L’État de l’Oregon adopte Google Apps Education pour ses écoles

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Avinash Kunnath - CC byLa nouvelle est passée totalement inaperçue dans les médias et la blogosphère francophones alors qu’elle revêt pourtant selon moi de la plus haute importance. Parce que c’est peut-être rien moins que l’éducation de demain qui se cache ici derrière cet évènement.

Un État américain, en l’occurrence l’Oregon, vient tout juste de décider d’adopter la solution Google Apps Education pour toutes ses écoles publiques.

Nous vous proposons ci-dessous la double traduction du blog de Google qui annonce fièrement la nouvelle ainsi qu’une explication enthousiaste, voire complaisante, issue du célèbre site Mashable.

J’aurais l’occasion dans un futur billet de revenir plus en détails sur Google Apps Education en pointant effectivement ses nombreux avantages mais également ses criants défauts. Histoire de nuancer quelque peu le caractère parfois légèrement «  bisounours  » des propos tenus dans ce billet.

Mais retenons pour le moment que les données des élèves dans les nuages des serveurs Google ne font pas peur à l’Oregon (cf les termes du contrat). C’est un choix de l’administration publique, c’est un État tout entier (qui concernent plusieurs centaines de milliers d’élèves) et ça va donner de sérieuses billes à Google pour convaincre d’autres futures institutions scolaires d’en faire autant. Surtout si les journalistes ne font rien d’autre que d’applaudir benoîtement.

Retenons également que contrairement à nos trois étudiants de l’Université Yale, aucune voix de lycéens ou de leurs parents n’est venue contrarier la bonne marche du projet en demandant quelques (légitimes) explications et précisions.

PS  : À ceux qui s’étonneront du choix de la photographie ouvrant cet article[1], je l’ai trouvée en tapant «  Oregon  » dans Flickr. Ce sont les pom-pom girls de l’équipe de football américain des Oregon Ducks et elles me semblaient toutes indiquées pour illustrer ironiquement le côté «  tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil  » de cette actualité.

Alis volat propriis  : L’État de l’Oregon fait entrer Google Apps dans toutes ses écoles

Alis volat propriis : Oregon’s bringing Google Apps to classrooms statewide

Jaime Casap (Google Apps Education Manager) – 28 avril 2010 – The Official Google Blog
(Traduction Framalang  : Étienne)

Ayant grandi dans le quartier de Hell’s Kitchen à Manhattan pendant les années 70, je n’ai pas reçu d’éducation en matière de technologie. Mes enseignants notaient mes copies, et l’idée de collaborer à un projet avec mes camarades n’était pas envisageable, où que ce soit et pour quoi que ce soit. Il va sans dire que nous n’avions pas d’ordinateur à la maison, et que l’idée de travailler sur Internet était encore un rêve pour l’élève que j’étais.

Les choses ont changé, bien sûr, depuis que j’ai quitté l’école, et des gens travaillent ardemment à amener la technologie dans les salles de classe, pour aider les élèves a apprendre et les professeurs à enseigner. Aujourd’hui, l’Oregon franchit une étape majeure dans cette direction. C’est le premier à ouvrir Google Apps Education aux écoles publiques de tout un État.

À partir d’aujourd’hui, le département de l’éducation de l’Oregon offre Google Apps à toutes les académies de l’État, aidant ainsi les professeurs, les personnels administratifs et les élèves à utiliser Gmail, Docs, Sites, Video, Groups et plus encore, au sein des établissements scolaires du primaire et du secondaire. Le financement des écoles a subi des coupes importantes ces dernières années, et l’Oregon n’y fait pas exception. Cette démarche permettra au département de l’éducation d’économiser 1,5 millions de dollars par an, une somme rondelette pour un budget en difficulté.

Avec Google Apps, les élèves de l’Oregon peuvent créer des sites Web ou envoyer des messages à leurs enseignants autour d’un projet. Leurs documents et leurs messages vivent leur vie en ligne, dans le «  cloud  » (NdT  : le nuage), toujours accessibles pour y travailler depuis une salle de classe ou un laboratoire informatique, à la maison ou à la bibliothèque municipale. Et au lieu de, seulement, noter une copie une fois le travail rendu, les professeurs de l’Oregon peuvent accompagner en temps réel les élèves sur leur documents, et les guider au fur et à mesure. Il est essentiel que les élèves apprennent à se servir des outils technologiques dont ils auront besoin au cours de leur vie, et l’Oregon aide ses élèves dans ce sens, tout simplement.

Je suis ébahi de voir à quel point la technologie a évolué depuis que j’ai quitté l’école, et à quel point nous devons continuer dans cette direction pour nous assurer que les enfants aient accès à ces outils dans les classes. Les outils en ligne tels que les Google Apps sont une façon, pour les enseignants, les élèves, et maintenant un État tout entier, de répondre au problème. Oh, et «  alis volat propriis  »  ? C’est la devise de l’Oregon. Celà signifie «  Elle vole de ses propres ailes  ». Très à propos pour un État qui s’oriente ainsi vers le «  cloud  ».

Pourquoi les écoles s’ouvrent à Google Apps

Why Schools are Turning to Google Apps

Greg Ferenstein – 28 avril 2010 – Mashable
(Traduction Framalang  : Olivier)

Aujourd’hui, les écoles publiques de l’Oregon s’offrent à Google Apps, 400 000 étudiants, enseignants et personnels administratifs auront désormais accès à un système d’e-mail et de chat, des outils de collaboration dans les nuages et un service de streaming multimedia. Les décisions affectant tout un état sont habituellement aprement contestées, chaque point étant sujet à débat.

Mais l’histoire entre Google Apps et le système éducatif est fascinante à bien des égards. Nous avons interviewé les architectes de ce plan ainsi que ceux qui utilisent Google dans les salles de classe. Voici les trois avantages qui s’en dégagent  : 1) les écoles font des économies, 2) les résultats scolaires et la motivation s’en ressentent, à la hausse, et 3) les étudiants sont mieux préparés aux communications numériques dans le monde réel.

Les économies

L’argent est souvent le nerf de la guerre lorsqu’on parle de réforme de l’éducation et l’avantage est clairement dans le camp de Google. Le ministère de l’éducation de l’Oregon estime pouvoir économiser 1,5 million de dollars par an. Même le relativement modeste Maine Township District 207 dans l’Illinois, qui a déjà adopté Google Apps, estime ses économies à 160 000 dollars chaque année.

Google Apps Education est gratuit. Les économies proviennent principalement de l’abandon des logiciels de messagerie et de bureautique, auxquelles il faut ajouter les coûts de la maintenance informatique et des mises à jours matérielles. D’après Steve Nelson, vice-président technologie de Oregon Virtual Schools, ces économies peuvent être ré-investies pour déployer un service de streaming multimédia qui fait la part belle aux créations des étudiants, ce qui, ajoute-t-il, «  n’était pas économiquement faisable  » avant l’arrivée de Google.

Henry Thiele, responsable informatique pour le district 207, s’avoue «  surpris du nombre d’écoles qui ne connaissent même pas Google Apps  ». Et si elles en entendent parler, poursuit-il, elles cherchent toujours le petit piège. Thiele répond simplement «  Il n’y a pas de piège  ».

Résultats et motivation à la hausse

«  Les étudiants qui participent à ce programme progressent beaucoup plus rapidement en lecture que ce à quoi nous sommes habitués  », s’enthousiasme Thiele. Il fait référence à un cours d’anglais où un ordinateur portable a été confié à des élèves de 3ème considérés en difficulté. Dans le District 207, on espère voir une progression de 3 points en moyenne sur les tests de lecture cette année, mais les scores des élèves en difficulté devraient stagner ou régresser. Alors que les scores de ceux qui en revanche participent au programme ont fait un bond de 8 à 10 points. Google Apps n’est pas le seul facteur à l’origine de ce progrès, mais son coût dérisoire et sa nature collaborative ont rendu le programme 1-to-1 (un ordinateur pour chaque élève) possible.

Jason Levy, chef d’établissement, qui a participé à l’introduction de Google Apps dans les écoles du district 339 de New York (voir ce reportage vidéo), a observé que 47 % des étudiants atteignent désormais la moyenne en mathématiques contre 27 % auparavant. De plus, Thiele et Levy font état d’une plus grande concentration et de moins de problèmes disciplinaires. D’après Levy «  leur comportement s’est amélioré, l’absentéisme a diminué et les exclusions temporaires sont plus rares  ».

Les remarques de ces deux enseignants reflètent l’avis général puisque les expérimentations réalisées dans d’autres classes confirment que mêler technologie et éducation accroît l’intérêt des élèves.

Ça n’est pas très difficile à comprendre «  On dit souvent que les gamins ne savent pas se concentrer ou garder leur concentration. Ma foi, je n’y arrive pas non plus  » avoue Levy. S’appuyer sur le besoin des enfants de se socialiser et sur leurs facultés d’adaptation à la technologie est un moyen naturel de tirer partie de leur curiosité.

Se préparer au monde réel

Non seulement les étudiants bénéficient des avantages de la collaboration et d’une familiarisation accrue avec l’informatique, mais Google Apps les aide aussi à se préparer pour le monde réel de manière innovante. Grâce à Google Sites, les futurs ingénieurs tiennent à jour un portofolio numérique de leurs projets d’étude. La somme numérique de tous leurs travaux universitaires parlera certainement plus à leurs futurs employeurs que quelques tirets dans un CV.

L’un des professeurs du Maine Township utilise Google Spreadsheets pour faire sortir la science du carcan des livres. Les étudiants réalisent de vrais expériences et regroupent toutes leurs données dans des tableaux en ligne. Ici, les élèves mettent littéralement les mains dans le cambouis, ils mesurent l’influence du sol sur la croissance des plantes et traitent leurs données grâce aux outils informatiques, comme les vrais scientifiques. Ce modèle, pas bien sorcier, semble être un moyen peu onéreux et motivant pour aider le Ministère de l’Éducation a atteindre le but qu’il s’est fixé d’accroître la compétitivité scientifique des États-Unis au travers de l’ambitieux programme «  Race to the Top  ».

Conclusion

«  Les fonctionnalités apportées sont absolument stupéfiantes  » ajoute Nelson. Effectivement, tous ceux que j’ai interviewé ne trouvaient que du positif à l’introduction de Google Apps dans un contexte d’enseignements. Quoiqu’on pense de Google en tant que société, ses contributions au système éducatif américain sont remarquables.

L’adoption par les écoles de Google Apps est un signe que l’informatique dans les nuages se démocratise. Le perfectionnement de ces outils, ainsi que leur avantage économique font des applications Web une alternative intéressante pour les écoles en manque de moyens. Peut-être faut-il voir dans l’adoption de Google Apps par l’Oregon un signe avant coureur d’une éducation qui se fera de plus en plus dans les nuages.

Notes

[1] Crédit photo  : Avinash Kunnath (Creative Commons By)

13 Responses

  1. fredf

    Question: existe-t-il une suite logicielle libre alternative à Google apps à installer sur son propre serveur (celui d’une école par exemple)?

  2. Elessar

    @fredf : Pour faire du courrier électronique, de la bureautique et de la messagerie instantanée ? Pas forcément tout sur serveur, mais ça existe en libre, évidemment.

    Le passage le plus ahurissant de cet article :
    > Oh, et « alis volat propriis » ? C’est la devise de l’Oregon. Celà signifie « Elle vole de
    > ses propres ailes ». Très à propos pour un État qui s’oriente ainsi vers le « cloud ».
    C’est dingue, parce que là, c’est voler avec les ailes de quelqu’un d’autre qu’on ne contrôle pas du tout, tout de même.

  3. fredf

    Je me suis donc mal fait comprendre… pour faire plus explicite: je prend l’équivalent de google apps (webmail/imap, messagerie instantanée, suite bureautique avec sauvegarde distante des données, calendrier synchro, éditeur web/CMS…) et je le fais tourner sur mon serveur et pas sur un serveur google (pour garantir un contrôle sur mes données). En gros, un genre de groupware avec la suite bureautique intégrée. Ca existe ça?

  4. Elessar

    @fredf : Là, aucune idée. Mais personnellement, je n’aime pas que mes données soient sur un serveur commun à d’autres. Je préfère encore qu’elles soient au chaud sur mon propre disque dur dans mon propre ordinateur.

  5. morandim

    C’est pour quand ?

    J’aurais l’occasion dans un futur billet de revenir plus en détails sur Google Apps Education en pointant effectivement ses nombreux avantages mais également ses criants défauts.

  6. Grostophe

    @fredf : voir peut-être du côté de la solution d’Abuledu (http://abuledu.org/) qui pourrait peut-être correspondre à ce que tu cherches : un serveur et des terminaux qui viennent chercher les applications, avec session pour chaque utilisateur. Les données restent sur le serveur et pas dans les nuages.

  7. Mc Rack

    "[…] l’informatique dans les nuages se démocratise."
    Il y en a UN qui possède le nuage et tous les AUTRES qui lèvent la tête en espérant qu’il pleuve.
    Bel exemple de démocratisation.

  8. Lordinux

    @fredf : il n’y a peut-être pas une unique appli qui remplisse toutes les fonctions que tu indiques mais tout est faisable en libre sur son propre serveur. Dans le monde linux on préfère une appli pour une fonction plutôt qu’un "méga-machin" qui fait tout. Ca permet de mieux choisir comment chaque fonction est remplie et éventuellement de changer d’outil sur une partie du périmètre seulement. Pour ce qui est de la suite bureautique avec sauvegarde distante je ne suis pas sûr de bien comprendre l’intérêt. Il me semble préférable d’avoir une suite bureautique classique et que l’ensemble des données du serveur (pas seulement les documents bureautiques) soit sauvegardé de manière distante.

  9. tala

    Bonjour à tous.
    @fredf : Ma réponse est peut-être à côté de la plaque, mais il me semble que dans mon Lycée le serveur LCS (linux communication serveur) accouplé à un autre serveur linux dit SambaEdu dispose déjà de modules remplissant les services cités : agenda collaboratif, messagerie électronique, distribution de documents, gestion de réservation de ressources communes, wiki …
    Cette solution reste sous-utilisée par les profs et par surtout par l’administration, mais elle est clairement libre et est maintenue par des professeurs, donc une partie de l’expertise est déjà disponible en interne.

  10. MP

    J’utilise google Apps Educ depuis bientôt 2 ans dans mon école primaire. Ce sont principalement les enseignants, les élèves de CM et quelques parents qui l’utilisent. J’ai utilisé pendant plusieurs années un serveur Abuledu mais je ne voulais plus avoir à administrer un serveur. Je pensais aussi que tous mes élèves auraient une cx internet haut débit, là-dessus je me suis trompé, beaucoup n’ont même pas le téléphone, juste une mobicarte de temps en temps alors qu’il est indispensable que chaque élève dispose des mêmes outils. ça demeure donc un voeu pieux et un outil de plus à "assimiler" pour les enseignants qui croulent sous les divers intranets institutionnels. J’ai pensé à Eyeos mais j’ai trouvé la solution GoogleApps plus conforme à mes besoins.

  11. K.

    Openmeeting + moodle + wiki : + mail

    Voir également george siemens qui critique notamment google dans "Open isn’t so open anymore" : si quelqu’un veut bien le traduire et le mettre sur frama …

    "don’t be evil" : La plus grande réussite du diable c’est qu’il a convaincu tout le monde qu’il n’existe pas

    Salutation, et courrage