Petit précis de lutte contre le copyright par Cory Doctorow

Temps de lecture 12 min

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Joi - CC byEn ces temps troublés où fait rage le débat (ou plutôt la lutte en ce qui nous concerne) sur l’adoption du projet de loi Hadopi, où l’engagement et l’indignation des uns se heurte à l’indifférence, à la mauvaise foi ou à l’entêtement forcené des autres, il est bon d’avoir l’avis d’un artiste, un écrivain en l’occurrence, qui sait de quoi il parle.

Il s’agit de Cory Doctorow, dont nous avions déjà traduit ses difficultés existentielles d’écrivain à l’ère d’Internet.

Petit rappel : Cory Doctorow[1] est un auteur de science-fiction d’origine canadienne, journaliste et blogueur, animateur du site BoingBoing, militant à l’EFF, partisan de la free-culture et, comme il se définit lui-même, « activiste du numérique ».

En plus d’écrire des romans de qualité (Dans la dèche au royaume enchanté, Folio SF ; et son dernier, Little Brother, doit bientôt paraître chez Pocket, et ça les amis, c’est un scoop, de l’insider information.) publiés de façon classique, Cory Doctorow met à disposition toutes ses œuvres sous licence Creative Commons, à télécharger gratuitement (en anglais, les traductions françaises sont quant à elles soumises au régime des droits d’auteur).

Dans la préface à ses romans proposés au format pdf, il explique que cette démarche est pour lui la meilleure façon de ne pas vivre dans l’ombre et de voir son art diffusé, citant l’aphorisme de Tim O’Reilly : « Pour la majorité des écrivains, le gros problème ce n’est pas d’être piraté, c’est de rester inconnu ».

Dans cet article publié sur LocusMag.com (site d’un magazine de SF), Cory Doctorow expose de façon claire et pédagogique son point de vue sur le copyright (on pourrait dire droit d’auteur mais la notion n’est pas exactement la même), et explique en substance qu’à trop vouloir verrouiller le partage, on va finir par tuer la culture.

J’adapterai sa conclusion à la situation que nous vivons en ce moment en France et qui est en plein dans l’actualité, le projet de loi « Création et Internet » devant être examiné aujourd’hui, et ajouterai qu’en cherchant à préserver un modèle obsolète de diffusion du contenu culturel, les soi-disant défenseurs de la culture ne font que scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Why I Copyfight : pourquoi je suis contre le copyright

Why I Copyfight

Cory Doctorow – novembre 2008 – LocusMag
(Traduction Framalang : Don Rico)

Pourquoi accorder tant d’importance à la question de la réforme du copyright ? Qu’est-ce qui est en jeu ?

Tout.

Jusqu’à une époque récente, le copyright était une réglementation industrielle. Si l’on tombait dans le domaine du copyright, cela signifiait que l’on utilisait quelque prodigieuse machine industrielle – une presse d’imprimerie, une caméra de cinéma, une presse à disques vinyles. Le coût d’un tel équipement étant conséquent, y ajouter deux cents billets pour s’offrir les services d’un bon avocat du droit de la propriété intellectuelle n’avait rien d’un sacrifice. Ces frais n’ajoutaient que quelques points de pourcentage au coût de production.

Lorsque des entités n’appartenant pas une industrie (individus, écoles, congrégations religieuses, etc.) interagissaient avec des œuvres soumises au copyright, l’utilisation qu’elles en avaient n’était pas régie par le droit de la propriété intellectuelle : elles lisaient des livres, écoutaient de la musique, chantaient autour du piano ou allaient au cinéma. Elles discutaient de ces œuvres. Elles les chantaient sous la douche. Les racontaient (avec des variations) aux enfants à l’heure du coucher. Les citaient. Peignaient des fresques inspirées de ces œuvres sur le mur de la chambre des enfants.

Puis vinrent les débuts du copyfight (NdT : lutte contre le copyright, abrégé ici en « anti-copyright ») : ce fut l’ère analogique, lorsque magnétoscopes, double lecteurs de cassettes, photocopieuses et outils de copie apparurent. Il était alors possible de se livrer à des activités relevant du droit de la propriété intellectuelle (copie, interprétation, projection, adaptation) avec des objets de tous les jours. On trouvait parfois sur les stands de vente des conventions SF des « romans » fanfics grossièrement reliés, les ados se draguaient à coups de compils, on pouvait apporter un film enregistré sur cassette chez les voisins pour se faire une soirée vidéo.

Pourtant, en comparaison, on risquait alors beaucoup moins gros. Même si l’on pouvait douter du caractère légal de certaines de ces activités (nul doute que les gros détenteurs de droits d’auteur les considéraient comme des valises nucléaires technologiques, comparaient les magnétoscopes à Jack l’Éventreur et affirmaient que « copier un disque sur une cassette allait tuer la musique »), faire appliquer la loi coûtait très cher. Éditeurs, maisons de disques et studios de cinéma ne pouvaient surveiller les activités auxquelles vous vous livriez chez vous, au travail, dans les fêtes ou aux conventions ; en tout cas pas sans recourir à un réseau ruineux de cafteurs rémunérés dont les salaires auraient dépassé les éventuelles pertes subies.

Arrive alors l’Internet et l’ordinateur personnel. Voici deux technologies qui forment une combinaison parfaite pour précipiter les activités ordinaires des gens ordinaires dans le monde du copyright : chaque foyer possède l’équipement nécessaire pour commettre des infractions en masse (le PC), lesquelles infractions se déroulent par le biais d’un vecteur public ‘l’Internet) que surveiller ne coûte rien, permettant ainsi une mise en application du copyright à faible coût dirigée contre des milliers d’Internautes comme vous et moi.

Qui plus est, les échanges effectués par Internet sont davantage susceptibles de représenter une violation du copyright que leur équivalent hors-ligne, car chaque échange sur Internet implique une copie. L’Internet est un système conçu pour produire de façon efficace des copies entre ordinateurs. Alors qu’il suffit de simples vibrations de l’air pour rendre possible une discussion dans votre cuisine, la même discussion passant par Internet génère des milliers de copies. Chaque fois que vous pressez une touche, cette action est copiée plusieurs fois sur votre ordinateur, copiée vers votre modem, puis copiée sur toute une série de routeurs, et ensuite (souvent) sur un serveur, processus qui aboutit à des centaines de copies, éphémères ou durables, pour enfin parvenir aux autres participants à la discussion, chez qui seront sans doute produites des dizaines de copies supplémentaires.

Dans le droit de la propriété intellectuelle, on considère la copie comme un événement rare et non négligeable. Sur Internet, la copie est automatique, instantanée, et produite en masse. Punaisez une vignette de Dilbert sur la porte de votre bureau, vous n’enfreignez pas le copyright. Prenez une photo de la porte de votre bureau et publiez-la sur votre site perso de sorte que vos mêmes collègues la voient, vous avez enfreint le copyright. Et puisque le droit de la propriété intellectuelle considère la copie comme une activité très réglementée, il impose des amendes pouvant atteindre des centaines de milliers de dollars pour chaque infraction.

Il existe un mot pour désigner tout ce que nous faisons à partir de créations intellectuelles – discuter, raconter, chanter, jouer, dessiner et réfléchir : ça s’appelle la culture.

La culture est ancienne. Elle existait bien avant le copyright.

L’existence de la culture, voilà qui rend le copyright rentable. Notre soif infinie de chansons à chanter ensemble, d’histoires à partager, d’art à admirer et à ajouter à notre vocabulaire visuel, telle est la raison qui nous pousse à dépenser de l’argent pour satisfaire ces désirs.

J’insiste sur ce point : si le copyright existe, c’est parce que la culture génère un marché pour les œuvres de l’esprit. Sans marché pour ces œuvres, il n’existerait aucune raison de se soucier du copyright.

Le contenu n’est pas roi : c’est la culture qui est reine. Si nous allons au cinéma, c’est pour discuter du film. Si je vous expédiais sur une île déserte et vous sommais de choisir entre vos disques et vos amis, vous seriez un sociopathe si vous choisissiez la musique.

Pour qu’il y ait culture, il faut partager l’information : la culture, c’est le partage de l’information. Les lecteurs de science-fiction le savent : dans le métro, le gars assis en face de vous qui est en train de bouquiner un roman de SF à couverture tapageuse fait partie de votre clan. Il y a de fortes chances que vous partagiez certains goûts de lecture, les mêmes références culturelles, et des sujets de discussion.

Si vous adorez une chanson, vous la faites écouter aux autres membres de votre tribu. Quand vous adorez un livre, vous le fourrez dans les mains de vos amis pour les encourager à le lire à leur tour. Quand vous voyez une émission géniale à la télé, vous incitez vos amis à la regarder aussi, ou bien vous cherchez ceux qui l’ont déjà regardée et entamez la conversation.

La réflexe naturel de quiconque s’entiche d’une œuvre de création, c’est de la partager. Et puisque sur Internet « partager » équivaut à « copier », voilà qui vous met directement dans le colimateur du copyright. Tout le monde copie. Dan Glickman, ancien membre du Congrès à présent à la tête de la Motion Picture Association of America (NdT : équivalent pour le cinéma de la tristement célèbre RIAA), défenseur on ne peut plus zélé du copyright, a reconnu avoir copié le documentaire de Kirby Dick This Film is Not Yet Rated (NdT : ce film n’a pas encore été classé), une critique au vitriol du processus de classement des films par la MPAA, mais a pris comme prétexte que la copie se trouvait « dans (son) coffre-fort ». Prétendre qu’on ne pratique pas la copie, c’est être aussi crispé et hypocrite que les anglais de l’époque victorienne qui juraient ne jamais, au grand jamais, se masturber. Chacun sait qu’il nous arrive à tous de mentir, et un grand nombre d’entre nous sait que tous les autres mentent aussi.

Mais le problème auquel est confronté le copyright, c’est que la plupart de ceux qui copient le reconnaissent volontiers. La majorité des internautes américains pratiquent l’échange de fichiers, considéré comme illégal. Si demain l’échange de fichiers par réseau P2P était enrayé, ceux qui le pratiquent partageraient les mêmes fichiers, et plus encore, en échangeant des disques durs, des clés USB ou encore des cartes mémoire (et davantage de données changeraient de main, bien que plus lentement).

Ceux qui copient savent qu’ils enfreignent les lois du copyright mais ne s’en inquiètent pas, ou croient que la loi ne peut criminaliser leurs pratiques, et pensent qu’elle lutte contre des formes de copie plus extrêmes telles que la vente de DVD pirates à la sauvette. En réalité, le droit du copyright réprime beaucoup moins lourdement ceux qui revendent des DVD que ceux qui téléchargent les mêmes films gratuitement sur Internet, et l’on risque beaucoup moins gros en achetant un de ces DVD (à cause des coûts très élevés de la lutte contre ceux qui font du commerce dans le monde réel) qu’en les téléchargeant sur le Net.

D’ailleurs, ceux qui pratiquent la copie s’attachent à établir une philosophie très élaborée à propos de ce qu’on a le droit ou pas de télécharger, avec qui et dans quelles circonstances. Ils intègrent des cercles privés de partage, décident entre eux de normes à respecter, et créent une multitude de para-copyrights qui constituent l’expression d’un accord culturel définissant la façon dont ils doivent se comporter.

Le gros problème, c’est que ces para-copyrights n’ont quasi rien en commun avec le véritable droit du copyright. Peu importe que vous en soyez partisan ou non, vous enfreignez sans doute la loi – alors si vous concevez des vidéo-clips d’animés (des clips de musique conçus en mettant bout à bout des séquences de films mangas — cherchez « vidéo-clips d’animés » dans Google pour en voir des exemples), vous aurez beau respecter les règles établies par votre groupe – par exemple l’interdiction de montrer vos créations à des personnes extérieures à votre groupe et l’obligation de n’utiliser que certaines sources de musique et de vidéos –, vous n’en commettrez pas moins pour des millions de dollars d’infractions à chaque fois que vous vous installerez devant votre PC.

Rien d’étonnant à ce que le para-copyright et le copyright ne puissent trouver de terrain d’entente. Car après tout, le copyright réglemente les pratiques commerciales entre entreprises géantes. Le para-copyright ne réglemente que les pratiques d’individus dans un cadre culturel donné. Normal que ces ensembles de règles n’aient rien en commun.

Il est tout à fait possible qu’on parvienne un jour à une détente entre ceux qui pratiquent la copie et les détenteurs de copyright : par exemple avec un ensemble de règles qui ne s’appliqueraient qu’à la « culture » et non à « l’industrie ». Mais pour amener autour de la table ceux qui copient, il faut impérativement cesser d’insinuer que toute copie non autorisée équivaut à du vol, à un crime, à un acte condamnable. Face à de tels propos, ceux qui savent la copie facile, juste et bénéfique estiment que ses détracteurs racontent n’importe quoi ou que leurs arguments ne les concernent pas.

Si demain l’on mettait fin à la copie sur Internet, on mettrait également fin à la culture sur Internet. Sans sa mine de vidéos considérées en infraction, YouTube disparaîtrait ; sans ses petits avatars et ses passionnants extraits de livres, d’articles et de blogs, LiveJournal passerait l’arme à gauche ; sans toutes ses photos d’objets, d’œuvres et de scènes sous copyright, sous marque déposée ou protégées d’une façon ou d’une autre, Flickr se viderait de sa substance et crèverait.

C’est grâce à nos discussions que nous voulons acquérir les œuvres dont nous discutons. Les fanfics sont écrits par des fanas de littérature. Les vidéos sur YouTube sont mises en ligne par ceux qui veulent vous donner envie de regarder les émissions dont elles sont extraites afin d’en discuter. Les avatars de LiveJournal permettent de montrer que l’on apprécie une œuvre.

Si la culture perd la guerre du copyright, ce que le copyright est censé défendre mourra avec lui.

Notes

[1] Crédit photo : Joi Ito (Creative Commons By)

11 Responses

  1. Yannick

    C’est un article très intéressant car il donne la parole à un artiste. Dans cette lutte, on n’entend que les utilisateurs, le public (internautes). Si l’on parle de culture, c’est tout à fait normal car l’art et la culture n’existent que par et pour le public. Si l’on parle de répression de ce même public, c’est encore plus justifié. Mais c’est tout de même très rafraîchissant d’entendre un artiste parler du copyright et d’Internet.

    J’ai tout de même une question : pourquoi les traductions ne sont pas sous licences CC ? Les traducteurs (ou la société en charge de la traduction officielle) refuseraient ces licences ?

  2. Don Rico

    @yannick : les traductions ne sont pas sous licence Creative Commons car dans l’édition française la notion de droits d’auteur est différente de celle de copyright.

    Quand je signe un contrat de traduction avec un éditeur, j’exprime mon accord pour la cession des droits. C’est à dire que je lui cède tous les droits sur la traduction de l’œuvre traduite, afin qu’il la publie d’abord en livre, et éventuellement en produits dérivés (audiolivres, ebook, adaptation, publication en livre de poche etc.).
    Même chose pour un auteur en France.

    Si demain tu écris un livre, tu en cédera les droits à l’éditeur qui le publiera. L’œuvre t’appartient d’un point de vue moral, c’est-à-dire que malgré tout nul ne pourra se faire passer pour son auteur, mais pour tout ce qui est diffusion, elle est la propriété de l’éditeur, jusqu’au passage dans le domaine publique.

    C’est pour ça que des éditeurs comme Le Masque, qui publie Agatha Christie, empoche encore aujourd’hui des recettes conséquentes grâce à des droits achetés au milieu du XXè siècle (d’ailleurs les bouquins d’Agatha Christie devraient, pour les plus anciennes, commencer à entrer dans le domaine public).

    Pour le droit américain et britannique, anglo-saxon, c’est différent. L’auteur, même s’il publie son œuvre chez un éditeur, reste propriétaire des droits. Certes il ne peut vendre son œuvre à plusieurs éditeurs, mais rien ne l’empêche, comme le fait Cory Doctorow, de passer des œuvres publiées par la voie classique sous licence Creative Commons et de les distribuer comme il l’entend (CC By-Sa-NC), sans se mettre en infraction avec le copyright.

    Même s’il l’a suggéré à son éditeur français, il n’a pu imposer la licence CC sur la traduction de ses œuvres car il a dû céder les droits d’exploitation de ses romans à ses éditeurs.

    En France, donc, c’est pour l’heure impossible, et je ne pense pas que la licence Creative Commons s’imposera de sitôt dans le paysage éditorial. Le changement viendra peut-être d’auteurs qui, comme Cory Doctorow aux États-unis, insisteront pour que leurs œuvres soient disponibles en ligne sous licence CC.

    Quant aux traducteurs,ils ne refusent pas ces licences, tout simplement parce qu’on ne les leur propose pas (sans doute que comme partout les avis seraient partagés sur cette question, puisque le traducteur a le statut d’auteur, et est rémunéré lui aussi en droits d’auteurs).

    J’espère avoir été clair et avoir répondu à ta question.

  3. idoric

    > «C’est un article très intéressant car il donne la parole à un artiste.»

    À mettre en parallèle avec ça :
    http://www.numerama.com/magazine/12
    «"Chaque lettre électronique [adressée à un député] comprendra le témoignage d’un artiste qui s’exprimera sur l’importance de la protection des droits d’auteur et le rôle de cette loi pour sauver la diversité culturelle", a précisé le ministère de la Culture.»

    À partir de là il me paraît assez raisonnable de faire de même avec tous ces autres artistes snobés par madame Albanel.

  4. GnomeInWonderland

    Enfin un article qui met en perspective l’HADOPI en sortant de considération technico-juridico-informatiques pour se focaliser sur le fond du problème qui est soulevé : le copyright, la culture, le changement des pratiques. Merci pour cet article.

  5. benoitb

    @Don Rico
    J’ai un peu de mal à tout comprendre. Est-il possible qu’un auteur (y/c un traducteur) mette son œuvre sous licence CC _avant_ de la confier à un éditeur ? Si oui, reste-t-il alors possible (il semblerait que ce soit la cas avec les œuvres de Cory D.) justement de les faire éditer sous forme classique ?

    Évidemment, les relations auteur-traducteur-éditeur seraient alors nettement plus compliquées, je suppose …

  6. Don Rico

    @benoîtB :

    Avec le système français, ça me paraît difficile, car si un auteur décidait de mettre son roman sous CC, il risque de ne pas trouver d’éditeur, à part des gens comme InLibroVeritas. Mais chez Gallimard, Grasset, Denoël et consorts, on risque de lui rire au nez.

    C’est possible aux USA (mais certains éditeurs doivent malgré tout refuser…) grâce aux différences de statut d’auteur et de droit du copyright/droits d’auteur, l’auteur gardant pleine possession des droits sur ses œuvres.

    Pour les trads, le traducteur n’a pas voix au chapitre. L’éditeur achète les droits de traduction pour la France, et confie le travail à un traducteur, qui cède les droits sur sa traduction à l’éditeur. Celui qui refuserait cette clause et exigerait d’être publié sous CC se ferait envoyer bouler et ne travaillerait pas beaucoup.

    Si par exemple tu te sentais de traduire un roman de Cory Doctorow, tu pourrais placer ta trad sous licence CC, mais il s’agirait pour la France d’un traduction non officielle, que tu ne pourras distribuer que gratuitement, et non la faire publier (ou alors l’imprimer à tes frais et distribuer les bouquins gratuitement), même chez un éditeur libre comme InLibroVeritas. Qui plus est, tu serais à mon avis grillé à vie dans le monde de l’édition !

    Si par exemple InLibroVeritas voulait publier une traduction de Doctorow, ils devraient s’acquitter des droits commerciaux auprès de l’agent de Cory Doctorow. Ils pourraient alors publier le livre sous la licence CC de leur choix en toute légalité.

    Voilà, j’espère que mes explications sont assez claires… 😉

  7. Valentin Villenave

    Il est toujours difficile de remettre en cause "le copyright" en tant que tel, puisque c’est précisément _sur_ le copyright que repose la totalité des licences libres.

    (Il faut d’ailleurs noter que cet article parle avant tout de copyright comme du "droit de copier", sans évoquer les notions de modifications, réadaptation, ré-appropriation, et de commercialisation.)

    Si je puis me permettre de parler en tant que membre du Parti Pirate (l’authentique, pas le fork hostile dont parle numérama de temps à autre), c’est précisément là que se situe toute la difficulté : réformer le copyright (par exemple pour en réduire la durée) équivaut à affaiblir les licences libres, et c’est de ce point que nous avons longuement discuté avec Richard Stallman — notre plus grand supporter et notre plus tatillon expert juridique :-).

    C’est pourquoi je ne suis pas très à l’aise avec le "copyfight" en tant que tel : adapter la législation est certes nécessaire, mais ni plus ni moins que de promouvoir les licences alternatives. Dans ma dernière proposition en date (puisque j’en suis à l’auto-promo), j’avais d’ailleurs émis l’idée que la législation du copyright puisse tenir compte des concessions faites par l’auteur (choix d’une licence plus ou moins libre), et de ce fait proposer, par exemple, des durées de protection adaptables :
    http://lists.pirateweb.net/pipermai

  8. Don Rico

    "(Il faut d’ailleurs noter que cet article parle avant tout de copyright comme du "droit de copier", sans évoquer les notions de modifications, réadaptation, ré-appropriation, et de commercialisation.)"

    Cet article non, mais Cory Doctorow l’aborde sur son site et dans sa préface à Little Brother dans sa version pdf, que j’ai l’intention de traduire bientôt (la préface, pas le roman 😉 ).

    En outre, il joue sur les deux tableaux puisqu’il publie ses livres par la voie classique, une forme papier qui lui permet de manger, accompagnée d’une forme numérique gratuite et sous licence CC By-SA-NC.

    Dans cet article, CD traite du copyright sur Internet, pas du copyright dans l’absolu.

  9. a.nonyme"

    il est a noter que pour doctorow etre sous "creative commons" est aussi un moyen de toucher un publiqu plus large une de ses formule fetiche est "ce n’est pas la piraterie qui cause du tor a un artiste c’est d’etre inconnu"

  10. monsieurlibertas

    C’est un hasard du calendrier électoral, mais il est judicieux que cette loi soit débattue à l’approche des élections européennes. Elle permet à Libertas, le mouvement de Declan Ganley (celui qui a gagné le référendum du « non » en Irlande) de rappeler à ses potentiels électeurs français qu’il défend comme eux les libertés individuelles. Oui à une Europe libre !