Pirates De l’Internet, Unissez-Vous !

Classé dans : Communs culturels | 32

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Hillman54 - CC by«  Mais qu’est-ce que tu fous encore devant ton ordi  ! N’oublie pas que tu m’avais promis d’aller avec moi au MAXXI  ! Remue-toi, on est déjà en retard…  »

Fichtre alors, je ne m’en souvenais effectivement pas  ! De plus ou moins bonne grâce me voici donc en train d’accompagner N. au MAXXI.

Mais qu’est-ce donc que ce MAXXI  ? Situé à Rome, il s’agit du nom donné au tout nouveau «  musée national des arts du XXIe siècle  » – contracté, ça donne donc MAXXI – dédié à toutes les formes de création de l’art contemporain[1].

Avant de poursuivre, il faut que je vous dise que l’Art Contemporain a toujours été un vif sujet de débat entre N. et moi. J’ai bien saisi qu’on a pu parler d’avant-garde à certaines époques du passé mais aujourd’hui j’ai peine à ne pas y voir avant tout une grande supercherie où argent, marketing et petits arrangements entre amis du microcosme sont rois. Du coup l’Art Contemporain, au mieux cela me divertit (et ne dépasse pas le stade du divertissement), au pire cela m’ennuie voire me scandalise. Elle me répond calmement et invariablement que c’est parce que je ne le connais pas bien, ce qui est tout à fait vrai au demeurant, et que de toutes les façons je suis resté bloqué à Marcel Duchamp  ! Elle ne le dit jamais ouvertement mais le pense très fort  : le «  syndrome du vieux con  » me guette.

Ceci étant dit, j’étais quand même curieux de voir ce que donnait ce musée. D’abord parce que je trouvais cela bien ambitieux, pour ne pas dire pompeux, de la définir déjà comme un musée des «  arts du XXIe siècle  ». Et puis on m’avait dit le plus grand bien de son architecture signée Zaha Hadid. Dans une ville où règne la vieille pierre, un peu de modernité fait toujours contraste.

Je confirme. C’est une bâtisse impressionnante. Beaux volumes et beaux espaces, comme on peut s’en rendre compte sur cette vidéo (cf aussi ce reportage AFP).

Le contenant est donc intéressant. Je n’en dirai pas tant du contenu. Comme d’habitude, une succession d’installations à l’originalité convenue qui veulent toutes nous dire simultanément quelque chose sur le moi profond de l’artiste et le monde profane ou sacré qui nous entoure. On appelle cela le «  message  » de l’œuvre, et cela fait le bonheur des critiques d’art des beaux quartiers.

Mais force est de constater que cela ne fait pas le mien.

Finalement, l’intérêt principal reste encore de partager cela avec quelqu’un en lui demandant à chaque fois ce qu’il en pense. On n’apprendra pas forcément grand chose sur l’exposition, mais on peut en apprendre beaucoup sur la personne qui nous accompagne…

Tiens, voilà justement N. qui me demande mon impression générale au sortir de la dernière salle. Je m’y attendais. Et voulant moi aussi faire mon original, je commence ainsi ma réponse  : «  c’est bien gentil tout ça, mais si tu veux mon avis, ce n’est pas une bonne idée d’avoir ignoré la culture libre quand on la prétention de présenter l’art du XXIe siècle…  ».

Et c’est à ce moment-là que je remarque une bien étrange affiche qui recouvre tout le mur de la cafétéria du musée.

Elle est signée de l’artiste Miltos Manetas et n’avait pas encore été traduite en français.

Piracy Manifesto - MAXXI

Pirates de l’Internet, unissez-vous  !

Pirates of the Internet Unite !

Miltos Manetas – Juillet 2009 – MAXXI
(Traduction Framalang  : Don Rico, Martin, Barbidule et Goofy)

Extrait d’un journal du futur  : «  Un homme a été contrôlé hier à la frontière franco-italienne. L’inspection de son ordinateur a permis de découvrir que celui-ci recelait des produits piratés, principalement des logiciels Adobe et de la musique des Beatles. L’homme a été arrêté sur-le-champ  ».

Qu’il s’agisse d’un poème ou d’un médicament, d’un logiciel ou d’un disque, d’un film ou d’un livre, tout ce qui est populaire et rentable doit la majeure partie de sa valeur économique à la manipulation des Foules. Nul n’a demandé à savoir à quoi ressemble le logo Coca-Cola, ni à connaître le refrain de «  Like a Virgin  ». L’Éducation, les Médias et la Propagande nous les font avaler de force, en les martelant à l’envi ou en spéculant sur notre soif, notre faim, notre besoin de communication et de divertissement, et surtout sur notre sentiment de solitude et notre mal-être. À l’ère d’Internet, ce qui peut être copié peut être partagé. Pour ce qui est des contenus, on peut tout distribuer, à tout le monde en même temps.

À l’aune de cette constatation, une nouvelle classe sociale émerge. Il ne s’agit pas d’une classe laborieuse mais d’une classe de Producteurs. Par essence, ces Producteurs sont des pirates et des hackers  ; ils réutilisent les images, les sons, et les idées du Monde. Ils en créent certains, mais pour la plupart ils les empruntent à d’autres.

L’information est aujourd’hui partie intégrante de notre organisme, elle est littéralement «  installée  » dans notre cerveau, et l’on ne peut l’effacer sur demande. C’est pourquoi nous avons le droit de posséder l’information qu’on nous projette  : nous sommes en droit d’être maîtres de nous-mêmes  ! Parce que nous vivons dans des sociétés mondialisées construites sur l’inégalité et le profit, parce que le contenu d’une chanson, d’un film ou d’un livre représentent des atouts dans une lutte sans merci pour survivre, tout citoyen possède le droit moral de s’approprier une copie numérique d’une œuvre quelle qu’elle soit. Parce que l’informatique est un langage international, les secrets du monde sont de nos jours écrits en Adobe et en Microsoft, il est légitime de vouloir les hacker. Enfin, parce que la pauvreté est le champ expérimental de l’industrie pharmaceutique, la médecine devrait être libre de tout brevet.

De nos jours, quiconque possède un ordinateur est à la fois Producteur et Pirate. Nous sommes tous citoyens de l’Internet, c’est notre nouvelle nation, le seul territoire qu’il soit justifié de défendre et de protéger. Internet est une terre d’information et de savoir. Chacun devrait être en mesure de la fouler sans contrepartie financière  ; seules les grandes entreprises devraient payer pour l’utiliser.

Internet génère des «  Internets  », des situations qui existent non seulement en ligne, mais aussi dans le monde physique, déterminées par ce qui se passe sur le réseau. L’heure est venue de fonder un Mouvement du Piratage mondial. La liberté d’enfreindre le copyright, celle d’avoir accès sans restriction au savoir et aux traitements médicaux, voilà nos nouveaux «  Biens communs  ». Ce sont des Droits Universels, et en tant que tels, les Autorités ne les concéderont pas sans lutter, mais le combat à livrer sera inédit car pour la première fois, les Foules enfreignent spontanément la Loi à l’échelle planétaire.

Aujourd’hui, tout le monde copie  : les jeunes gens, les adultes, nos aînés, les électeurs de gauche comme de droite. Quiconque possède un ordinateur copie quelque chose. Telle une nouvelle Athéna, l’Information jaillit toute armée du crâne ouvert de la Technologie pour nous aider dans notre quête.

Pirates de l’Internet, unissez-vous  !

Piracy Manifesto - Manetas

Notes

[1] Crédit photo  : Hillman54 (Creative Commons By)

32 Responses

  1. al.jes

    Votez PPI. Amen.

    Plus sérieusement, je suis d’accord avec lui sur pas mal de points. N’empêche que si on ajoutais un logo du Parti Pirate ça ne jurerait pas. Et je trouve pas ça plus mal.

    Je regrette juste qu’il n’y aie *que* ça qui évoque le Libre dans un tel musée… Donc +1 aKa.

  2. Aleric Mend

    Mais qui va se lever ?

    Piratage n’est pas synonyme de partage. Pourquoi tous ces gens s’uniraient-ils pour un idéal dont ils se fichent royalement. Inutile de se leurrer, la majorité des pirates téléchargent pour pouvoir regarder la saga Twilight à loisir sans avoir à dépenser le moindre centime. Le partage n’est nécessaire que pour respecter le ratio minimum exigé par les traqueurs. Quand exigence il y a. La diffusion du savoir et de la culture est totalement inutile dans l’esprit d’une population ignorante et inculte. Tout ces gens là n’ont strictement rien à foutre qu’une petite communauté hacktiviste appelle à la rébellion. Pourquoi se rebelleraient-ils ? La société pourvoit à leur confort et tue dans l’œuf toute pensée créatrice qui pourrait émerger de leurs cerveaux formatés par la télévision et les médias contrôlés.

    « Pirates de l’Internet, unissez-vous ! »

    Ce cri du cœur n’est pas le premier et ne sera pas le dernier. Et comme tous les autres ce n’est qu’une ligne perdue dans l’océan d’Internet. Il n’y a rien de concret dans cet appel. Comment y répondre ? En téléchargeant ? C’est déjà le cas. Rien de nouveau donc. Le seul moyen de mobiliser les foules est d’organiser des manifestations, des conférences. Il faut lever les gens de derrière leur moniteur pour les envoyer dans la rue. Une bande de gus sur Internet ne fait peur à personne, et surtout pas aux gouvernements qui peuvent aisément les traquer, les trouver et les neutraliser.

    Framasoft est une figure du monde libre francophone. Organisez donc un évènement sur Paris regroupant des artistes diffusant leurs œuvres sous licence libre, des ateliers découverte, des artistes de rue, des développeurs et des internautes. Et contactez les médias de toute sorte pour qu’ils relaient l’information.

    Ça au moins ça servira à quelque chose. Une initiative que je serais heureux d’applaudir et de soutenir du mieux que je le puisse.

  3. Grunt

    Et allez, encore un article fourre-tout sans argumentation qui essaie de mettre dans le même sac, je cite "des pirates et des hackers", c’est à dire des gens qui copient et des gens qui créent, des gens qui se contentent de l’existant et ceux qui veulent du neuf, ceux qui utilisent le premier moyen technique qui leur tombe sous la main (serait-ce une plateforme de DDL centralisée) et ceux qui voient de l’éthique dans la technique..

    Et le message c’est, je suppose "Vous aimez le libre donc venez bouffer du warez avec nous"?

    Ah, et des jolies majuscules pour donner un ton biblique au texte: "Producteur et Pirate", "Mouvement du Piratage", "Droits Universels" et j’en passe.

    "Parce que l’informatique est un langage international"
    Oui.
    ""les secrets du monde sont de nos jours écrits en Adobe et en Microsoft"
    Pas que. Si les secrets du monde sont majoritairement écrits en Adobe et Microsoft, c’est parce que les internautes (les ceusses qui doivent libérer le monde, si j’ai bien compris ce texte) décident majoritairement d’utiliser des produits Adobe et Microsoft, quand bien même ils seraient fermés,
    "il est légitime de vouloir les hacker."
    Waow, très rapide le raccourci.

    Donc, si j’ai bien suivi la logique:
    1) Une entreprise dépense de l’argent pour faire du code propriétaire, et dépense de l’argent en marketing pour me convaincre que son code propriétaire m’est indispensable,
    2) je ne réfléchis pas, je n’exerce pas mon esprit critique, et j’accepte l’idée que ce code est indispensable,
    3) Tout les moutons font pareil, et le troupeau finit par placer l’entreprise en position de monopôle,
    4) Là, je fais semblant de réfléchir, et je sors de mon chapeau des tours de passe-passe réthorique pour expliquer que le code propriétaire que j’ai bêtement brouté, vu que j’y suis devenu accroc, j’ai le droit d’y accéder gratuitement.

    Sérieusement, ça suffit. Je commence à en avoir ras le bol de la propagande des partis pirates sur Framablog. Parlez-nous du libre, plutôt!

    Sans compter que vous avez une guerre de retard, les "pirates": le code propriétaire de demain est GRATUIT (oui, GRATUIT, donc ça va vous plaire, étant donné que GRATUIT est le seul point commun entre libre et warez), il est financé par vos données personnelles, et vous ne pouvez pas le hacker, car il se trouve sur un serveur distant. Le code propriétaire de demain, c’est Deezer + publicité (ouaais, de la musique GRATUITE), Gmail (un service de messagerie GRATUIT), c’est Facebook (GRATUIT, HERE SOFTWARE FOR FREE, NO KEYGEN NEEDED). Finalement, le Minitel 2.0 c’est le paradis, non?

  4. deadalnix

    Je ne comprend pas bien le lien entre le musée et ce qui suit. Et que vient faire l’œuvre de cet artiste grec dans tout ça ?

  5. aKa

    Il y a peut-être un léger malentendu.

    Si j’ai fait cette introduction c’est pour donner quelques informations sur l’origine de ce texte. Son auteur est un artiste et on le trouve placardé dans une exposition d’arts "du XXIe siècle".

    Ok pour en faire sa critique en tant que tel. Mais ici pour moi le débat est plus sur la présence ou non de l’art "libre" dans les manifestations d’arts "contemporains".

    L’intérêt pour moi c’est surtout que le visiteur du MAXXI se trouve confronté à un tel texte et que cela s’entrechoque chez lui : est-ce de l’art ou de l’information ? est-ce de l’art ou du lard ?

  6. pyg

    "Et que vient faire l’œuvre de cet artiste grec dans tout ça ?"
    Puisqu’on te dit que c’est de l’art 🙂

    Enfin, moi je note surtout que "l’oeuvre" se trouve dans la cafétéria… Là encore, faudra m’expliquer en quoi tapisser les murs d’un manifeste en font une oeuvre… Du coup, ça repose la question de ce qui fait une oeuvre : l’émotion qu’elle procure au sujet, l’artiste (auto-proclamé ou non), ou le commissaire d’exposition ?

  7. Grunt

    Elle est sous quelle licence, l’oeuvre en question, au fait? 😀

  8. Zitor

    Déjà, cet "tableau" fait il réellement parti du musée ?
    Si oui, y a t-il non loin un petit rapel de sa licence ou de ce qu’est le monde du libre ?
    Car c’est bien beau, vous et moi (ici sur Framasoft) on s’y connait un peu sur le sujet.

    Mais même les passionnés d’arts ne doivent pas connaitre cette licence donc ce qui différencie cette oeuvre dans le musée.

    Note : Et pis une licence libre sur un tableau, non numérisé me parait, non pas grotesque mais … bizarre. Ca change quoi qu’il soit exposé au musée sous licence libre ou propriétaire. Pas grand chose, vu qu’on va pas se le partager en passant (au sens propre).

    ps : Sachant que ce type d’artiste, que je respecte beaucoup, a du faire payer a prix cher le papier et le cadre car lui non-plus ne veux pas vivre à la rue.

  9. shnoulle

    Comme Grunt, je me pose la question de la licence. Attention de ne pas avoir de problème judiciaire avec l’artiste. Cela pourrait être dommageable pour Framasoft.

    Une traduction complète ne peut être prise comme une courte citation … faudrais voir à faire des coupures la dedans (si la licence n’est pas au minimum une libre rediffusion)

    Arf

  10. Marc

    Certains commentaires sont un peu bizzares. Vous voyez un article sur un blog et vous le commentez en oubliant son contexte. Est-ce qu’il y a un problème avec "l’art contemporain" qui ronronne depuis un certain temps déjà ? Réponse perso : Oui. Est-ce que c’est intéressant que le Libre investisse ce champ-là aussi : Réponse perso : Oui et plutôt deux fois qu’une ! Après si le texte vous semble exagéré ou imprécis, ne perdez pas de vue que c’est peut-être fait exprès puisqu’on est dans l’art et que tout est permis.

  11. modagoose

    >>>Et allez, encore un article fourre-tout sans argumentation qui essaie de mettre dans le même sac, je cite "des pirates et des hackers", c’est à dire des gens qui copient et des gens qui créent, des gens qui se contentent de l’existant et ceux qui veulent du neuf, ceux qui utilisent le premier moyen technique qui leur tombe sous la main (serait-ce une plateforme de DDL centralisée) et ceux qui voient de l’éthique dans la technique..

    Sauf que c’est toi qui mélanges tout.
    Pirate est un terme générique ( fourre-tout ) employé par les multinationales et les politiques pro-Hadopi/Acta/LLopsi pour désigner aussi bien les crackers, les warez que les hackers et pas juste une vision manichéenne qui voudrait que d’un côté il y ait ceux qui copient ( nous copions tous ) et ceux qui créent ( créent ? Vraiment ? Comme ça à partir de rien ? ).
    Tu commets donc la même erreur que ceux contre lesquels tu es en guerre. Il n’y a pas de hackers qui ne copient et donc qui travaillent à partir de l’existant et donc de hackers qui ne soient des pirates.

    Pour ce qui est de l’art "comptant pour rien", selon Duchamp, une oeuvre d’art est oeuvre d’art à partir du moment où elle est dans un contexte, en l’occurence un musée dans le cas présent. Une oeuvre d’art est donc une décision arbitraire.

    Est-ce que le contenu, le texte, de l’oeuvre est l’oeuvre d’art ou bien l’esthétique du texte, sa mise en forme ?

    Je crois, mais ça n’engage que moi, que le contenu du texte, dans le contexte du musée est à la fois une provocation et une interpellation de ceux qui regardent.
    Pour ce qui est de la licence, je dirais qu’on s’en fout, le texte lui-même est un appel au piratage ^

  12. aKa

    Je signale que Milto Manetas a créé le premier "Pavillon Internet" à la dernière Biénnale de Venise. Et qu’à cette occasion il a invité toute la fine équipe du site The Pirate Bay.

    "We acted as a trojan horse for reality… The Internet pirates became part of the Venice Biennale. There was no way of stopping them !"
    http://www.blay.se/files/eop.pdf

    (évènement qui n’a donné lieu à aucun papier en français)

  13. fredz

    "L’information est aujourd’hui partie intégrante de notre organisme, elle est littéralement « installée » dans notre cerveau, et l’on ne peut l’effacer sur demande. C’est pourquoi nous avons le droit de posséder l’information qu’on nous projette : nous sommes en droit d’être maîtres de nous-mêmes !"

    Intéressante perspective : le droit à l’usage restreint qu’on nous vend sur l’immatériel ne peut être acceptable, dans la mesure où ayant accès à un moment donné à une information, celle ci prend corps dans notre esprit et nous rentrons donc en possession de cette information.

  14. SansBlague

    +1 … pour Grunt 😀

    "Et allez, encore un article fourre-tout sans argumentation qui essaie de mettre dans le même sac"

  15. yves gasparini

    La culture libre et la réappropriation des biens communs sont parmi les mouvements les plus féconds et intéressants de notre époque troublée. L’art contemporain ne l’a pas compris, ou plutôt "ceux" qui font l’art contemporain – souvent des fonctionnaires d’Etat sur l’argent du contribuable d’ailleurs – ne l’ont pas compris et ne portent aucune espèce d’attention aux acteurs de ces mouvements (dedans il y a des artistes, et aussi des "artistes hackers"). C’est ça le vrai débat ici il me semble non ?

    Critiquer dans le détail le manifeste ou, encore plus délirant, parler de sa licence (alors que c’est évident que le texte n’en a pas et autorise de tout faire avec), c’est vraiment prendre le problème par le petit bout de la lorgnette et faire un beau hors-sujet.

    Qu’est-ce que les "libristes" qui fréquentent ce site pensent de l’art contemporain de ce début de nouveau siècle ? La culture libre doit-elle d’une manière ou d’une autre en faire partie ? Voilà des questions qui m’intéressent ici. Mais apparemment on n’en saura rien.

    Personnellement je trouve que l’art contemporain c’est un "truc de gauche" (la création, la subversion, le message politico-erotico-introspecto-social…) magnifiquement domestiqué par un "truc de droite" (argent, marketing, elitisme, marché, copyright) qui n’aspire plus qu’à faire de nous des "consommateurs" d’art. Plus le temps passe et moins il y a de différences entre aller à un MAXXI et aller à DisneyLand.

    Que la culture libre donne un coup de pied dans la fourmillière de ce petit monde qui se croit vivant alors qu’il donne toute l’apparence de la mort clinique, en dégommant par exemple les logiques de droits d’auteurs, je trouve cela tout à fait bien. Cela me donne espoir en fait, sauf si tout le monde s’en fout bien sûr.

  16. Grunt

    @modagoose:
    C’est l’article qui mélange tout. Si on parle de "pirates" qui attaquent les navires, il est surréaliste.
    Là, "pirate" est utilisé à la fois pour désigner les hackers qui construisent, les crackers qui cassent et les wareziens qui se gavent.

    C’est aussi mauvais que les amalgames faits par les multinationales, qui tentent de faire croire au grand public que le libriste qui copie des softs libres est un méchant "pirate" qui vole les artistes et met des virus dans l’ordinateur de madame Michu.

    Là, l’amalgame est juste fait dans l’autre sens: "Vous aimez le libre, vous aimez créer, donc vous soutenez le warez", pas échappatoire possible.

    Finalement, ce genre d’articles met en danger la culture libre en l’assimilant à des actes illégaux.

  17. modagoose

    Pour répondre à Aka, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas être à la fois libriste et artiste contemporain. Il y a beaucoup de choses qui relèvent de l’art contemporain dans l’art libre. En musique, il existe des festivals comme le Placard qui tournent autour des expérimentations sonores ainsi que des systèmes de diffusion, par exemple. L’art contemporain est très confidentiel, les expérimentations sonores aussi. Tout ça n’est pas présent dans les media classiques. L’art libre n’est pas une forme d’art, c’est juste un mode de diffusion des oeuvres. Après faire parti du microcosme de l’art contemporain mondial, c’est une autre paire de manche. Donc oui, il est possible d’être artiste contemporain et libriste.

  18. dormomuso

    @yves gasparini Merci !
    Aux autres : je n’ai rien contre relever les petites erreurs du texte, mais que ça n’empêche pas d’entendre l’essentiel : << voilà nos nouveaux « Biens communs ». Ce sont des Droits Universels, et en tant que tels, les Autorités ne les concéderont pas sans lutter >>

    Certes il est possible et utile de se documenter sur les différentes propriétés intellectuelles, leurs différences, leurs histoires juridiques, économiques et philosophiques… Des textes précis permettent de confronter les différentes propositions de réforme à court, moyen et long terme, et de s’engager de façon plus éclairée.

    Mais n’a-t-on pas justement besoin de diversité ? Cet artiste, s’il n’a pas toujours la précision du juriste, apporte un éclairage différent… qui sait, si c’est pas justement l’art qui nous manquait le plus pour se faire entendre ?

    au besoin, je conseillerai à l’artiste de commencer par quelques lectures de saint-ignou :
    – La bonne façon de taxer les DAT, 1992
    http://www.gnu.org/philosophy/dat.f
    -Biopirates ou biocorsaires ? 1997
    http://stallman.org/articles/biopir

    Et vous, quels textes conseilleriez-vous ?

  19. Dd

    LA grande question : est-ce que l’on doit empêcher les gens de publier sous copyright, ou les éduquer pour qu’il publient plus librement ?

    Le choix n’est pas binaire en fait, le mieux (selon moi) est d’encourager les projets libres, voir d’obliger les artistes avec des aides de l’État à publier sous licence libre.

    Pour le financement de la culture, on connaît tous les réponses : pour la musique : concerts, produits dérivés, …, pour le cinéma : publicité, versions collector, best-of, participation au film ("pour 10 000€ (et un minimum d’expérience), faite-vous connaître dans un film (personnage secondaire)"), … etc etc, il y a aussi les ventes d’œuvres signées, d’originaux, … etc etc

  20. dormomuso

    @Dd

    "La grande question". C’est ce que je pensais. Mais finalement, je crois que les licences libres sont moins urgentes pour la culture (et le divertissement) que pour les logiciels qui sont un cas un part. Certes, je souhaite ardemment que la culture libre se développe, mais la véritable urgence pour la culture (et le divertissement), c’est de pérenniser des système de libre diffusion.

    Prenons l’exemple de la musique. On retrouve une quasi-majorité de la musique existante sur les plateformes de streaming du type spotify, deezer et last.fm Les artistes sont (faiblement) rémunéré à chaque écoute répertorié. Peuvent y être disponible aussi bien des oeuvres libre que sous copyrigtht classique, ou encore des oeuvres en libre diffusion mais pas libre (creative common non commercial). Finalement, il s’agit d’une extension du système juridique de licence légale utilisé par les radios. Il est peu probable que le public se contente des plateformes Jamendo et Dogmazik, parce qu’il souhaite accéder à certains artistes qui ne seront pas libres avant longtemps (parce qu’ils sont morts ou parce qu’ils ne perçoivent pas les enjeux, ou les perçoivent comme trop utopistes…)

    Par contre, une majorité du public est favorable à un système de licence globale. Donc avec un peu de chance, on peut convaincre et voter pour le ou les parties qui mettront ces propositions en avant.

  21. Georges

    C’est assez fou.
    La plupart des gens postant des commentaires voient un article, moi je vois une traduction.
    Ce n’est pas l’article qu’il faut critiquer, mais l’oeuvre (que vous la condériez ou pas comme de l’art) originale.
    De plus, ce n’est pas une thèse sur le téléchargement illicite. Personnellement, je vois plutôt un appel au "piratage" des idées, dans le sens globale du terme, et non juste le piratage des réalisations.

    Et si vous pouviez arrêter de considérer la population comme un groupe de personne inculte et abrutie, peut-être qu’un plus grand publique pourrait s’intéresser à la chose ?
    Je vous rappelle que vous en faites partie de cette population, qu’elle est composée de gens aux personnalités différentes, ayant chacun sa liberté de penser. Le fait que vous militiez pour le libre ne fait pas de vous des élus pouvant se considérer comme supérieurs.
    Donc même si les médias essayent de formater les gens, ça n’en reste pas moins des personnes capables de refléchir sur les choses qui les entoure.

    Arrêtons de sous-considérer les gens !

  22. Georges

    @Dd "LA grande question : est-ce que l’on doit empêcher les gens de publier sous copyright, ou les éduquer pour qu’il publient plus librement ?"
    Si tu luttes pour la liberté, aucune de ces deux choses.
    Les empêcher de publier sous une certaine licence ou les éduquer à utiliser en utiliser une plutôt qu’une autre reviendrait à restreindre leur liberté.
    Il faudrait plutôt chercher à leur faire découvrir ce qu’ils peuvent faire d’autre.
    Ce qu’il faut éviter, c’est d’obliger les gens à utiliser des licences libre. ça reviendrait à bafouer la liberté de l’artiste au profit de la liberté du publique.

  23. Grunt

    @Georges:
    "Et si vous pouviez arrêter de considérer la population comme un groupe de personne inculte et abrutie, peut-être qu’un plus grand publique pourrait s’intéresser à la chose ?"

    Exactement. Il y a une prétention démesurée à considérer que le grand public qui achète ses DVD n’a rien compris, que les artistes qui utilisent une licence propriétaire n’ont rien compris, et que "Il faut tout pirater" parce qu’une minorité l’a décidé ainsi.

    Un peu de respect pour les gens qui font des choix différents, même si on ne partage pas leurs goût.. Même Adobe, même Microsoft, même leurs clients, méritent qu’on respecte leur travail et leurs choix. Si vous n’êtes pas contents, construisez autre chose au lieu d’appeler à des actions illégales..

  24. thibsert

    Georges, "…ou les éduquer à utiliser en utiliser une plutôt qu’une autre reviendrait à restreindre leur liberté." : Tout à fait, je pense que "les éduquer à la culture libre, dans le but qu’ils puissent avoir envie de choisir une licence libre" serait une démarche plus pertinente et plus respectueuse.
    Ça rejoint les commentaires suivants, on peut (doit ?) éduquer afin d’offrir un choix, mais évidement pas éduquer afin d’imposer notre point de vue.

    Il n’en reste que ce devoir d’éducation revient, selon moi, à toute personne sensibilisée au problème. Et, a fortiori, aux lecteurs de Framasoft.

  25. gnuzer

    @SansBlague

    bah +1000 modagoose alors. Na.

    @Grunt : "Finalement, ce genre d’articles met en danger la culture libre en l’assimilant à des actes illégaux."

    Et c’est bien là qu’on fait la différence entre le monde des libristes ("l’information doit être libre") et le monde des hackers/pirates ("l’information est libre par essence").

    Certes il y’a des choses critiquables dans l’article (notamment le "seules les grandes entreprises devraient payer pour l’utiliser." : je comprends pas bien pourquoi; si on pirate c’est pour accéder à la liberté, pas pour régler ses comptes avec les dirigeants du monde).
    Mais je suis vraiment d’accord avec modagoose : c’est toi qui fait l’amalgame. "pirate" n’est pas synonyme de supercrapule ou de wawamaniaque : le pirate, c’est tout simplement celui qui a compris que l’information était libre. Certes il faut dépenser du temps et de l’energie pour produire de l’information, mais vouloir imposer une valeur financière à l’information est quelque chose de complètement absurde. Dans le cyberespace, l’économie des choses matérielles (économie de la rareté) ne s’applique pas.

    Après j’admets qu’il y’a différentes sortes de pirates : il y’a le pirate tendance hacker, qui pirate pour des questions de liberté, et le pirate tendance consommateur, qui pirate pour des questions de fric.

    En ce qui me concerne, je suis un GROS pirate. Je télécharge des quantités phénoménales d’œuvres numériques, sans rien payer en échange. Le croiriez-vous ? Je ne cracke pas des logiciels, car s’ils sont privateurs ils ne m’intéressent pas. Je ne fais partie que de réseaux sociaux libres et décentralisés et mon blog est hébergé par un membre du RHIEN. Je verse parfois de l’argent à wikileaks, wikipedia, la quadrature du net, le RHIEN, j’ai également commandé la bio de Stallman alors que j’aurais pu la lire sans dépenser un centime. Il me tarde de voir apparaître un bouton "Flattr" sur les sites des artistes dont j’ai piraté les œuvres, afin que je puisse les rémunérer sans me ruiner au profits d’intermédiaires louches. Et quand je m’adonne à de vils actes de piraterie, c’est toujours sur l’océan calme du vrai Internet en P2P, et non sur du Minitel 2.0 naufrageur façon Zac.

    Et pourtant, je le répète, je suis un pirate.

    PS : Le style du texte peut paraître un peu "biblique" (pour reprendre les mots de Grunt) et je ne conteste pas cette remarque. Mais bon, n’oubliez pas que c’est censé être de l’art, hein. 😀

    Ce serait plutôt si les hommes politiques adoptaient un tel style qu’il faudrait s’inquiéter. 😀

  26. Grunt

    @gnuzer:
    "si on pirate c’est pour accéder à la liberté"

    C’est une mentalité de consommateur. Implicitement, la liberté serait liée à la possession et l’usage d’un bien (matériel ou immatériel), dont le caractère indispensable n’est pas remis en cause par le consommateur-pirate.

    J’ai une autre vision de la liberté, qui commence par se libérer soi-même des dépendances (dépendances à la publicité, à la pression sociale, aux habitudes), et dans laquelle, quasi-systématiquement, le "piratage" d’une oeuvre propriétaire n’est pas nécessaire. Mieux que cela: ne pas pirater une oeuvre propriétaire c’est se libérer de l’emprise qu’elle a sur notre esprit, en refusant ce chantage "Paie ou sois hors la loi". La licence est méchante? Alors je me détourne de ce bien.

    "le pirate, c’est tout simplement celui qui a compris que l’information était libre. Certes il faut dépenser du temps et de l’energie pour produire de l’information, mais vouloir imposer une valeur financière à l’information est quelque chose de complètement absurde."

    Implicitement, tu pars du postulat que "libre = gratuit", puisque tu assimiles le fait que l’information est "libre" au fait qu’on ne peut lui imposer de "valeur financière".

    Vois-tu, il m’est déjà arrivé d’acheter du matériel embarquant des logiciels sous licence GPL. Chaque fois, le fabricant (Netgear, D-Link) a placé, dans la boîte, le texte de la licence GPL, ainsi qu’une invitation à obtenir le code source, soit via un CD-ROM à prix coûtant, soit en le téléchargeant sur son site Web.
    Pourtant, en suivant ta logique, cette obligation faite au fabricant est "absurde": il aurait pu se contenter de mettre les binaires libres dans sa boîte et ne rien dire à personne, l’information s’en contente très bien. Mais il existe heureusement un cadre légal qui pose d’autres libertés et d’autres obligations que celles du monde physique, et qui fait qu’il est bien plus facile de construire des firmwares libres pour ces matériels, car on peut obtenir le code utilisé par le fabricant.

    Partir du constat purement matériel (il est possible de copier à l’infini sans surcoût) pour en déduire une ‘morale’ (on a le droit de copier à l’infini sans payer) est une escroquerie intellectuelle. Heureusement qu’il existe des lois, et que les interdictions et obligations que pose la société ne sont pas limitées aux restrictions que le monde physique nous impose.

    Les éditeurs de contenus (logiciels et oeuvres) propriétaires ont parfaitement le droit de baser un business-model sur la vente de licences donnant droit à utiliser une copie. Si ça ne vous plaît pas, n’utilisez pas. Après tout, ils arrivent bien à en vendre, c’est donc que leur business n’est pas si absurde que ça.

  27. gnuzer

    @Grunt :
    "J’ai une autre vision de la liberté, qui commence par se libérer soi-même des dépendances (dépendances à la publicité, à la pression sociale, aux habitudes), et dans laquelle, quasi-systématiquement, le "piratage" d’une oeuvre propriétaire n’est pas nécessaire. Mieux que cela: ne pas pirater une oeuvre propriétaire c’est se libérer de l’emprise qu’elle a sur notre esprit, en refusant ce chantage "Paie ou sois hors la loi". La licence est méchante? Alors je me détourne de ce bien."

    Sinon pour se libérer de nos dépendances technologiques et sociales on peut aussi retourner vivre dans les arbres…

    À la base, quand je prétendais pirater/me gaver comme un ouf, je pensais à des œuvres type musique, films, livres, pas à des logiciels. L’économie autour des logiciels est tout à fait différente puisque l’utilisation (accès au binaire) est indépendante de la liberté (accès aux sources).

    ""si on pirate c’est pour accéder à la liberté"

    C’est une mentalité de consommateur. Implicitement, la liberté serait liée à la possession et l’usage d’un bien (matériel ou immatériel), dont le caractère indispensable n’est pas remis en cause par le consommateur-pirate."

    Dans le cas des œuvres numériques, les mentalités du consommateur et du pirate libertaire se rejoignent. Le consommateur ne veut pas de restriction financière, le pirate ne veut pas de restriction tout court.
    Devrais-je me passer d’écouter de la musique non-libre par idéologie ? Absurde. Ce n’est pas parce qu’il y’a écrit "tous droits réservés" sur le CD que je ne vais m’interdire de l’envoyer sur des darknets, modifiée ou pas.

    "Implicitement, tu pars du postulat que "libre = gratuit", puisque tu assimiles le fait que l’information est "libre" au fait qu’on ne peut lui imposer de "valeur financière"."

    J’évoquais le domaine culturel, qui se caractérise par une diffusion massive des œuvres dans un but lucratif, et dans lequel les œuvres ne sont par conséquent soumises qu’à une restriction financière. Mais l’assertion "l’information est libre" est valable dans tout autre cas de figure. Par exemple une restriction "secret d’état" sur une vidéo compromettante de l’armée américaine est tout aussi absurde qu’une restriction financière.

    "Vois-tu, il m’est déjà arrivé d’acheter du matériel embarquant des logiciels sous licence GPL. Chaque fois, le fabricant (Netgear, D-Link) a placé, dans la boîte, le texte de la licence GPL, ainsi qu’une invitation à obtenir le code source, soit via un CD-ROM à prix coûtant, soit en le téléchargeant sur son site Web.
    Pourtant, en suivant ta logique, cette obligation faite au fabricant est "absurde": il aurait pu se contenter de mettre les binaires libres dans sa boîte et ne rien dire à personne, l’information s’en contente très bien."

    Si j’ai bien compris, tu anticipes le fait que je te dise "l’invitation à obtenir le code source n’est pas nécessaire, puisque tu sais que la GPL te garantis d’obtenir le code sur le site officiel". Connais-tu beaucoup de gens qui sont intéressés par la disponibilité du code et qui ne sauraient se contenter du texte de la GPL pour connaître leurs droits ?

    Je ne te suis pas sur ce point : je vois mal comment une entreprise peut se comporter en "pirate". Le particulier, derrière son VPN, peut facilement échapper à la loi, mais une entreprise, ce sont des personnes dont on connaît les noms (comme tout pirate qui cherche à tirer profit de ses actes d’ailleurs : il ne reste pas anonyme longtemps).

    "Partir du constat purement matériel (il est possible de copier à l’infini sans surcoût) pour en déduire une ‘morale’ (on a le droit de copier à l’infini sans payer) est une escroquerie intellectuelle."

    Tu te trompes, il n’y a pas de morale derrière tout ça. On peut copier à l’infini sans payer, et anonymement. C’est un fait. J’ai pas dit si c’était bien ou pas, c’est une réalité physique. Et il faut la prendre en compte en construisant l’économie des choses virtuelles, tout comme un capitaine de paquebot transatlantique doit par exemple prendre en compte qu’il pourrait y avoir des icebergs sur sa route. S’il refuse catégoriquement de prendre en compte ce paramètre naturel, il pourrait faire voter une loi pour supprimer tous les icebergs de l’atlantique nord : je lui souhaite bien du courage.

    "Les éditeurs de contenus (logiciels et oeuvres) propriétaires ont parfaitement le droit de baser un business-model sur la vente de licences donnant droit à utiliser une copie."

    Bien sûr. Mais si leur business-model implique de remettre en cause la nature de l’information, ce sera voué à l’échec au fil des progrès technologiques.

    "Si ça ne vous plaît pas, n’utilisez pas."

    Bah mince, les restrictions ne me plaisent pas, mais l’œuvre artistique me plaît… J’utilise pas alors ?

    "Après tout, ils arrivent bien à en vendre, c’est donc que leur business n’est pas si absurde que ça."

    Si leur business-model tient la route, c’est soit qu’ils ont pris en compte le piratage dans leurs équations, soit que la liberté de l’information ne s’est pas encore imposée à tous comme une réalité. Étant donné que les vieux singes se plaignent énormément du piratage et que leur business-model continue à tenir la route, je penche pour la deuxième raison.

  28. Grunt

    @gnuzer:
    "L’économie autour des logiciels est tout à fait différente puisque l’utilisation (accès au binaire) est indépendante de la liberté (accès aux sources)."

    Ce n’est pas si tranché. Tout d’abord, tu peux souhaiter disposer des ‘sources’:
    – d’un morceau de musique, c’est à dire des pistes avant mixage, pour t’entraîner à jouer un instrument, pour avoir une version karaoke,
    – d’un film d’animation, pour faire une parodie ou créer ta propre animation avec les personnages,

    très peu de gens exercent ceslibertés, mais très peu de gens exercent aussi la liberté de modifier le code libre 😉

    Ensuite, certains modes de diffusion sont très fermés: Deezer par exemple. C’est de la musique gratuite. Mais ça n’a rien à voir avec un morceau de musique téléchargeable en lossless.

    On retrouve la même problématique dans le logiciel. Le "Web 2.0" n’est que du logiciel propriétaire gratuit et impiratable. Il n’existe pas de version pirate de Facebook, de Gmail cracké à installer, de ‘keygen’ pour Youtube. Et le multimedia suit doucement le même schéma: es-tu vraiment libre en regardant une vidéo sur Youtube? À ce sujet, note aussi que tu n’as pas forcément le droit de rediffuser une oeuvre, quand bien même tu aurais le droit d’y accéder gratuitement.

    <<Devrais-je me passer d’écouter de la musique non-libre par idéologie ? Absurde. Ce n’est pas parce qu’il y’a écrit "tous droits réservés" sur le CD que je ne vais m’interdire de l’envoyer sur des darknets, modifiée ou pas.>>
    Ah bon, je fais des choix absurdes? Pourtant, ça me paraît être une saine réaction aux licences contraignantes, et surtout au lobbying fait par les artistes contre les libertés sur Internet.
    Ce qui me dérange n’est pas qu’ils défendent leurs droits et veulent combattre la contrefaçon, mais que ça ne les dérange pas de faire des dommages collatéraux, en portant atteinte à la liberté d’expression ou à la présomption d’innocence.
    Et, en ce qui me concerne, quand un artiste décide de signer chez une major, c’est qu’il ne voit pas d’inconvénient majeur à la politique liberticide de cette major. Et ça me coupe l’envie de diffuser son oeuvre et de gaspiller ma bande passante pour lui faire de la publicité.
    Il ne faut pas sous-estimer l’aspect social de la culture: quand tu regardes un film, écoute une chanson, tu fais partie d’un tissu social qui influe sur tes choix et sur lequel tu influes. Tu fais connaître les oeuvres auxquelles tu t’intéresses. Tu participes à la campagne marketing d’un film récent en disant que tu l’as vu et en demandant à tes proches si tu l’as vu.
    Moi je résiste, je dis "non". Non, je ne vais pas au cinéma voir une oeuvre dont les ayants-droits adhèrent à la MPAA. Parce que c’est la MPAA, et quelle que soit l’oeuvre. Et non, je ne la téléchargerai pas non plus (je serai bête de leur donner raison quand ils accusent les internautes de pirater leurs oeuvres). Je montre l’exemple, j’agis de telle façon que si tout le monde agissait ainsi, ils prendraient une grande baffe dans la gueule. Comme disait Kant:
    "Agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta maxime devienne une loi universelle." Et Gandhi: "Soit le changement que tu veux voir dans le monde"
    Je ne veux plus de ce lobbying liberticide, des majors qui le mènent et des artistes qui y vendent leur âme. Donc j’agis en ce sens.

    "Je vois mal comment une entreprise peut se comporter en "pirate". Le particulier, derrière son VPN, peut facilement échapper à la loi, mais une entreprise, ce sont des personnes dont on connaît les noms (comme tout pirate qui cherche à tirer profit de ses actes d’ailleurs : il ne reste pas anonyme longtemps)."

    Ah, je saisis mieux ton point de vue: une interdiction légale qui n’est pas appliquable n’a pas de sens. Autrement dit, la conjonction des aspects techniques (facilité de copie des informations) et légaux (réseau international et "anonyme") font qu’il serait absurde de vouloir interdire un acte que les gens peuvent commettre sans surcoût, sans risque et sans trace.

    Je ne serais pas aussi affirmatif que toi sur le caractère "anonyme" d’Internet: une adresse IP est forcément attribuée à quelqu’un, par un opérateur qui garde certainement une trace de son identité (ne serait-ce que pour savoir où envoyer les factures)

    Je suis d’ailleurs étonné que les ayants-droits ne portent pas plainte contre les uploadeurs des services de DDL: quand on y envoie un fichier, on laisse son adresse IP au service, forcément.

    <Bah mince, les restrictions ne me plaisent pas, mais l’œuvre artistique me plaît… J’utilise pas alors ?>
    Tu fais comme tu veux, mais moi je n’utilise pas.

    <Si leur business-model tient la route, c’est soit qu’ils ont pris en compte le piratage dans leurs équations, soit que la liberté de l’information ne s’est pas encore imposée à tous comme une réalité.>
    Ou alors, que les barrières légales sont suffisantes pour empêcher les gens qui n’y connaissent vraiment rien de télécharger (j’en connais).

  29. gnuzer

    @Grunt : très intéressant ton dernier commentaire.

    "Ce n’est pas si tranché. Tout d’abord, tu peux souhaiter disposer des ‘sources’:
    – d’un morceau de musique, c’est à dire des pistes avant mixage, pour t’entraîner à jouer un instrument, pour avoir une version karaoke,
    – d’un film d’animation, pour faire une parodie ou créer ta propre animation avec les personnages,"

    Effectivement, vu comme ça on se rapproche des logiciels. Mais si les licences libres imposent la publication de la source dans le cas des logiciels, est-ce le cas pour les œuvres numériques ? Pas que je sache (mais je me suis peut-être mal renseigné).
    De deux choses l’une : soit il existe des licences libres impliquant la distribution des "sources" (pistes ou même partitions pour la musique, images d’origine pour la retouche d’images, voir même fichiers de projets avec historique de modifications) et dans ce cas-là je te rejoins totalement sur le fait qu’il faut privilégier les œuvres libres, soit une telle licence n’existe pas et dans ce cas-là peut-être pourrait-on en créer une, mais je ne vois pas trop comment étant donné qu’on ne peut pas donner de définition exacte au mot "source" dans le domaine artistique…

    (Il y aurait cependant toujours une différence avec les logiciels puisque l’interêt d’accéder à la source ne concernerait plus que les créateurs, alors que dans le cas des logiciels, l’utilisateur peut avoir envie d’accéder aux sources même s’il ne les modifie pas, ne serait-ce que pour éviter les softs aux fonctionnalités malveillantes)

    "Ensuite, certains modes de diffusion sont très fermés: Deezer par exemple. C’est de la musique gratuite. Mais ça n’a rien à voir avec un morceau de musique téléchargeable en lossless."

    Mais on peut pirater du lossless : tu achètes un CD (voir un vinyle si tu as des goûts de luxe), tu extrais les pistes en flac et tu les balances sur bittorrent. Celui qui va choper des mp3 DRMisés de qualité merdique sur une plateforme de streaming pour les diffuser ensuite est aussi un pirate, techniquement. Mais pour moi il tient plus du marin d’eau douce que du vrai pirate.

    "Ce qui me dérange n’est pas qu’ils défendent leurs droits et veulent combattre la contrefaçon, mais que ça ne les dérange pas de faire des dommages collatéraux, en portant atteinte à la liberté d’expression ou à la présomption d’innocence."

    Si j’avais le sentiment qu’on s’attaque à mes libertés quand je suis derrière mon VPN, ça me dérangerait tout autant (oui, il y a du cynisme dans les propos du pirate… ce qualificatif n’est peut-être pas si mal choisi finalement…)

    "Et, en ce qui me concerne, quand un artiste décide de signer chez une major, c’est qu’il ne voit pas d’inconvénient majeur à la politique liberticide de cette major. Et ça me coupe l’envie de diffuser son oeuvre et de gaspiller ma bande passante pour lui faire de la publicité."

    Je reconnais qu’il faut être très con (ou très mal informé ?) pour signer chez une major, mais ça n’empêche pas de faire de très bonnes choses sur le plan artistique… Et je ne suis pas sûr que le boycott fonctionne : j’ai beau me gaver comme un ouf sans rien leur acheter, les major ont encore fait d’excellents chiffres cette année.
    Quant au sentiment que tu as de "faire de la publicité" à l’artiste (ou au système qu’il y’a autour), sache que c’est juste parce que le système est mal foutu : les gens téléchargent gratos mais continuent à acheter…. si tout le monde entrait dans mon monde de pirates cyniques et sans scrupules les majors seraient morts depuis longtemps ^^

    "Il ne faut pas sous-estimer l’aspect social de la culture: quand tu regardes un film, écoute une chanson, tu fais partie d’un tissu social qui influe sur tes choix et sur lequel tu influes. Tu fais connaître les oeuvres auxquelles tu t’intéresses. Tu participes à la campagne marketing d’un film récent en disant que tu l’as vu et en demandant à tes proches si tu l’as vu."

    Ben ouais, l’aspect social, c’est justement aussi ça le problème. Je suis tout seul au milieu des milliers de cons qui ont vu le dernier X-Men et qui finissent par arriver à me faire culpabiliser de ne pas l’avoir vu. Alors je le télécharge illégalement, bien sûr. Je ne vais quand même pas payer une place de cinéma et m’obliger à aller dans ces lieux infâmes qu’on appelle multiplexes simplement pour aller voir cette merde…

    "Je montre l’exemple, j’agis de telle façon que si tout le monde agissait ainsi, ils prendraient une grande baffe dans la gueule. Comme disait Kant:
    "Agis de telle sorte que tu puisses également vouloir que ta maxime devienne une loi universelle." Et Gandhi: "Soit le changement que tu veux voir dans le monde"
    Je ne veux plus de ce lobbying liberticide, des majors qui le mènent et des artistes qui y vendent leur âme. Donc j’agis en ce sens."

    Je suis tout à fait d’accord avec les propos de messieurs Gandhi et Kant. Seulement si t’as bien suivi je n’ai absolument pas le sentiment de faire du bien au système en piratant 😀
    Quant au boycott je te le dis je n’y crois pas trop… Le moutons sont si nombreux et si fiers d’être moutons… Imagine que tous les 1% d’utilisateurs GNU/Linux boycottent les PC Sony, c’est pas pour autant que Sony arrêtera de faire de la vente liée…

    "Je ne serais pas aussi affirmatif que toi sur le caractère "anonyme" d’Internet: une adresse IP est forcément attribuée à quelqu’un, par un opérateur qui garde certainement une trace de son identité (ne serait-ce que pour savoir où envoyer les factures)"

    L’anonymat évolue très vite sur Internet. Si nous suivons les conseils de Benjamin Bayart on aura un jour plein de petits FAI associatifs. Imagine que malgré le fait que je chiffre tout, que je me planque dans des darknets ou derrière des VPN, je fais quand même des bêtises et laisse des traces chez mon FAI. Si je suis mon propre FAI, où est le problème ?

    "Je suis d’ailleurs étonné que les ayants-droits ne portent pas plainte contre les uploadeurs des services de DDL: quand on y envoie un fichier, on laisse son adresse IP au service, forcément."

    En général, entre les serveurs de direct download et les sièges des ayants droits, on trouve une ou plusieurs frontières (parfois un océan), c’est tout le problème. La loi n’est pas la même dans tous les pays. Mais t’inquiète pas, ils y ont pensé. Pourquoi tu crois qu’ils essayent de nous refiler ACTA ?

    "<Si leur business-model tient la route, c’est soit qu’ils ont pris en compte le piratage dans leurs équations, soit que la liberté de l’information ne s’est pas encore imposée à tous comme une réalité.>
    Ou alors, que les barrières légales sont suffisantes pour empêcher les gens qui n’y connaissent vraiment rien de télécharger (j’en connais)."

    Ça entre dans la deuxième catégorie.

  30. Ginko

    >>"Je suis d’ailleurs étonné que les ayants-droits ne portent pas plainte contre les uploadeurs des services de DDL: quand on y envoie un fichier, on laisse son adresse IP au service, forcément."

    >En général, entre les serveurs de direct download et les sièges des ayants droits, on trouve une ou plusieurs frontières (parfois un océan), c’est tout le problème. La loi n’est pas la même dans tous les pays. Mais t’inquiète pas, ils y ont pensé. Pourquoi tu crois qu’ils essayent de nous refiler ACTA ?

    Sans compter que les plateformes de DDL font grosso modo la même chose que les plateformes légales (l’autorisation légale en moins). Ils ne peuvent donc pas avoir le même discours que pour le P2P. Ils ne peuvent pas juste dire "le DDL Çay le maâl".

  31. nochdazu

    Bonjour,

    Avec retard, quelques remarques sur ce billet "art contemporain".
    Plusieurs sujets sont abordés :
    -l’art contemporain tel qu’on le voit dans les galeries, les musées et les foires d’art.
    -la collection du maxxi.
    -l’art contemporain et les technologies (informatique, internet, capteurs, etc…).
    -le "libre" et l’art.

    Pour faire très très bref sur chaque point :
    -les installations et autres créations "à l’originalité convenue". C’est très vrai.
    L’estampille "art" tient au texte explicatif usant du jargon des initiés.
    Cet état de fait a de nombreuses explications. Pour les noms les plus connus
    de l’art (Jeff Koons, Damien Hirst, etc…) leur métier est chef d’entreprise.
    Ils ont des dizaines de salariés. Détail amusant Jeff Koons est un ancien trader !
    L’art contemporain : ça rapporte beaucoup… pour quelques uns.
    -la collection du "maxxi". Ce musée a eu une initiative rare pour un tel organisme.
    Une suite d’exposition (2005-2008) a été consacrée à l’art et internet sous le titre "viaggio nell’arte della rete". On y trouve les noms d’artistes contemporains
    impliqués dans la création avec internet dont Isabel Saij, artiste également engagée dans le copyleft. La question : ces travaux sont-ils actuellement présentés au maxxi ?
    -l’art contemporain et les technologies. Pour le cinéma, la musique, le livre :
    internet c’est l’ennemi. Alors bonjour dadvsi, hadopi, loppsi, acta, etc…
    Pour l’art contemporain la tactique est différente : pour éviter ce qu’on ne maîtrise pas et bien on ne le montre pas. Voila la solution choisie pour éviter d’évoluer, de se remettre en question et continuer à se partager le pactole. Les ordinateurs dans l’art, c’est sur le bureau de la secrétaire.
    Il y a bien sûr des exceptions et des espaces dédiés dont certains, comble de l’ironie,
    quasi réservés aux artistes n’ayant aucune maîtrise des technologies. C’est un groupe de programmeurs et techniciens qui "aide" à réaliser installations interactives temps réel ou autre projet technologique.
    -dans ce contexte quelle est la place du "libre" ? Infinitésimale en terme de visibilité pour le public. Par contre du côté des artistes intéressés par la technologie, une très nette tendance s’est dessinée depuis quelques années en faveur des logiciels libres
    (exemples : pure data et processing) et du hardware libre (carte arduino, etc…).