Microsoft, ennemi des droits de l’homme en Russie ?

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Délirante Bestiole - CC byQuand la Russie utilise Microsoft pour réprimer la dissidence, tel est le titre d’un stupéfiant article du New York Times, qui a fort justement fait réagir notre ami Glyn Moddy dans un billet traduit ci-dessous.

Il fallait y penser. Pour museler les écologistes qui souhaitent préserver le lac Baïkal[1], vérifions si leurs ordinateurs ne tournent pas avec des versions de Windows piratées  ! Et avec l’aide des avocats de Microsoft qui plus est  ! Une histoire incroyable mais malheureusement vraie.

Cependant, comme il est dit en conclusion, il est tout aussi incroyable de constater que ces organisations non gouvernementales n’aient pas encore rencontrés le logiciel libre. Ceci obligerait alors les autorités russes à trouver un autre prétexte pour les embarquer.

Microsoft, ennemi des droits de l’homme en Russie  ?

Microsoft, Enemy of Human Rights in Russia ?

Glyn Moody – 12 septembre 2010 – Open…
(Traduction Framalang  : Goofy, Yoann, Barbidule, Pablo et Garburst)

Voici une jolie fable morale.

Le lac Baïkal est une merveille. Hôte de nombreuses espèces uniques, c’est le lac le plus ancien et le plus profond du monde. Mais Vladimir Poutine s’en moque complètement  : il est préoccupé par le taux de chômage croissant dans la région, c’est pourquoi il a autorisé la réouverture d’une papeterie qui pendant des années a déversé du mercure, du chlore et des métaux lourds dans cet écosystème exceptionnel.

Jusque-là, c’est déjà assez déprimant.

Mais voici le moment de l’histoire où cela devient intéressant  :

C’est par une fin d’après-midi de janvier qu’une escouade d’officiers de police en civil est arrivée au quartier général d’un groupe écologiste de premier plan. Ils sont passés devant l’équipe en leur adressant à peine la parole et se sont aussitôt emparés des ordinateurs pour les emmener. Ils ont ainsi pris des fichiers qui relataient les efforts d’une génération entière pour protéger la nature sauvage sibérienne.

Le groupe «  Baikal Environment Wave  » organisait des manifestations contre la décision du premier ministre Vladimir Poutine de ré-ouvrir une papeterie qui polluait le lac Baïkal tout proche, une merveille de la nature qui, selon certaines estimations, concentre 20 pour cent des réserves d’eau douce du monde.

Mais le groupe a été victime de l’une des plus récentes tactiques des autorités pour mater les contestataires  : la confiscation des ordinateurs sous prétexte d’y chercher des logiciels Microsoft piratés.

À travers toute la Russie, les services de sécurité ont mené ces dernières années des douzaines d’actions coup de poing de ce genre contre des journaux ou des organisations d’opposition. Les officiels des services de sécurité prétendent que ces enquêtes sont justifiées par la lutte contre le piratage logiciel, endémique en Russie. Cependant ils s’attaquent rarement sinon jamais à des organisations ou des journaux qui soutiennent le gouvernement.

À mesure que ce stratagème s’est développé, les autorités ont reçu l’appui décisif d’un partenaire inattendu  : l’entreprise Microsoft elle-même. Dans des cas de poursuites comportant un aspect politique, partout en Russie, les avocats engagés par Microsoft ont vigoureusement aidé la police.

Apparemment, la détermination de Microsoft pour aider à réprimer la contestation n’est pas limitée à ce cas de figure  :

Compte-tenu des soupçons portant sur le motif politique de leurs investigations, la police et les juges se sont tournés vers Microsoft pour donner du poids à leurs accusations. En Russie du sud-ouest, le ministre de l’Intérieur a déclaré dans un document officiel que l’enquête sur un défenseur des droits de l’Homme, portant sur la piraterie informatique, avait été lancée «  sur le fondement d’une requête  » d’un avocat de Microsoft.

Dans une autre ville, Samara, la police a saisi les ordinateurs de deux journaux d’opposition, avec le soutien d’un autre avocat de Microsoft. «  Sans la participation de Microsoft, ces poursuite criminelles contre des défenseurs des droits de l’Homme n’auraient tout simplement pas eu lieu  », a déclaré le directeur de publication de ces deux journaux, Sergey Kurt-Adzhiyev.

Mais le pire dans cette histoire, c’est qu’il ne sert à rien d’avoir des versions légales des logiciels Microsoft  :

Les dirigeants de l’association Baïkal Wave ont précisé qu’ils avaient été avertis que les autorités utiliseraient de telles actions pour faire pression sur les groupes de défense de l’environnement, ils s’étaient donc assurés que tous leurs logiciels étaient légaux.

Mais ils ont vite compris à quel point il leur serait difficile de se défendre.

Ils ont déclaré avoir expliqué aux officiers de police qu’ils se trompaient, en leur montrant les factures et l’emballage d’origine de Microsoft pour prouver qu’il ne s’agissait pas de logiciels piratés. La police n’a pas paru en tenir compte. Un officier supérieur a rédigé sur-le-champ un procès-verbal prétendant que des logiciels illégaux avaient été découverts.

Les défenseurs de l’environnement disent qu’avant l’opération coup de poing, les autocollants de Microsoft «  Certificat d’authenticité  » étaient collés sur les ordinateurs pour attester de la légalité des logiciels. Mais alors que les ordinateurs étaient emmenés, ils remarquèrent une chose étrange  : les autocollants avaient disparu.

Naturellement, il existe une solution simple  : utiliser des logiciels libres. Ainsi, pas besoin d’autocollants, et impossible pour les autorités de vous reprocher leur utilisation. D’ailleurs, compte-tenu du meilleur niveau de sécurité que procure le logiciel libre, j’ai du mal à comprendre pourquoi les associations qui défendent les droits de l’Homme ne les installent pas de manière systématique. Espérons que ces pénibles expériences les mettront sur la bonne voie et qu’ils passeront bientôt au libre – pour eux, et pour l’avenir du lac Baïkal.

Notes

[1] Crédit photo  : Délirante Bestiole (Creative Commons By)

27 Responses

  1. QueLaBeteMeure

    Et Google qui passe des publicités pour la Scientologie ?

    C’ est quoi ?

  2. korbe

    À mon avis, cela ne changera rien pour eux d’utiliser du logiciel libre, de la même façon que cela ne change rien d’utiliser les logiciels de Crimosoft légaux ou illégaux.

    Ils diront que: "Nous pensions qu’ils utilisaient du Microsoft, vue que c’est ce qu’utilisent toute personne normalement constitué."

  3. d.

    Même remarque que korbe, ça n’a rien à voir avec le logiciel libre ou propriétaire, et tout à voir avec l’état de droit qui n’existe plus en Russie.

    Cet anti-Microsoft primaire ne sert vraiment à rien.

  4. korbe

    @ d. : C’est pas de l’anti-Microsoft primaire. C’est juste de l’information.

    D’ailleurs, une mafia telle que Crimosoft ne mérite pas qu’on la concidère bien ou qu’on en parle en bien.

    La seul chose que mérite cette mafia c’est la faillite et la prison pour ses dirigeants.

  5. Catarina

    Effectivement, la nature de l’OS équipant les machines n’est pas le problème; c’est juste la localisation (et le format) des données qui compte dans un cas comme celui-ci.

    Nul besoin d’inventer d’autre solution qu’Internet; ce nuage où rien ne se perd à cause des recopies permanentes entre pairs; ce lieu débarrassé des 3 dimensions de l’espace, où ce qui est produit "ici" est accessible "partout", et où la perte de l’objet d’accès n’est qu’une gêne passagère.

    Je vais réfléchir à une formation en système d’information pour groupe dissident 😉

  6. libre2010

    Pas étonnant les systèmes totalisants, qu’ils soient des monopoles ou des pseudos démocraties ont les mêmes intérêts… faire peur avec leurs milices que ce soit le BSA ou le NKVD….

  7. Charly

    "j’ai du mal à comprendre pourquoi les associations qui défendent les droits de l’Homme ne les installent pas de manière systématique"
    Force est de constater que très souvent ce sont les domaines qui ont le plus d’intérêt dans le logiciel libre qui s’y intéressent le moins. Les associations anti-capitalistes, les écologistes, l’administration (qui réclame encore des documents en .doc), les associations étudiantes, etc.

  8. Régis

    Bonsoir,

    Quand on voit que certains département ( Finance et armées ) en France passe de Office M$ à OpenOffice …

    Bon, pour le coup c’est pour une raison budgétaire, mais l’idée est bonne ^^

    Il serait bon d’envoyer un p’tit mail à toutes ces associations Russes pour les pousser à passer au logiciel libre.

    Ce sera un p’tit coup de main pour la nature et la défense de notre planète ^^

    Une agréable soirée.

  9. Groumph le grincheux

    "D’ailleurs, compte-tenu du meilleur niveau de sécurité que procure le logiciel libre, j’ai du mal à comprendre pourquoi les associations qui défendent les droits de l’Homme ne les installent pas de manière systématique."

    L’article est très intéressant, mais est complètement gâché par la conclusion : "Voyez, si ils avaient utilisé ça (du libre), ben y aurait pas eu de problème !". (arrivant comme un cheveux sur la soupe)

    Seulement voilà… Des fois on oublie que la liberté c’est aussi laisser la possibilité au gens de choisir du Microsoft… Même si ce n’est pas la meilleure solution.

    Ils étaient en règle, ils avaient le droit d’utiliser du Microsoft avec leur licence. Pourquoi vouloir en conclure que ce ne serait pas arrivé avec du Libre, vu que de toute façon, même en étant en règle, la police n’en a pas tenu compte ?

    J’aimerais tant que les personnes travaillant pour promouvoir le libre soient plus mature et ouvertes que ceux qui travaillent pour Microsoft… Au lieu de ça, j’ai l’impression qu’on essaye de lancer un troll.

  10. Kalenx

    @Groumph le grincheux, d. et al :

    Le fait que vous souleviez le point de l’attitude anti-Microsoft injustifiée n’est pas fondamentalement une erreur : bien souvent, il est vrai que les adeptes du libre s’en donnent à coeur joie.

    Mais dans ce cas-ci, si vous lisez l’article au complet, vous verrez que c’est justifié, et pas seulement par "ouais Linux c’est plus sécurisé".
    Il y a une différence entre lancer un troll et dénoncer le fait que Microsoft se fasse complice de ces machinations.

    Et sinon, n’oubliez pas que dans la politique dangereuse que jouent les dirigeants russes, l’apparence est primordiale : si un groupe se défend en disant "nonnon nous n’avions pas de logiciels piratés", on peut toujours dire qu’ils mentent.
    Mais s’ils se défendent en disant "nous n’utilisions et n’avions même pas les logiciels dont vous parlez", constat qui peut être confirmé par de nombreuses preuves externes, alors là ce n’est plus la même chose…

    Bref, comme on tape sur Google ou Microsoft avec Bing ou n’importe quel moteur de recherche qui accepte de censurer ses résultats, je ne vois pas pourquoi Microsoft aurait un traitement de faveur ici, sous prétexte qu’il faut être "matures et ouverts".

  11. Groumph le grincheux

    @kalenx
    "Mais s’ils se défendent en disant "nous n’utilisions et n’avions même pas les logiciels dont vous parlez", constat qui peut être confirmé par de nombreuses preuves externes, alors là ce n’est plus la même chose…"

    Je ne sais pas exactement ce que tu entends par "preuves externes"… Bon certes, je conçois que tu peux aussi acheter un logiciel libre et avoir une licence qui vient avec (et je ne parle pas de la MIT)… mais cela me semble bien compliqué pour un organisme de vouloir prouver qu’ils ont utilisés du Ubuntu et pas des Windows piratés…

    Alors que, pour prouver que tu utilises Windows, tu peux montrer factures et numéros de licences… (et même dans ce cas, ça s’est mal fini)

    Pour en revenir à l’article, oui, c’est clairement étrange et mal placé de la part de Microsoft (et ses avocats) de fournir une aide dans ce contexte. Mais suis-je le seul à me dire que c’est les agissements de la police qui m’écoeure vraiment ?

    Et comment est-ce possible avec des licences en règle de se faire retirer ses machines sous prétexte que ces même logiciels auraient été piratés ?

    Et dans ce cas justement, n’a-t-on pas l’impression que Microsoft est l’outil et non l’instigateur de cette mascarade ?

    Le logiciel libre a beaucoup de qualité, mais je ne vois pas vraiment pourquoi on veut pousser la faute sur Microsoft et glorifier le libre si le problème vient du gouvernement…

  12. DePassage

    Si si, je vous le jure, ce n’est pas une pub pour le cloud et une opération de séduction, façon google chevalier blanc et parfois un peu trop rouge qui s’était rapproché du nytimes l’année dernière en vu de petites emplettes :
    si les impudents auraient jeté leurs travaux dans les nuages, au moins tout n’aurait pas été perdu et ils auraient pu continuer à bosser ailleurs sauf probablement en taule. Au lieu de cela, non seulement ils gardent tout sur des machines en local (ce sera confisqué voire détruit pensez-vous), mais qui plus est, utilisent des logiciels fermés. Pff !

    Mince, je suis devenu parano ? Déjà le lundi matin ?

    Enfin bon, dans l’histoire, j’espère que le matériel est bien traité et qu’il pourra bientôt être libéré pour revoir leurs utilisateurs.

  13. tonton

    C’est bien triste d’arriver a sourire des malheurs de personnes qui se consacrent à la défense des droits fondamentaux d’une société !
    Suffit ils d’un seul combat pour se justifier de ne pas participer ou comprendre tout les autres ?
    La politique en premier, souffre de ce cloisonnement avec trop d’abstention et une absence d’implication nous ne sommes plus en démocratie : le pouvoir élus ne représente pas la majorité des gens mais une caste ou une autre !
    Vous allez dire que comme ceux là (les activistes russes) les roms aurait du passer au logiciel libre pour éviter la gangrène a la française ….

  14. Téthis

    Pour citer Torvald : « Les mauviettes font des sauvegardes, les vrais homme mettent leurs trucs importants sur ftp et laissent le reste du monde en faire des miroirs. », ou l’importance de n’avoir pas l’information a un seul emplacement (géographique ou physique).

    L’histoire avec Microsoft n’est qu’un prétexte même si on voit que MS joue le jeu du gouvernement russe. Pour quelle raison MS joue le jeu (ennemi des droits de l’homme ou simple calcul d’investissement) ? Globalement on s’en fout.

    Utiliser des logiciels libres n’aurait sûrement pas changé grand chose : Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

    J’espère que l’association a des copies de son travail qui se baladent ailleurs que dans leurs machines (Internet ou sneakernet¹).

    ___
    [1] Sneakernet ou réseau basket, réseau constitué de personne qui circulent avec des données sur disques durs, clefs USB ou autres stockages de masse. Même Google l’utilise pour la réplication de ses datacenters.

  15. Ginko

    Une raison pragmatique pour utiliser des LL dans ce contexte (mais qui ne changerait pas grand chose au résultat):

    – le prix des licences Windows.

    Dans le cas présent, c’est les activistes qui paient. Dans le cas des LL, c’est l’état russe qui paie les licences (pour installer Windows sur les PC des activistes), ou ils les krackent ou ils se font fournir à titre gracieux par l’avocat microsoft.

    Dans tous les cas, c’est une économie pour les activistes (en plus de tous les avantages du LL).

  16. vulcain

    J’avais vu pourtant que le gouvernement russe connaissait un peu les logiciels libres: http://linuxfr.org/~Lorifix/25423.h

    C’est sur que d’après l’article la contrefaçon n’est qu’un prétexte. MS n’y voit qu’un moyen médiatique de transmettre son message: acheter nos licences.

  17. Téthis

    Il y aura, suite à cette histoire, un autre billet à traduire : celui de Brad Smith, http://blogs.technet.com/b/microsof

    Résumé en trois coups de citation :
    «?We must accept responsibility and assume accountability for our anti-piracy work, including the good and the bad. […] For this reason, we’re creating in Russia a new NGO Legal Assistance Program focused specifically on helping NGOs document to the authorities that this new software license proves that they have legal software. […] We know for a fact that the reduction of software piracy has breathed new life into Russia’s own software industry and has created new jobs in our industry, both at Russian software companies and for U.S. software exporters. But none of this should create a pretext for the inappropriate pursuit of NGOs, newspapers, or other participants in civil society. And we certainly don’t want to contribute to any such effort, even inadvertently. ».

  18. DePassage

    "participants in civil society", c’est dire que leur définition du ‘participant’ et de la ‘vie civile’ est claire, nette et précise. Autant chez certains, dont bibi, c’est tout le monde, dans leur bouche, ça semble prendre le goût d’un cadavre… ils ont réellement quelque chose à se reprocher ou c’est encore une extension du territoire où ils diffuses des échantillons de dope gratuit ? Ou les deux ?

  19. cameleon

    Un article qui donne un autre éclairage sur cette triste histoire: Microsoft condamne l’utilisation politique de la lutte contre le piratage, à lire sur Le Monde: http://www.lemonde.fr/technologies/

    On y apprend que "pour éviter que des ONG soient victimes d’agissements menés sous le couvert de la lutte contre le piratage, Microsoft va créer une nouvelle licence accordée d’emblée aux ONG pour s’assurer qu’elles puissent avoir des copies gratuites et légales de nos produits". Cela pourrait aussi leur éviter de passer du coté Ouvert de la Force…

  20. hub

    «…ils remarquèrent une chose étrange : les autocollants avaient disparu.

    Naturellement, il existe une solution simple : utiliser des logiciels libres…»

    qu’a cela net tienne … ils ajouterons des photos porno-pédophiles ou nazi sur le disque dur, du shitt de la poudre caché dans la trappe du lecteur cd rom.
    y a pas d’issues…

    à +

  21. hhall

    Qu’est ce qui peut pousser M$ à aider le gouvernement russe?
    Sûrement pas le prix de quelques licences.
    Par contre, c’est un d’investissement à faible risque capable de susciter la bienveillance du gouvernement.
    Bienveillance = probabilité de contrats d’envergure.
    CQFD

  22. Siltaär

    Le gouvernement russe réfléchit au développement de son propre système Linux

    La Russie ne veut plus de Windows. L’Etat va équiper ses services de Linux, histoire de « réduire la dépendance du pays au géant américain » et « mieux contrôler la sécurité des équipements ».

    http://www.toolinux.com/Le-gouverne