et la rapproche du problème.

Dans la famille déjà nombreuse des effets collatéraux néfastes du projet de loi, je demande désormais… l’éducation.

Lors d’un récent communiqué, L’April s’était fort justement inquiétée d’un article introduit au Sénat prévoyant que élèves «  reçoivent une information, notamment dans le cadre du brevet informatique et internet des collégiens (B2i), sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas de manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle et de délit de contrefaçon. Les enseignants sont également sensibilisés.  »

Commentaires de l’April  :

Les promoteurs du projet de loi Hadopi affichent une ambition d’instaurer de nouvelles formes de soutien aux artistes et de nouveaux modèles économiques pour revivifier la filière culturelle. Pourtant, ils occultent purement et simplement la libre diffusion des contenus et œuvres sous licences ouvertes et libres, alors qu’ils constituent une offre légale abondante pour le public3 donnant lieu à une rémunération de leurs auteurs.

Ces licences sont un outil adéquat du partage de la connaissance et des savoirs, et se montrent particulièrement adaptées au monde de l’éducation. Inspirées du mouvement pour le logiciel libre, les licences d’œuvres en partage ouvrent de nouveaux modèles économiques en phase avec les nouvelles technologies.

Et de citer alors deux articles du Framablog  : l’étude riche d’enseignements du cas musical Trent Reznor, et la situation un peu ubuesque dans laquelle se retrouve les enseignants lorsqu’ils utilisent des «  œuvres protégées  » (non copyleft) en situation d’apprentissage.

Les craintes de l’April étaient malheureusement bien fondées puisqu’aujourd’hui l’Assemblée a ni plus ni moins rejeté un amendement de pur bon sens de Martine Billard souhaitant, dans un souci de «  pluralisme et neutralité  » que l’article en question évoque également «  les avantages pour la création artistique du téléchargement et de la mise à disposition licites des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres  » (pour plus de détails lire l’article de Guillaume Champeau reproduit ci-dessous ainsi que la transcription exacte de l’échange sur le site de l’April).

Comme quoi certains masques tombent définitivement.

C’est d’autant plus inepte que ces licences ouvertes ou libres seront, ma main à couper, l’une des prochaines révolutions scolaires, non plus restreintes à la création artistique mais à tout ce qui touche aux ressources éducatives.

Par anticipation, je m’engage d’ores et déjà à faire acte de «  désobéissance civile  » lorsqu’arrivera le temps où mes élèves seront censés recevoir l’information en question dans le cadre du B2i[1]. Cette information sera bien diffusée mais elle sera immanquablement accompagnée d’une sensibilisation aux licences libres et ouvertes et d’un débat sur les tenants et aboutissants des uns et des autres.

Gageons alors que mes élèves sauront en tirer leurs propres conclusions…

PS  : Qu’il me soit d’ailleurs permis de remercier ici le travail respectivement politique et médiatique de Martine Billard et Guillaume Champeau, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour nous alerter et tenter de faire évoluer la situation.

Pas de licence libre dans la propagande pro-majors à l’école

URL d’origine du document

Guillaume Champeau – 2 avril 2009 – Numerama
Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0

Pouvait-on faire plus caricatural pour démontrer que la lutte contre le piratage n’a pas pour but d’aider les artistes, mais d’imposer un modèle économique au bénéfice des grandes maisons de disques  ?

Le projet de loi Création et Internet prévoit de sanctionner par un diplôme au collège la connaissance des «  risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas de téléchargement illégal  ». Pour préparer ce diplôme, la commission des affaires culturelles a proposé d’ajouter un amendement qui prévoit que les élèves reçoivent une «  information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles pour la création artistique  ».

Dans le but d’équilibrer la proposition, la députée Verts Martine Billard a alors proposé jeudi de préciser que cette information doit être «  neutre et pluraliste  », et couvrir notamment «  les avantages pour la création artistique du téléchargement et de la mise à disposition licites des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres  », c’est-à-dire en particulier des œuvres sous Creative Commons.

Mais malgré le soutien de Muriel Marland-Militello, l’amendement de Martine Billard a été rejeté par la majorité. «  Ça n’est vraiment pas du niveau de la loi, ça n’est vraiment pas nécessaire, au mieux ça sera une directive du ministère  », a expliqué le rapporteur Frank Riester, comme si la propagande sur le téléchargement «  légal  » ne pouvait pas lui aussi faire l’objet d’une simple directive ou avait davantage sa place dans la loi. «  Même position  », dira simplement Christine Albanel. Sans protestation des bancs socialistes.

Notes

[1] Crédit photo  : ComputerHotline (Creative Commons By-Sa) – Mais qui donc inscrit le nom de «  La Quadrature du Net  » au tableau  ?

9 Responses

  1. Yves

    Désobéissance civique : j’en suis ! Et tant qu’on y est on peut ajouter faire la promo du logiciel libre plutôt que le propriétaire (c’est pas le Framablog avec ses dénonciations MS Office 2007 qui me contredira) puisque notre ministère de l’EN ne bouge toujours pas !!!

    N’en déplaisent aux lobbies, les lycées sont très sensibles aux thèmes des biens communs et de la résistance à la marchandisation du monde.

    Et qu’on ne me parle plus de politique droite/gauche, tout ça est en train de voler en éclat.

  2. Giulia Toulouse

    La situation actuelle mériterait de faire quelque chose effectivement. Nous sommes clairement en train de manger notre pain noir à l’Education Nationale.

    La faute au politique qui s’est considérablement affaibli en face de l’économique ces dernières années.

  3. libre fan

    Je suis bien sceptique sur l’engagement des profs pour le libre. Le conformisme est de rigueur et M$ a son monopole dans l’éducation nationale avec la bénédiction de la majorité des profs.

    Et combien de profs s’intéressent au droit d’auteur et aux licences libres? Pas plus que dans le reste de la société. Voyez par exemple le nombre de députés pour la loi Hadopi.

  4. Grunt

    @libre fan:
    Je rejoins tes inquiétudes. La majorité des enseignants ne verront dans cette "sensibilisation" des élèves, au mieux qu’une lubie du gouvernement sans conséquence, et se diront au pire que c’est une bonne idée.

    Il est même à craindre que, dans les établissements où circulent des copies illégales de Ms Office et autres logiciels propriétaires, cette "sensibilisation" aux dangers du "tipiakage" soit traitée avec la fausse désinvolture qui masque une réelle mauvaise conscience..

  5. kiCti

    Désobéissance civile OUI, les items L.2.3 et L.2.5 ne sont jamais validables, pour deux raisons, primo personne ne peut dire qu’il respecte à 100% les droits d’auteurs (nous avons tous au moins un MP3 contrefait), deuxio ceux qui connaissent bien la réglementation sont généralement au fait de la philosophie libre et sont donc déjà catalogué comme des contrefacteurs/pirates en puissance par les autorités.

    kiCti

  6. br1o

    Proposer aux élèves des alternatives aux solutions propriétaires, je suis d’accord ; en revanche, je trouve l’expression "désobéissance civile" un peu exagérée dans ce contexte… Ou alors faut-il comprendre que si nos enfants n’apprennent plus rien à l’école, c’est parce que les profs font ce qu’ils veulent avec les programmes ?

  7. Beurt

    Je continuerai à pratiquer comme je le faisais avant: quand mes élèves doivent rechercher des documents à utiliser sur internet je leur demande systématiquement de donner la source et de vérifier les conditions d’utilisation (pas de précision=que le droit de consulter). Mes élèves sont rapidement déçus, car Google ne leur permet jamais de trouver une illustration ou un document qu’ils auront le droit de réutiliser.
    Je leur indique donc l’adresse de http://commons.wikimedia.org/wiki/M… et de http://search.creativecommons.org/ en leur expliquant le principe des licences libres.

    Ils sont tous très enthousiastes et se demandent bien pourquoi tout le monde ne met pas son travail sous ces licences… Ce point de vue partira peut-être avec l’âge. Espérons que non.

  8. idoric

    @libre fan
    >«Et combien de profs s’intéressent au droit d’auteur»
    @Beurt
    >«Je leur indique donc […] http://search.creativecommons.org/ en leur expliquant le principe des licences libres»

    Dans mon collège, comme dans de nombreux collèges, nous proposons l’option «DP3» (Découverte professionelle 3 heures (par semaine)) et son inévitable projet de micro-entreprise. Après la vente de petits pains au chocolat aux récréations, cette année c’est t-shirt imprimé (on imprime sur du papier transfert qu’on applique avec un fer à repasser). Si une collègue et moi n’avions pas été là, les professeurs directement impliqués auraient laissé les élèves utiliser des images tous droits réservés sans y voir de problèmes… mais finalement les élèves (et leurs professeurs ;)) maitrisent maintenant parfaitement la recherche avancée de flickr 🙂

    Au fait, toutes les licences CC ne sont pas libres, seules les by et by-sa le sont.