L’esquisse d’un monde inspiré par le logiciel libre est-il en train de voir le jour ?

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Seeks2dream - CC by-saQuand «  l’Open Source  » quitte les rives de l’immatériel pour s’aventurer dans le matériel, cela intrigue Victor Keegan, journaliste au très respectable The Guardian, qui liste alors quelques exemples significatifs dessinant les contours d’un modèle émergent digne d’intérêt.

Nous ne le contredirons pas. Vous pouvez compter sur cet «  observatoire de la culture libre en mouvement  » qu’est devenu le Framablog pour vous tenir au courant de ces tentatives et incursions du «  Libre  » dans le monde physique, comme nous l’avions fait il y a peu avec cet étonnant projet de machine répliquante[1].

Pouvons-nous construire un monde avec l’Open Source  ?

Can we build a world with open source

Victor Keegan – 5 mars 2009 – The Guardian
(Traduction Framalang  : Claude et Goofy)

Vinay Gupta est un ingénieur écossais d’origine indienne qui conçoit des maisons à bas coût pour des régions pauvres ou des zones sinistrées, il met ensuite les habitations à disposition gratuitement sur le net afin que d’autres puissent les construire. Son fleuron est le système d’abri Hexayurt qui coûte environ 200 dollars (155 euros).

Il emploie des matériaux de construction communs, y compris des panneaux isolants, qui représentent selon lui un tiers du coût d’une tente. La stratégie commerciale consiste à réduire le prix des biens et des services de base à un niveau tel que les pauvres puissent en disposer. Gupta n’est qu’un exemple d’un mouvement mondial qui fait contrepoint à la révoltante rapacité des banques telle que la racontent jusqu’à saturation les médias internationaux.

On nous dit souvent que les meilleures choses dans la vie sont libres, mais peu ont essayé de le traduire par un modèle économique. Alors que le capitalisme financier est en fusion, il est curieux de constater qu’une activité entrepreneuriale complètement différente (appelons cela «  commun-isme  ») est, bien que minoritaire, en plein essor,

Cela consiste à agir pour le bien commun, pour rien  : soit par motivation altruiste, soit parce que l’on escompte une compensation en utilisant les efforts volontaires des autres. Jusque récemment, ce genre d’activité (au nom générique «  d’Open Source  ») est restée confinée au logiciel via des projets communautaires fantastiques tels que Wikipédia, le navigateur Firefox (qui possède maintenant 21.5 % du marché mondial) ou le système d’exploitation Linux.

Étonnamment, de tels produits n’apparaissent pas dans les chiffres du produit intérieur brut (PIB)  : du moins, tant qu’ils ne sont pas utilisés dans un objet commercialisable, comme un ordinateur à bas prix sous Linux. C’est une richesse non enregistrée et, si le mouvement se développe, nous devrons reconsidérer notre façon de mesurer la richesse des nations.

L’Open Source a été mis en lumière la semaine dernière quand le gouvernement britannique a abandonné son inavouable négligence précédente afin de donner son approbation pour que les services publics utilisent des logiciels Open Source plutôt que propriétaires lorsqu’ils offrent un meilleur rendement financier. Reste à voir si c’est juste un brassage d’air pour couper le vent aux voiles des conservateurs (lesquels ont pris un avantage en déclarant que £600m, 650 millions d’euros, pourraient être épargnés en utilisant l’Open Source dans les projets publics), quoiqu’il en soit, c’est un pas dans la bonne direction.

L’Open Source est en mouvement et la chose intéressante est que cela se propage au matériel. La récession mondiale, coïncidant avec une expansion sans précédent des réseaux sociaux, devrait lui donner un grand élan et transformer le nouveau modèle en force globale.

Si vous avez envie d’un téléphone portable Open Source, essayez Openmoko.com. Vous voulez faire partie d’un projet Open Source construisant un modèle différent de voiture  ? Regardez theoscarproject.org. Parmi d’autres initiatives intéressantes figurent openfarmtech.org où se développe une écologie Open Source par la construction d’éco-villages ou akvo.org qui se spécialise dans l’hygiène.

Le magazine Wired a récemment fait un reportage sur les progrès d’Arduino, la société italienne qui fabrique avec succès une carte mère Open Source. Il y a même un projet embryonnaire de maison Open Source sur le site de photos Flickr.

Le matériel Open Source n’a pas la même caractéristique que le logiciel parce que le produit final, contrairement aux créations numériques, ne peut être dupliqué sans coût supplémentaire. Il a un potentiel différent et il peut utiliser les réseaux pour libérer, dans le monde entier, les énergies créatrices d’employés insatisfaits ou de sans-emploi, afin de fabriquer des produits réellement voulus par la population et correspondant aux réalités locales, y compris la disponibilité des composants.

C’est un paradigme qui convient parfaitement à notre ère de réseaux, où la fabrication réelle des marchandises est externalisée. Si les gouvernements du monde s’inquiètent de l’origine des nouveaux produits et emplois quand finira enfin la récession, alors ils feraient mieux d’encourager la fabrication de biens par la population pour la population.

Notes

[1] Crédit photo  : Seeks2dream (Creative Commons By-Sa)

6 Responses

  1. Poupoul2

    Il y a effectivement un débordement et c’est tant mieux. Puisque certaines ressources ne sont pas partagées (comme les ressources financières), le partage de connaissances et de compétences doit pouvoir faire avancer le monde, y compris le monde matériel.
    Dans le genre, on peut parler de RepRap (http://reprap.org/bin/view/Main/Web…), imprimante 3d capable de se reproduire elle-même, dont les plans sont distribués sous licence GPL.

  2. Olm-e

    La transmission de savoir de manière ouverte est loin d’être une nouveauté. Par contre, elle est effectivement en train de revenir à l’avant-scène, et c’est une bonne chose.
    Dans nombre de projets à vidée socio-économique, le terme employé est "empowerment". Un projet notable dans ce sens est le "barefoot college" en Inde, qui vise (entre autre) à apprendre les technique des capteurs solaire à des femmes provenant de villages du "tier monde" … ( http://www.barefootcollege.org/ ) de telle sorte à les rendre autonomes une fois revenues chez elles, pouvant prendre en charge la gestion et la réparation des installations qui leur seront fournies grace à la fondation.
    Ce projet est actuellement documenté par l’artiste Annemie Maes, dans l’esprit de l’open-source, dans des publications, videos et installation média utilisant les logiciels libres ( en collaboration avec Okno.be). voir http://thoughtsandtalks.so-on.be

    Si ces richesses échapent au PIB, c’est bien sur que cette économie marchande n’est pas la bonne mesure. Et une autre manière de gérer la planète est bien entendu la seule solution aux problèmes actuels. (pistes de réflexions : http://www.thevenusproject.com/ ) – le reprap est un des outils qui nous permetra de nous en sortir, pas mal de gens l’ont compris, et sont d’ailleurs en train de reproduire cette expérience…

  3. Fabrice Epelboin

    Ajoutons au tableau les licences du type Creative Commons (ou licences Art Libre pour les intégristes ;-), et l’on entrevoit le même phénomène dans la Culture !

    On vit une époque formidable (mais pas forcément au bon endroit, ceci dit 😉

  4. badak

    N’est-il pas temps que Framasoft se transforme en annuaire des "projets libres" en plus des logiciels libres ? Pour compléter son statut de portail du libre.

    Je me permets de souligner l’Open Source Washing Machine Project : http://www.oswash.org/

  5. hugo

    Communistes! Va falloir réactivé la guerre froide pour vous envoyer en enfer!