Vidéo : Richard Stallman à Paris pour la présentation de sa biographie autorisée

Classé dans : Framasoft | 21

Temps de lecture 5 min

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Les éditions Eyrolles ont organisé une rencontre avec Richard Stallman, le 12 janvier dernier dans leur librairie parisienne, à l’occasion de la sortie du livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre (que l’on peut d’ores et déjà précommander).

Cette intervention est désormais disponible sur le compte Eyrolles d’OpenVideo, l’espace Dailymotion spécialement dédié au format libre et ouvert Ogg[1].

Nous avons choisi d’en extraire le premier quart d’heure et vous le proposer ci-dessous dans la mesure il présente l’équipe du projet et nous offre un Richard Stallman au cœur du livre, puisqu’évoquant (non sans humour) son passé et ses premières expériences informatiques.

Par ordre d’apparition  :

  • Muriel Shan Sei Fan d’Eyrolles – émérite éditrice du livre et animatrice de la rencontre
  • Pierre-Yves Gosset (alias Pyg) – émérite et indispensable salarié de Framasoft (et qui remplaçait mon absence)
  • Christophe Masutti – émérite chef d’orchestre de la traduction et de la communication avec Richard Stallman
  • Et, last but not least, Richard Stallman himself of course  !

—> La vidéo au format webm

Pour la suite de la conférence, rendez-vous donc sur Dailymotion.

Transcript de l’intervention de Richard Stallman

Bonsoir, quand Christophe m’a proposé de relire le texte et corriger les erreurs pour la traduction française, je pensais que peut-être ce serait un petit travail. Mais quand j’ai lu le texte, j’ai vu qu’il fallait beaucoup de changements, beaucoup de corrections, mais je ne voulais pas qu’il devienne mon autobiographie.

Et comment l’éviter, c’était une tache délicate et j’ai décidé de maintenir toutes les citations, sauf quelques unes qui n’avaient rien à voir avec moi, et de maintenir toutes les impressions personnelles de Sam Williams, quand présentées comme telles. Et comme ça je devais garder son point de vue aussi, dans le livre que vous avez devant vous.

Et je n’ai pas éliminé les critiques. J’ai corrigé des faits erronés et j’ai répondu aux critiques, mais je les ai pas supprimés.

Je suis un personnage controversé. Et maintenant (avec ce livre) vous pouvez voir les deux côtés de la controverse, dont la première édition ne contenait souvent qu’un seul côté.

Le livre commence avec ma jeunesse. Je ne veux pas dire en beaucoup à ce sujet, mais j’ai vu (pour la première fois) un ordinateur quand j’avais 16 ans, à IBM, et j’ai commencé à vraiment programmer. Une année plus tard, je suis allé à l’Université Harvard à Cambridge. Et j’ai commencé à programmer dans le laboratoire de Harvard, mais c’était un système social tyrannique. Beaucoup de hiérarchie.

Et donc j’ai trouvé au MIT un autre laboratoire d’informatique avec (bien plus de) liberté. Où il ne s’agissait pas de qui tu étais, mais de ce que tu pouvais faire. J’y ai aussi rencontré le logiciel libre, parce que dans le laboratoire d’Intelligence Artificielle (IA) du MIT, tous les logiciels que nous utilisions étaient libres.

Le système d’exploitation était libre, puisqu’en ce temps-là il était développé par les hackers du laboratoire. Et j’étais moi-même engagé à participer à leur équipe pour améliorer le système. C’était l’emploi idéal pour moi, à l’époque.

Il fallait améliorer le monde. Et comment  ? c’était à moi de la décider, mais en conversation avec les autres, bien sûr.

Donc j’ai appris à faire beaucoup de choses, mais aussi j’ai appris à apprécier la liberté, à apprécier les Droits de l’Homme.

Liberté, parce que chacun était libre. Égalité, parce dans le laboratoire d’IA du MIT le pouvoir ne s’employait pas. Tout le monde était égal, mais tout le monde devait participer dans la recherche et aider les autres, c’était donc la fraternité aussi.

Quand je faisais des changements dans le système, ce n’était pas seulement selon mon goût mais je faisais attention a ce que les utilisateurs me disaient. Et comme ça j’ai découvert que c’était possible une vie libre dans l’informatique.

Mais sous la pression commerciale, cette communauté du logiciel libre disparut. Et je devais décider que faire.

J’avais l’option facile, le chemin facile de participer dans le logiciel que nous appelons aujourd’hui le logiciel privateur, le logiciel qui prive la liberté des utilisateurs, qui est un instrument de tyrannie. Mais je ne voulais, cela aurait été une vie odieuse.

Donc j’ai décidé de rejeter cette vie pour construire une nouvelle communauté de liberté, (une communauté) du logiciel libre. Et il fallait commencer presque à zéro.

J’ai ainsi annoncé en 1983 le projet de développer le système d’exploitation GNU. «  GNU’s Not Unix  », un acronyme récursif, l’humour du programmeur. De toute manière, l’esprit du hacker c’est de faire des blagues même dans les choses les plus sérieuses. Comme tenter de libérer le monde de l’informatique, la chose qui serait la plus importante de ma vie si elle avait du succès. Mais en même temps le monde peut être un blague. «  Ha Ha Only Serious  ».

Et nous avons plus ou moins réussi. Le système GNU marche assez bien aujourd’hui avec le noyau Linux, dans la combinaison GNU et Linux. Nous avons des interfaces graphiques libres, nous avons des outils bureautiques libres, bien que quand je dis le mot «  bureautique  », je pense à «  l’érotique dans le bureau  ».

Mais nous n’avons pas encore gagné, parce que nous n’avons pas encore libéré tous les utilisateurs de l’informatique. La grande majorité continue (d’être) sous le pouvoir des entreprises comme Microsoft, Apple, Adobe et beaucoup d’autres. Donc nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que tout le logiciel soit libre, pour que tous les utilisateurs soient libres…

Notes

[1] Richard Stallman n’accepte plus que ce format pour être filmé. Le site NetEco l’a ainsi appris à ses dépends dans 15 minutes avec Richard Stallman  : «  Cet entretien aurait dû être publié en format vidéo, cependant, sur demande de Richard Stallman ce dernier a été retranscrit. En effet, M. Stallman n’accepte la publication de vidéo qu’au format libre Ogg Theora.  »

21 Responses

  1. Hinault Kévin

    Juste une critique : le fait que Richard Stallman refuse d’autre formats que l’OGG pour la diffusion est valable aussi pour le framablog et la video ci-dessus ne devrait donc pas être en Flash mais dans une balise HTML5/Video !

  2. cantor

    @ Hinault Kévin
    Personnellement, tant que j’ai la possibilité de ne pas utiliser flash, cela me convient.
    La possibilité d’utiliser flash n’est pas gênante tant que je peux télécharger la vidéo en ogg.
    Ce qui est serai choquant serai l’absence de choix.
    Maintenant, effectivement, ce serai encore plus chouette d’avoir le lecteur html5 lorsque le navigateur est compatible plutôt que du flash…

  3. Hinault Kévin

    On est d’accord sur le fait de donner "le choix" mais RMS est lui très clair sur cette question: aucune diffusion dans un format propriétaire. Il est d’ailleurs souvent critiqué pour cette absence de choix qui le fait passer pour "intégriste" (hou que je n’aime pas ce mot).

  4. aKa

    C’est prévu d’implémenter cela ce week-end sur le blog, si tout se passe bien.

  5. Etenil

    Hou!!

    Framablog est plein de vilains pirates violeurs de droits d’auteur! Si ça continue, framablog sera au pilori aux côtés de l’Hadopi!!!

  6. alex

    merci pour la vidéo … j’attends le livre avec impatience 🙂

    (d’ailleurs, peut-on faire des précommandes, si cela peut aider l’éditeur, évidemment! car de toute façon, je l’achèterai celui-là 🙂 )

    Merci
    (aux divers équipes des divers projets…)

  7. Olive

    Très intéressant. Ça ressemble un peu au paradis perdu des hackers son histoire, un âge d’or corrompu par l’argent qu’il cherche à retrouver. Mais quand il dit : "Mais sous la pression commerciale, cette communauté du logiciel libre disparut.", je trouve ça un peu rapide comme explication. Vous me direz que justement y’a le bouquin pour en savoir plus !

    J’aime bien aussi ce passage : "Il fallait améliorer le monde. Et comment ? c’était à moi de la décider, mais en conversation avec les autres, bien sûr."

    Un little big man, assurément !

  8. Elessar

    Pas sérieuse, la diffusion par Dailymotion. Il y a une dizaine de vidéos différentes, de longueurs différentes, certaines dans un format libre, et la seule qui soit marquée « intégrale » est en Flash.

  9. restouble

    En attendant la dispo du format Ogg sur ce blog vous pouvez faire un tour sur le framatube theorasea ici : http://frama.theorasea.org/index.ph
    Une discussion avec JosephK sur les raisonsde la non présence de vidéio ogg sur ce blog propulsé par Dotclear ici : http://forum.framasoft.org/viewtopi
    j’en profite pour remercier JosephK pour son boulot ainsi que toutes les fourmis de la framalière pour leur travail acharné.

  10. Sylooo

    C’est quand même un sacré bonhomme ! C’est marrant en tout cas ce livre : le sujet d’une biographie qui participe à une traduction en apportant ses modifications autorisées par la licence libre ! Je note qu’il a conscience d’être un "personnage controversé" 🙂

  11. Elessar

    @aKa : Je sais, c’est ce que j’ai téléchargé. Je trouve juste lamentable de la part de Dailymotion de ne pas héberger eux-mêmes la vidéo libre alors qu’ils en hébergent d’autres.

  12. artapalamulphe

    Je découvre avec intérêt l’existence de ce monsieur, à qui je dois beaucoup sans le savoir. Pour autant je ne crois pas qu’on lui doive quelque chose quant à la pensée politique. On ne peut pas conceptualiser la liberté à partir d’un groupe social aussi peu hétérogène que les programmeurs ! Les problèmes commencent justement quand l’autre ne sait pas du tout où se trouve la question commune, ni même qu’elle existe. Or, ce qui existe, c’est un outil fondé sur des concepts informatiques qui portent en eux la nécessité d’une abstraction définie par tout ceux qui les améliorent, mais je ne vois pas en quoi, cela, ce travail de liberté intellectuelle, ce paradis perdu quant à l’histoire personnelle du bonhomme, serait transposable à l’échelle d’un débat politique où, précisément, la question publique est d’arriver à dire ce qu’est l’ amélioration, en quoi elle consiste, avant même de comment la réaliser. La confusion réside en ceci qu’on ne peut plus ne pas voir que le résultat de l’informatique moderne, en réseau ouvert, constitue un enjeu crucial pour la liberté d’expression, un enjeu que les marchands "privateurs" veulent orienter vers leurs intérêts personnels, appuyés éventuellement par une sphère politique installée qui craint que la parole collective soit pénible à entendre, mais il n’en demeure pas moins que dans un monde idéal où ce serait le résultat du travail en réseau et non pas le moyen ( le tuyau, le programme ) qui aurait de la valeur, eh bien nous serions sans doute plus libre mais nous n’aurions pas encore réinventé la politique, qui n’est pas un logiciel, autant que je comprenne. Il ne suffit pas d’être d’accord sur ce qui nous aliène pour savoir ce qui fait sens, à mon avis.

  13. IntDuLi

    @Elessar : Je te trouve bien sévère. Dailymotion est français, concurrent de Google/YouTube, et fait des efforts avec le format Ogg – contrairement à YouTube – même si tout n’est pas parfait. Je suis sûr qu’en leur écrivant, on trouverait une écoute. Les "intégristes du libre" méritent parfois bien leur surnom…

  14. Micha

    En réponse à artapalamulphe

    > Je découvre avec intérêt l’existence de ce monsieur, à qui je dois beaucoup sans le savoir.

    J’aime bien cette formulation. Je crois qu’on lui doit beaucoup évidemment pour nos logiciels mais également comme source d’inspiration, non seulement pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il est, de tous ces mouvements qui tentent de conserver un réseau neutre, collaboratif et ouvert : Creative Commons, Wikipédia, anti DRM, anti Hadopi, etc. C’est aussi pour une public "comme toi" que ce bouquin peut à mon avis être intéressant et participer, qui sait, à agrandir le cercle des défenseurs du logiciel libre.

    > Pour autant je ne crois pas qu’on lui doive quelque chose quant à la pensée politique.

    Certains peuvent lui accorder une quelconque pensée politique, faut voir qu’il arpente le monde de conférence en conférence comme un homme politique en campagne, mais lui n’a jamais revendiqué quoi que ce soit à ce sujet. Il se borne à considérer le mouvement du logiciel libre comme un mouvement éthique et social, en comparaison avec l’open source qui serait avant tout technique.

    > On ne peut pas conceptualiser la liberté à partir d’un groupe social aussi peu hétérogène que les programmeurs !

    Ce n’est en effet pas reproductible, a fortiori puisqu’on est au départ dans l’immatériel. Sauf que cet immatériel prend une place de plus en plus importante dans nos vies. Et l’histoire totalement exotique des hackers nous devient années après année de plus en plus proche.

    > Les problèmes commencent justement quand l’autre ne sait pas du tout où se trouve la question commune, ni même qu’elle existe. Or, ce qui existe, c’est un outil fondé sur des concepts informatiques qui portent en eux la nécessité d’une abstraction définie par tout ceux qui les améliorent, mais je ne vois pas en quoi, cela, ce travail de liberté intellectuelle, ce paradis perdu quant à l’histoire personnelle du bonhomme, serait transposable à l’échelle d’un débat politique où, précisément, la question publique est d’arriver à dire ce qu’est l’ amélioration, en quoi elle consiste, avant même de comment la réaliser.

    J’ai pourtant l’impression que l’on se met petit à petit d’accord sur la défense des "biens communs", mis à mal par une société de l’individuel et du profit.
    http://bienscommuns.org/

    > La confusion réside en ceci qu’on ne peut plus ne pas voir que le résultat de l’informatique moderne, en réseau ouvert, constitue un enjeu crucial pour la liberté d’expression, un enjeu que les marchands "privateurs" veulent orienter vers leurs intérêts personnels, appuyés éventuellement par une sphère politique installée qui craint que la parole collective soit pénible à entendre, mais il n’en demeure pas moins que dans un monde idéal où ce serait le résultat du travail en réseau et non pas le moyen ( le tuyau, le programme ) qui aurait de la valeur, eh bien nous serions sans doute plus libre mais nous n’aurions pas encore réinventé la politique, qui n’est pas un logiciel, autant que je comprenne.

    D’accord aussi. Le réseau ouvert est une condition nécessaire mais pas suffisante à la mise en place d’une autre politique. Raison de plus pour se battre pour le conserver car sinon on n’aura même plus les moyens de faire réflechir ensemble à faire émerger quoi que ce soit.

    > Il ne suffit pas d’être d’accord sur ce qui nous aliène pour savoir ce qui fait sens, à mon avis.

    Désigner et se mettre d’accord sur ce qui nous aliène fait déjà sens en soi. Rien que le fait de se mettre d’accord, qui implique du collectif, fait sens en soi pour moi.

  15. Elessar

    @IntDuLi : Dailymotion fait des efforts avec le format libre ? Ils ne le mettent pas du tout en valeur. Et une des seules vidéos qui mériterait d’être diffusée dans ce format ne l’est pas. C’est lamentable, mais effectivement, je vais leur écrire, j’aurais déjà dû le faire. Sinon, j’aurais bien proposé un tracker Bittorrent pour remplacer le défaillant Dailymotion, je suis en train de chercher un logiciel tracker. Je vous tiens au courant.

    Intégriste du libre, tu dis ? Je te rappelle que si l’aperçu de l’Agenda Wikimédia 2010 est disponible en format ouvert PDF et non seulement en Flash, c’est grâce à moi qui me suis plains, et ai agi en effectuant la conversion de format que le logiciel propriétaire InDesign était incapable de faire.

    @artapalamulphe, @Micha : Par pitié, « faire sens », ça n’est pas français, ici on dit « avoir du sens » ou « être sensé ».

  16. artapalamulphe

    Merci Elessar, car j’ignorais absolument que ça, pardon, cela, faisait sens interdit.
    @micha J’ignorais qu’il n’avait pas de prétention politique, ou alors est ce peut être qu’il en fait sans le savoir.

    >J’ai pourtant l’impression que l’on se met petit à petit d’accord sur la défense des "biens communs", mis à mal par une société de l’individuel et du profit.
    http://bienscommuns.org/

    Tout le monde est absolument d’accord sur beaucoup d’évidences, mais ça ne forme que le contour d’un débat politique, tout comme l’existence d’une agora numérique pour manifester ses sentiments a priori généreux ( trouvez moi quelqu’un favorable à l’exploitation des enfants par exemple ). Je me trompe peut être, je n’ai pas beaucoup réfléchi à ça, mais cette fascination parfois pour le libre internet et l’hyper communication, j’ai l’impression qu’elle témoigne d’un déplacement du centre politique vers son contour, avec la bénédiction de ceux qui continuent de profiter du système exactement de la même manière qu’il y a deux siècles, à quelques plans de "communication" près. bref, ça nous éloigne de logiciel libre.

  17. Elessar

    Mise à jour : ça y est, Dailymotion publie la vidéo en format libre. Et pas grâce à moi : je n’ai pas eu le temps de leur écrire. 🙂

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