Pourquoi faut-il se mobiliser pour le logiciel libre ? La réponse de Richard Stallman

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La Tribu FM - CC by-saEn 2006, et en pleine tourmente DRM et DADVSI, Richard Stallman était interviewé par les Ecrans, qui n’était alors qu’un simple blog du site de Libération[1].

«  Pourquoi faut-il, d’après vous, se mobiliser pour le logiciel libre  ?  », lui demanda alors la journaliste.

Et voici sa réponse plus que jamais d’actualité et qui peut vous être d’un grand secours pour expliquer à vos proches pourquoi vous vous intéressez tant au logiciel libre et ses enjeux.

«  Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique, elle n’est pas plus importante que les autres libertés fondamentales mais, au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur l’ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les autres libertés. Profitant de la faiblesse de la démocratie contemporaine, les grandes entreprises sont en train de prendre le contrôle de l’État, ce sont elles qui contrôlent les lois, pas les citoyens.  »

Mais ce qui m’intéresse tout autant, c’est votre propre réponse ci-dessous ;-)

Notes

[1] Crédit photo  : La Tribu FM (Creative Commons By-Sa)

14 Responses

  1. vvillenave

    Ce discours critique vis-à-vis des entreprises est une clé de la pensée de Stallman, qui encore tout récemment tenait a rappeler qu’il se définit comme "libéral et non libertarien" : http://blog.reddit.com/2010/07/rms-

    Ce que rms a perçu dès le début (et que nombre de "libristes" à deux sous et autres défenseurs des prétendues "libertés numériques" ont commodément tendance à balayer sous le tapis), c’est que l’informatique ne représente qu’un moyen (ou un danger) pour la préservation des libertés fondamentales ; en cela il transpose finalement la pensée des philosophes français du XVIIIe siècle (dont il partage par ailleurs l’esprit encyclopédique).

    Il est tout à son honneur d’avoir pressenti dès le début les implications éthiques et sociales du logiciel Libre, et d’avoir saisi "l’une des plus grande opportunités de notre époque"… dont nous n’aurions peut-être même pas entrevu l’existence s’il s’était simplement contenté de publier "gratuitement" GCC et Emacs 🙂

    Dans la même interview, il explique également (d’une façon assez émouvante) qu’il ne codera probablement plus : d’une part parce qu’il "se fait vieux", mais aussi et surtout parce qu’il y a "beaucoup d’autres injustices dans le monde", au-delà de la transmission du logiciel Libre.
    (Hint: une prochaine traduction pour l’équipe Framalang ? 😉

  2. Kalenx

    Personnellement, je répondrais par l’affirmation qui a été la révélation pour moi : le logiciel, le code, c’est du savoir.

    Si on laisse tomber le logiciel, alors on ouvrira aussi la porte (déjà entrouverte) non seulement aux brevets logiciels dans le sens large, mais aussi aux brevets du vivant, à la prise de possession de connaissances purement scientifiques.

    La façon d’ordonnancer les tâches, de gérer la mémoire, de balancer un arbre bicolore ou de compresser la vidéo sont des connaissances au même titre que la relativité ou les formules de résolution d’une équation de troisième degré.
    Le logiciel fermé s’oppose à cela : le partage du savoir n’existe plus; non seulement vous n’avez pas accès à la connaissance (le code source), mais vous devez en plus payer des droits pour utiliser ce savoir de façon tacite.

    La connaissance n’est rien sans quelqu’un pour la comprendre et l’appliquer. Sinon il n’y aurait pas d’ingénieurs civils (après tout, les principes physiques régissant le comportement des structures sont connus et "publics"), pas non plus d’électricien ou d’ingénieur électrique (les théorèmes de Maxwell, Ohm et consort peuvent être consultés par tous) ou de chimiste, etc.
    De la même manière, les informaticiens/programmeurs/développeurs seront toujours indispensables puisqu’il faut quelqu’un pour maîtriser ce savoir.

    "L’argument massue" qu’opposent parfois les tenants du logiciel fermé, à savoir que "ça ne sert à rien d’avoir les sources, de toute façon 95% des gens ne veulent/peuvent pas le modifier" en est en fait un qui démontre directement la viabilité économique du logiciel libre.

    Je n’ai pas envie que ce savoir soit réservé à ceux qui peuvent se le permettre, voire à ceux qui acceptent en échange de restreindre leur propre liberté ou celle des autres, de la même façon que je n’ai pas envie de voir une compagnie pharmaceutique breveter un gène qu’elle n’a après tout pas créé ni possédé.
    Le parallèle peut sembler flou, mais c’est bien le même débat, à savoir si quelqu’un peut s’approprier la connaissance et en refuser le droit aux autres.
    Personnellement, je crois que ce serait la pire chose à l’heure actuelle.

    (L’affirmation qui réfuterait mon propos serait de dire que le code n’est pas du savoir, mais de l’art; à en voir certains programmes, je dois dire que je me pose parfois la question…)

  3. Frédéric Reynier

    Dans la même lignée que la réponse de Richard Stallman, je pense qu’il est du devoir de chacun de comprendre l’importance de la liberté dans le monde numérique et de se donner la peine de diffuser le message autour de soi.

    L’argument de la liberté est sûrement celui qui est le plus largement assimilable et surtout qui tant à éviter de se fourvoyer dans l’open-source opaque et autre joyeusetés contre-productive.

    Bon hacks à tous!

  4. samuel

    Toute une vie pour crier calmement une seule phrase… Belle leçon d’humilité de notre barbu.

    Personnellement, la révélation du "Libre", c’est l’actualité. J’en avais marre d’écouter les infos et de me dire "P’tain, mais elle sort d’où cette nouvelle loi à la con qu’il vont voter dans 2 jours". En tant que citoyen, j’en avais marre de toujours étre mis devant le fait accompli par les gens qui tiennent les rennes du pouvoir. Avec internet, la vraie information est potentiellement libre méme si elle n’est pas livrée sur un plateau doré. Avec le libre, on peut réfléchir par soi-meme, notre connaissance n’est pas conditionnée par ce qu’on veut bien nous proposer. On garde constamment son libre arbitre pour choisir sa propre route. Et quand je vois un "petit bonhomme" abuser de son autorité pour nommer ici et là tel directeur de radio, tel président de chaine de tv, tel présentateur de journal … je me dis que pour une fois avec internet le citoyen a une longueur d’avance sur le pouvoir. Hadopi cherche surtout à reprendre la main sur internet …on commence par mieux surveiller pour ensuite mieux orienter. Allez, j’y retourne avant que le chat rattrape la souris.

  5. Kortex

    La réponse de Stallman, même si elle est complètement vraie est un peu succincte (peut être n’est-elle pas relayée en totalité ci-dessus). Pour le côté philosophique et idéologique lié au LL, je rejoins complètement Kalenx, sa réponse est très proche de celle que j’aurais formulé si j’avais été le premier posteur, donc je vais éviter la redite.

    Sur le plan technique, la mise en commun du code et sa redistribution permettent de se diriger vers l’idéal d’un outil (de plus en plus omniprésent) complètement lavé de ses défauts, ainsi que la réutilisation des ressources déjà produites afin de permettre une évolution de cet outil plus rapide, plus fiable et sur des bases communes tendant à les rendre universelles et pérennes. Dans un domaine qui bouge très vite, dans lequel on se demande qui contrôle les informations de qui et où les possibilités pour accéder à l’information sont de plus en plus nombreuses, c’est à mon sens également un argument important.

    Et puis ça me plait d’avoir l’impression que l’humanité dans son ensemble mène un projet commun et d’y apporter, à ma manière et notamment par un certain militantisme, ma petite pierre.

  6. jepi

    Samuel devrait frequenter les chevaux plutot que les rennes, ces derniers n’ont pas de
    rênes d’habitude, les premiers oui.

  7. samuel

    @jepi
    Stallman, c’est un peu le Père Noël des geeks … ceci explique probablement cet écart orthographique de ma part 🙂

  8. Cede

    @Kalenx

    Je ne suis pas du tout d’accord avec tes propos. Tu fais un amalgame entre connaissance et produit/création.

    Pour moi un logiciel, la manière de compresser une vidéo, …. ce n’est pas de la connaissance. C’est un produit. Tu fais une analogie entre théorème physiques (maxwel, Ohm, …) en disant que ces connaissances sont consultables par tout le monde. Je répondrai à cela que l’algorithmie, la théorie des langages, théorie des graph, math euristiques, … sont tout autant consultables.
    Pour continuer dans ton analogie, tout ce qui concerne la thermodynamique est consultable, ma question est donc : trouve tu normal d’avoir des brevets sur les moteurs de voiture (injection direct, turbo, …) qui ont demandé des années de recherche qui oblige chaque constructeur à faire mieux que son concurrent ?
    Pour moi il en va de même pour les logiciel que je considère comme des produit plutôt que de la connaissance.

    Je ne sais pas si je suis pour ou contre le libre. A mon humble avis il faut les 2. Après tout, pourquoi raler parce qu’on a pas le droit de copier à cause d’un brevet alors qu’on peut faire mieux ?

  9. samuel

    @Cede

    …oui, le logiciel est probablement un produit mais qui devrait souvent étre un *produit public et transparent*. Il y a trop d’enjeux derrière : libre accés au savoir = citoyens responsables, liberté d’expression, diversité culturelle,…etc L’intérét gérénal apporté par un produit libre dépasse probablement de beaucoup le droit effectivement légitime à fermer son logiciel pour protéger son travail.

    Une analogie pourrait étre les routes. Imagine -t-on une seule seconde avoir des péages à chaque coin de rue et sur nos départementales pour avoir le droit de les utiliser ? N’est-ce pas plus stratégique et intelligent de les laisser libre pour favoriser le commerce des marchandises, les échanges culturelles, le tourisme, etc

    Après que les routes soient libres (= un OS pour l’ordinateur) n’empèche pas que cohabitent joyeusement sur ces routes des professionnels (chauffeurs de taxi, routiers, cars de tourismes… = les logiciels propriétaires), des amateurs (le bon père de famille qui emmène ses enfants dans sa voiture perso = logiciels libres "just for the fun").

    Qu’un jeu vidéo soit un logiciel fermé ne me choque pas. Par contre, qu’un spyware hadopi ou autre soit installé d’office à mon insue sur l’OS que j’achète à la Fnac, là , c’est pas normal.

  10. Guillaume le Cong Errant

    Pourquoi faut-il se mobiliser pour le logiciel libre ?

    « Toutes les libertés dépendent de la liberté informatique, elle n’est pas plus importante que les autres libertés fondamentales mais, au fur et à mesure que les pratiques de la vie basculent sur l’ordinateur, on en aura besoin pour maintenir les…

  11. Kalenx

    @Cede

    Désolé pour le long délai de réponse, mais mieux vaut tard que jamais dit-on…

    D’abord, je tiens à préciser que je me concentre ici sur les arguments plus philosophiques, humanistes, en faveur du logiciel libre. Je crois que les arguments plus techniques et pratiques ont déjà été suffisamment décortiqués et illustrés d’exemples pour que l’on puisse confirmer que le logiciel libre peut être une alternative tout à fait viable pour le développement logiciel.
    Il se peut donc que dans le reste de mes propos, je donne l’impression d’ignorer certains de ces faits pratiques — sans que cela ne soit voulu, l’idée est surtout de garder un point de vue plus général.

    Que Microsoft, Apple ou n’importe quelle compagnie développant du software ne veuille pas publier le code source de leurs logiciels, je trouve ça dommage, mais ce n’est pas le point principal.
    Tu fais une comparaison avec une pièce d’automobile — ce pourrait être n’importe quelle invention technique, mon propos serait le même. À mon humble avis, cette comparaison ne tient pas la route parce qu’elle présuppose qu’il y a à toutes fins pratiques une infinité de façons différentes de résoudre un problème donnée (dans ton cas, améliorer le rendement des moteurs).
    Dans ce cas, l’idée du brevet peut être acceptable : le fait que la compagnie X ait inventée l’injection directe n’empêche pas la compagnie Y d’inventer la turbocompression, deux méthodes qui permettent d’augmenter la puissance du moteur, mais par des voies différentes.

    Dans le cas du logiciel, ce n’est pas la même chose car le matériel restreint les choix. Il n’y a plus des milliers de façons d’appréhender un problème puisque le matériel offre des possibilités par définition limitées.
    Les algorithmes de compression vidéo doivent, s’ils veulent être performants et efficaces, utiliser les instructions spécialement conçues à cet effet (SSE*, autrefois MMX, etc.), et éventuellement permettre en même temps un haut niveau de parallélisme afin que les puces graphiques puissent aider au décodage, comme on le voit ces dernières années.
    Même si demain j’inventais un nouvel algorithme de compression vidéo qui, sur le papier, est exceptionnel (taux de compression très élévé, perte de qualité quasi-nulle, etc), celui-ci n’aura jamais de succès s’il ne peut utiliser ces instructions spéciales.
    Si on observe les codecs vidéos, on s’aperçoit donc qu’en fait ils sont tous basés sur les mêmes principes, pas parce que les programmeurs n’ont pas d’imagination, mais parce qu’ils sont limités par ce que les processeurs peuvent faire.

    Un autre exemple, dans le domaine des OS, est celui de la gestion de la mémoire : tous les systèmes actuels utilisent exactement les mêmes principes (TLB, gestion de la mémoire par pages qui peuvent migrer dans un espace disque défini, gestion des caches, etc.). Est-ce si étonnant? Est-ce parce que le maléfique Bill Gates a copié d’une façon invétéré sur je ne sais trop qui ou parce que le vertueux Steve Jobs s’est contenté "d’emprunter" la gestion mémoire à son copain Torvalds?
    Bien sûr que non : ce sont les caractéristiques des architectures modernes qui définissent ces choix de design.

    Un autre exemple? Les moteurs de rendu des jeux 3D. Même si je pense soudain à une façon de faire un nouveau moteur révolutionnaire, je suis limité par le fait que toutes les cartes graphiques grand public sont conçues pour un rendu raster avec des millions de petits triangles. J’aurai beau inventer ce que je veux, forcément mon idée ressemblera à celle des autres, pas parce que je veux les copier, mais par obligation.

    On pourrait dire la même chose de l’interface graphique : est-ce si étonnant que les bureaux KDE, Gnome, Windows ou MacOS se ressemblent énormément? Bien sûr que non : _ils utilisent le même matériel_.
    Aussi, l’interface touch : pas étonnant que KDE (Qt), Apple et Microsoft arrivent en même temps en force sur ce marché. C’est maintenant que se fait la démocratisation de ce genre de matériel.

    En soit, je m’en fiche de ne pas pouvoir lire la 34182e ligne de kernel32.sys ou de ne pas savoir si Apple utilise la convention K&R ou la convention GNU lorsque ses développeurs écrivent du C.
    Mais je n’ai pas envie de me lever demain et de voir que mon système GNU/Linux est devenu "illégal" parce que chosetruc a breveté la gestion mémoire ou parce que le codec OGG dont je me sers "enfreint la propriété intellectuelle de machinchouette" parce qu’il compresse la vidéo en bloc, méthode brevetée par le brevet 1.43851e32, ou que les développeurs de mon DE sont poursuivis parce qu’ils enfreignent le brevet sur les clics de souris, ou encore que les programmeurs de TroForOffice, qui ont travaillés pendant 3 ans pour faire une rétro-ingénierie des formats propriétaires concurrents, sont maintenant traînés en cour pour atteinte à la propriété intellectuelle.
    Je ne veux pas non plus que mon fils de 12 ans soit un criminel lorsqu’il essaie de modifier les fichiers systèmes de Windows pour afficher un "Bonne fête papa" au démarrage au lieu du logo de Windows.
    J’aimerais aussi que lorsque j’achète un matériel quelconque, je n’aie pas à attendre après la mauvaise volonté d’un fabricant qui se refuse à sortir des drivers potables. Que les avancées de ce driver sous Windows puissent me revenir aussi (après tout, je l’ai autant payé que les utilisateurs de Windows, ce périphérique). Que lorsque j’achète un portable, je puisse avoir mieux qu’une autonomie médiocre parce qu’un gars a trouvé comique de saboter les tables ACPI et de ne jamais définir de standard pour être certain d’avoir les meilleures performances pour son OS.
    Je ne voudrais pas non plus me retrouver un jour devant une page web me disant que je ne peux pas lire le contenu de cette vidéo, car les bénévoles qui font ma distribution n’ont pas voulu payer 5$ / téléchargement pour avoir la licence du format vidéo trop roxor à la mode.
    Finalement, je ne voudrais surtout pas être dans une situation où je ne peux plus contrôler mon ordinateur. C’est pour votre "sécurité" qu’ils disent, que je n’ai plus le droit de rien faire ou d’installer ce que je veux.

    Le logiciel libre est une assurance contre tout cela.

    Le couvert de la "propriété intellectuelle" est malheureusement très souvent employé en réponse au logiciel libre — souvent à tort. Logiciel libre ne signifie pas domaine public.
    Une compagnie peut très bien posséder un logiciel libre.
    A contrario, avec le logiciel propriétaire, on tente de breveter ce qui ne sont rien de plus que des idées. Comme si, pour revenir à l’exemple de l’automobile, on autorisait un brevet intitulé "Améliorer les performances d’un moteur" (ce qui permet au passage de faire de jolies campagnes de FUD, du genre "votre logiciel enfreint 235 de nos brevets mais on vous dit pas lesquels").

    Personnellement, je crois au logiciel libre, je crois en sa capacité d’innovation, je crois en sa capacité à mieux répartir le marché du logiciel. Pas tant parce qu’il ouvre les sources, mais surtout parce que de là, il ouvre l’informatique au monde entier, et d’une façon pérenne.
    Passer à côté du logiciel libre ne serait pas seulement dommage pour les 0.1% d’afficionados de crawl ou de screen : ce serait une grande perte pour tout le monde.

  12. Samuel

    @Kalenx
    Merci pour ce commentaire et tous ces exemples pertinents. Sur le framablog, on en apprend autant avec l’articles qu’avec les réactions. La magie d’internet.

  13. Dell-Ubuntu

    Un commentaire court :
    Les médias se tournent vers Richard Stallman qui semble être, à leurs yeux, le seul représentant de cette cause. Il faut multiplier les portes-paroles et même si nous sommes nombreux à le soutenir, la question n’est plus "POURQUOI" mais "COMMENT soutenir et promouvoir encore plus largement les logiciesl libres".
    Gratuits et bien faits ils ne peuvent que gagner la partie.

    Aux armes citoyens !