Sans les « pirates » l’offre de musique légale risque de prendre l’eau

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Mikebaird - CC byAlors qu’en ce moment même est débattu pour la deuxième fois à l’Assemblée nationale le projet de loi Création & internet, que le gouvernement veut imposer en dépit des nombreuses voix qui s’élèvent contre dans le monde de l’Internet (Quadrature du Net, Free, pétition de SVM) chez les artistes (lettre ouverte de personnalités du cinéma, producteurs indépendants de musique) des et même dans les rangs de la majorité, il n’y a qu’à se pencher pour trouver des éléments invalidant les contre-vérités dont les pro-Hadopi nous rebattent les oreilles.[1]

On sait que ce projet de loi, sous prétexte de défendre la création et les artistes, vise à maintenir sous perfusion le monopole de majors et de producteurs dont le modèle commercial obsolète est condamné, et l’on peut aisément avancer que depuis le début, les adversaires du téléchargement dit "illégal" et le gouvernement qui va dans leur sens se trompent de débat.

Plusieurs études ont montré que depuis le début des années 2000, alors qu’explosait le téléchargement par réseaux P2P, les ventes de musique et de DVDs, la fréquentation des salles de concerts et de cinéma n’avait cessé de croître.

Le gouvernement hollandais l’a d’ailleurs bien compris, et déclaré légal le téléchargement gratuit d’œuvres sous copyright, après qu’un rapport avait montré que les échanges de musique et de films par peer-to-peer étaient bénéfiques à l’industrie du divertissement.


Par ailleurs, une étude norvégienne a démontré que les téléchargeurs sont aussi ceux qui achètent le plus de musique disponible au téléchargement payant.

C’est donc la traduction d’un billet détaillant cette étude que nous vous proposons ici pour prouver, s’il en était encore besoin, que le projet de loi Création & Internet, s’il est adopté, sera, en plus d’être coûteux, inepte, injuste et obsolète, complètement inutile.

Étude  : Les pirates sont aussi les plus gros acheteurs de musique. Réponse des labels  : Mais bien sûr  !

Study : pirates biggest music buyers. Labels : yeah, right

Jacqui Cheng – 20 avril 2009 – Ars Technica
(Traduction Framalang  : Tyah, Olivier, Don Rico)

D’après une récente étude norvégienne, ceux qui téléchargent de la musique "gratuitement" sur les réseaux P2P (peer-to-peer, ou poste à poste) sont plus enclins à acheter légalement leur musique que ceux qui ne s’écartent pas du droit chemin. Les labels de musique, cependant, ne veulent pas y croire.

Selon une étude de la BI Norwegian School of Management, ceux qui téléchargent des copies illégales de musique sur les réseaux P2P sont les plus gros consommateurs de musique légale. Les chercheurs ont examiné les habitudes de téléchargement de plus de 1 900 internautes âgés de plus de quinze ans, et concluent que les habitués du téléchargement illégal de musique sont significativement plus enclins à acheter de la musique que ceux qui n’utilisent pas les réseaux P2P.

Sans surprise, les conclusions de la BI établissent que les 15-20 ans sont plus enclins à payer pour télécharger de la musique numérique qu’à acheter des CDs, même si la plupart d’entre eux ont acquis un CD au cours des six derniers mois. Cependant, quand on arrive aux échanges par P2P, il semblerait que ceux battant pavillon noir sont aussi les clients les plus enthousiastes de sites comme iTtunes et Amazon MP3. BI affirme ainsi que ceux qui déclarent télécharger de la musique illégalement et "gratuitement" consomment dix fois plus en musique légale que ceux qui ne téléchargent jamais illégalement. La traduction automatique de Google de la déclaration d’Auden Molde de la Norwegian School of Management à l’Aftenposten dit ainsi  : "Le plus surprenant reste la très importante proportion de téléchargement légal".

Le label EMI émet toutefois des doutes sur les statistiques de la BI. Bjørn Rogstad de EMI déclare à l’Aftenposten que les résultats laissent à penser que le téléchargement gratuit stimule le téléchargement payant, mais rien n’est moins sûr. "Si une chose est sûre, c’est que la consommation de musique augmente alors que les revenus diminuent. La seule explication est que le téléchargement illégal est plus important que le téléchargement légal", poursuit-il.

En rejetant ainsi les résultats de l’étude, Rogstad ne tient pas compte du fait que l’Internet a considérablement modifié la façon d’acheter de la musique. Les labels de musique ne vendent plus les albums complets par camions entiers comme c’était le cas avec les supports physiques, ils vendent aujourd’hui de gros volumes de chansons individuelles, de morceaux choisis. Le vieux format de l’album se meurt à cause de la vente de musique sur Internet, ce n’est un secret pour personne, et ça explique en grande partie la baisse générale du chiffre d’affaire de la musique.

Le rapport de la BI corrobore celui de la branche canadienne de la RIAA, la Canadian Record Industry Association, publié en 2006. À l’époque, l’organisme conclut que les utilisateurs des réseaux P2P achètent aussi plus de musique que l’industrie ne veut l’admettre, et que les réseaux P2P ne sont pas la cause principale de la baisse des ventes de musique. 73 % des participants à l’étude de la CRIA déclaraient acheter la musique après l’avoir téléchargée illégalement, alors que si les non-"pirates" n’achetaient pas de musique, c’était simplement par paresse.

Notes

[1] Crédit photo  : Mikebaird (Creative Commons By)

15 Responses

  1. Gnap

    Ce rapport est bidon. C’est logique qu’un amateur de musique aie tendance à écouter un album via P2P avant de l’acheter.

    Se servir de ce genre d’arguments pour légaliser le téléchargement gratuit est limite malhonnête ; il ne faut pas oublier que seuls les majors sont contents de se faire télécharger. Les labels indépendants sont eux au bord du gouffre, et avec eux des mecs qui n’ont que leur musique pour se payer à bouffer (voir http://www.telerama.fr/musique/le-c… ).

    Tant que les gens ne se comporteront pas de manière responsable, il est inévitable que ce genre de lois nous tombe dessus.

  2. Hybrid Son Of Oxayotl

    «Les labels indépendants sont eux au bord du gouffre»
    Ouaip, af-music est au bord du gouffre à cause du téléchargement illégal. Ah, en fait non, c’est un label indépendant goth qui ne propose quasiment que des artistes sous licence CC, donc il ne souffre pas du téléchargement illégal, puisqu’il n’est pas possible de télécharger ses artistes illégalement.
    http://www.af-music.de/en/
    Tout ça pour dire que se baser sur cet article qui montre le point de vue d’une portion non quantifiée des labels indépendants, et non pas un point de vue unanime, c’est un peu facile.

  3. uju

    mes 2 cts de la vieille économie :

    je suis bibliothécaire :
    – non, nos usagers ne paient pas pour tous les livres qu’ils lisent
    – oui, nos usagers sont les meilleurs clients des libraires…

    développer les goût, multiplier les expériences, "échanger" des artistes peu connus : ça ne peut nuire qu’aux marchands de soupe qui retourneront vendre des lessives, leur vrai métier.

    Il n’est pas possible que la question du coût marginal nul de la copie numérique ait échappé à tous ces HEC…

    "on" se fout de notre gueule.

  4. PillOow

    Citation: Article:
    "Le label EMI émet toutefois des doutes sur les statistiques de la BI. Bjørn Rogstad de EMI déclare à l’Aftenposten que les résultats laissent à penser que le téléchargement gratuit stimule le téléchargement payant, mais rien n’est moins sûr. "Si une chose est sûre, c’est que la consommation de musique augmente alors que les revenus diminuent. La seule explication est que le téléchargement illégal est plus important que le téléchargement légal", poursuit-il."

    Pardon mais là, il faut qu’il m’explique. S’il parle de la consommation de musique en tant qu’achat de CD, les revenus ne peuvent qu’augmenter à moins de considérer le téléchargement d’oeuvres soumises aux droits d’auteur comme étant de la perte direct, ce qui serait vraiment gonflé. Soit j’ai rien compris, je demanderais dans ce cas à une âme charitable de bien vouloir éclairer ma lanterne, soit c’est un argument typiquement kafkaïen qui nous prouve encore une fois l’immense bonne fois de l’industrie musicale.

    Bref, j’suis complétement pommé dans les études. Il n’y en a pas une qui dit la même chose, c’est là qu’il faut choisir celle dont l’opinion se rapproche la plus de la notre et la déclarer comme véridique ? ( Les autres sont corrompues ! )

    Dans ce débat, il y a distinctivement 2 camps, soit blanc soit noir, et aucun débat constructif n’est réellement possible. En espérant que cette guerre, qui est partie pour durer, ne fasse pas trop de dommages collatéraux en particulier sur les artistes. Moi j’ai choisis mon camp.

  5. popart

    "Les pirates sont aussi les plus gros acheteurs de musique"
    Ils faut donc arrêter tous les acheteurs :p

  6. Jimbo

    "Le gouvernement hollandais l’a d’ailleurs bien compris, et déclaré légal le téléchargement gratuit d’œuvres sous copyright"

    Est-ce que vous auriez une source pour ceci? Autant j’avais entendu parler du rapport, autant je n’avais jamais entendu parler de cette légalisation.

    Ou bien est-ce une simple tolérance (on ne poursuit pas, mais ça reste officiellement illégal)?

  7. Ranumao

    "Si une chose est sûre, c’est que la consommation de musique augmente alors que les revenus diminuent. La seule explication est que le téléchargement illégal est plus important que le téléchargement légal".
    Cette phrase est d’un cynisme…

  8. Biarnés

    si je connais un chanteur dont je n’apprécie pas la musique, je ne vais ni acheter sa musique ni la "pirater".
    si j’ignore l’existence d’un chanteur je ne vais ni acheter sa musique ni la "pirater"

    Donc il faut que je connaisse un chanteur et que j’apprécie sa musique pour que j’achète ou télécharge sa musique. Si sa musique est accessible facilement en boutique et d’un bon rapport qualité prix pourquoi irais-je la "pirater" ?
    si sa musique n’est pas accessible facilement (mal distribuée, trop onéreuse) alors il me restera deux solution : m’en passer (ce n’est pas ma mort) ou la "pirater".

    Pour éliminer le "piratage" il faut vendre les musiques demandées à un prix raisonnable et facilement accessible. Il faut changer totalement le système de distribution actuel qui est de vendre n’importe quoi à n’importe quel prix. Dans un système économique viable, c’est la demande qui guide l’offre et non l’inverse ; si l’offre ne satisfait pas la demande, automatiquement un marché parallèle va se constituer au détriment du marché "légal". La loi HADOPI essaye d’empêcher ce marché parallèle qui est né de l’incurie et de la paresse des circuits "légaux" qui préfèrent, pour se défendre, rentrer dans un système "mafieux" qui est d’imposer un sytème obsolète et que personne ne veut.

  9. Christian

    Cessez de fatiguer vos petites cellules grises inutilement. Si le pouvoir voudrait protéger les artistes, il y a longtemps que la licence globale serait la règle. Le pouvoir veut contrôler Internet tout simplement, le reste c’est de la propagande.

    Réveillez-vous sinon un beau matin vous découvrirez que la France est un état totalitaire. remarquez elle n’en est plus très loin.

  10. kaerith

    Je reste moi aussi persuadé qu’hadopi, n’est qu’un leurre… Une diversion nous forçant à accepter un logiciel mouchard…
    Naboléon souhaite contrôler l’un des derniers espaces de non novlang !!!!!

  11. samuel

    Vous vous souvenez des vidéos "Casse toi pov’ c**", "Et, le marin-pècheur, descend de là si tu oses", etc
    Hadopi va enfin permettre d’empècher discrètement l’accés à ces "oeuvres" puisque des pré-ados boutonneux imatures refusent de payer les droits d’auteur à "l’artiste" …

  12. Zaza

    "… la consommation de musique augmente alors que les revenus diminuent." Notons surtout que les revenus diminuent. D’abord les miens, inutile donc de lorgner sur ma carte bleue. J’aime bien le fantasme de tous ces acheteurs qui, sitôt la méchante loi passée, se rueraient en masse vers leur grand supermarché de la culture préféré et rempliraient leur caddies de CD à hors de prix (soit entre deux heures et trois heures de mon boulot pour une galette gravée reproductible à l’infini, dont je ne n’ai pu écouter qu’un seul morceau, en boucle, et jusqu’à l’écoeurement, sur les radios). Payer les artistes oui, mais autrement.
    Quant au logiciel espion, c’est manifestement leur grand rêve : flicage sécuritaire, flicage marchand, ils n’auront de cesse de nous fourguer leur logiciel estampillé "bon citoyen qui n’a rien à se reprocher –et on sait ce que tu consommes, on te le propose avant même que tu n’aies l’oser le formuler", c’est invraisemblable.

  13. Zaza

    Ah, j’oubliais : je préférerais infiniment jouer de la carte bleue que de passer des plombes à surfer sur le net pour…

  14. Maxxou

    Je me permets d’intervenir bien que non concerné (je n’aime que le classique, ce qui n’est pas en cause, semble-t-il ?). Il y a deux raisons pour télécharger : soit parce qu’on a entendu parler d’un artiste et que l’on veut savoir de quoi il retourne avant de dépenser une somme non négligeable pour un CD qui ne plairait pas après coup, soit on connait et on ne veut pas payer du tout, bien qu’on l’aime. Quand on aime, on ne compte pas, enfin, pas trop.
    Ce sont deux aspects assez différents.
    Enfin, je crois que quand un système existe, on ne peut pas l’empêcher de fonctionner, et je regrette de dire ça car je pense à la guerre nucléaire …

  15. aveldro

    Cette histoire du téléchargement illégal qui ferait du tort aux petits labels est complètement bidon. Les artistes des petits labels ne sont pas téléchargés car ils ne sont pas connus. D’autre part, je vois mal, dans le cadre de hadopi, un petit label passer commande à une officine de surveillance pour traquer les téléchargements d’un artiste inconnu. Ils n’en ont pas les moyens, et le retour sur investissement serait nul. En revanche, les majors prévoiront dans leur budget une enveloppe pour payer la surveillance des téléchargements de "Les Ch’tis font du ski" ou "Les Minimoys contre Gozilla", et ils s’apercevront bien vite que cette surveillance ne fait pas vendre un CD ou un DVD de plus. C’est ça plus qu’autre chose qui va faire que hadopi va mourir d’elle même : son inefficacité économique.