Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

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Temps de lecture 17 min

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Eva Blue - CC byUne petite mise à jour de la pensée de Stallman avec cette interview donnée par un confrère américain  ?

On y retrouve certaines constantes pour lesquelles il se bat depuis près de trente ans («  la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source  »). Mais il donne également son avis, souvent lapidaire, sur des sujets d’actualité comme l’essor de la téléphonie mobile, qualifiée de «  rêve de Staline  » (où même l’OS Android ne trouve pas grâce à ses yeux).

En toute logique, il ne possède pas de téléphone portable. «  Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs. Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur  ».

Et vous  ?

Et de conclure l’entretien par un message plus politique en référence aux mouvements sociaux du Wisconsin  : «  Les entreprises et les medias de masse ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis.  »

PS  : Pour ceux qui désireraient mieux connaître le personnage nous rappelons l’existence de notre framabook sur Richard Stallman. Eyrolles vient de nous communiquer les ventes de l’année 2010 qui sont plus qu’encourageantes avec un total dépassant les 2 300 exemplaires.

Les téléphones mobiles sont le «  rêve de Staline  », selon le fondateur du mouvement du logiciel libre

Cell phones are ‘Stalin’s dream,’ says free software movement founder

Jon Brodkin – 14 mars 2011 – Network World
(Traduction Framalang  : Étienne, Siltaar, Pandark, Lolo le 13, Goofy, Ypll, Yoann, Garburst)

Richard Stallman[1]  : Les iPhones et autres Androids sont des traceurs à la Big Brother.

Près de trente ans après le début de sa croisade pour débarrasser le monde du logiciel propriétaire, Richard Stallman constate que les smartphones sont une nouvelle menace pour la liberté des utilisateurs.

«  Je n’ai pas de téléphone portable. Je n’utiliserai pas de téléphone portable  », déclare Stallman, fondateur du mouvement des logiciels libres et créateur du système d’exploitation GNU. «  C’est le rêve de Staline. Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence, ni un outil de surveillance qui autorise les écoutes.  »

Stallman croit fermement que seul le logiciel libre (NdT : free software dans le texte) peut nous préserver de ces technologies de contrôle, qu’elles soient dans les téléphones portables, les PCs, les tablettes graphiques, ou tout autre appareil. Et par free il n’entend pas gratuit mais la possibilité d’utiliser, de modifier et distribuer le logiciel de quelque façon que ce soit.

Stallman a fondé le mouvement du logiciel libre entre le début et le milieu des années 80, avec le projet GNU et la Free Software Foundation, dont il est toujours le président.

Quand j’ai demandé à Stallman de lister quelques-uns des succès du mouvement du logiciel libre, le premier à être mentionné était Android mais pas la version de Google, non, une autre version du système d’exploitation mobile débarrassé de tout logiciel propriétaire (voir également Stallman soutient LibreOffice).

«  Ce n’est que très récemment qu’il est devenu possible de faire fonctionner des téléphones portables largement répandus avec du logiciel libre  », dit Stallman. «  Il existe une version d’Android appelée Replicant qui peut faire fonctionner le HTC Dream sans logiciel propriétaire, à part aux États-Unis. Aux États-Unis, il a quelques semaines, il y avait encore un problème avec certaines bibliothèques, même si elles fonctionnaient en Europe. À l’heure qu’il est, peut-être cela fonctionne-t’il, peut-être pas. Je ne sais pas.  »

Bien qu’Android soit distribué sous des licences libres, Stallman note que les constructeurs peuvent produire et livrer le matériel avec des exécutables non libres, que les utilisateurs ne peuvent pas remplacer «  parce qu’il y a un élément dans le téléphone qui vérifie si le logiciel a été changé, et ne laissera pas des exécutables modifiés se lancer ». Stallman appelle cela la Tivoisation, parce que TiVo utilise des logiciels libres tout en plaçant des restrictions matérielles qui l’empêchent d’être altéré. «  Si le constructeur peut remplacer l’exécutable, mais que vous ne pouvez pas, alors le produit est dans une cage  », dit-il.

En théorie, les téléphones qui n’utilisent que des logiciels libres peuvent être à l’abri des risques d’espionnage électronique. «  Si vous n’avez que des logiciels libres, vous pouvez probablement vous en protéger, parce que c’est par les logiciels qu’on peut vous espionner  », explique Stallman. Petit paradoxe au passage, Stallman répondait à mes questions sur un téléphone portable. Pas le sien, bien entendu, mais celui qu’il avait emprunté à un ami espagnol pour sa tournée de conférneces en Europe. Pendant les 38 minutes de notre échange, la connexion a été coupée cinq fois, y compris juste après un commentaire de Stallman sur l’espionnage électronique et les logiciels libres sur les téléphones. Nous avons essayé de nous reconnecter plusieurs heures plus tard mais il nous a été impossible de terminer l’interview par téléphone. Stallman a répondu au reste de mes questions par email.

Sacrifier le confort est une chose dont Stallman est familier. Il refuse d’utiliser Windows ou Mac, bien évidemment, mais même un logiciel tel qu’Ubuntu, peut-être le système d’exploitation le plus populaire basé sur GNU et le noyau Linux, ne satisfait pas ses critères de liberté. «  Peu de monde est prêt à faire les mêmes sacrifices  », reconnaît-il.

«  Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs  », dit-il. «  Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur  ».

Stallman utilise un ordinateur portable Lemote Yeeloong faisant tourner gNewSense, une distribution GNU/Linux ne comportant que des logiciels libres.

«  Il y a des choses que je ne peux pas faire. J’utilise actuellement un ordinateur assez lent, parce que c’est le seul portable avec un BIOS libre. gNewSense est la seule distribution entièrement libre qui tourne sur Lemote, qui est équipé d’un processeur de type MIPS  » explique Stallman. Une autre distribution était fournie avec le Lemote, mais elle comprenait des logiciels non libres que Stallman a remplacés par gNewSense.

Stallman, 57 ans, a commencé à faire l’expérience du partage de logiciels à ses débuts au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1971. Cette communauté de partage s’est dispersée au début des années 80 à peu près au moment où Digital Equipment Corp. a arrêté le serveur central sur lequel s’organisait la communauté. Stallman aurait pu rejoindre le monde des logiciels propriétaires s’il avait accepté de «  signer des accords de confidentialité et promettre de ne pas aider mes camarades hackers  », selon ses propres mots. Au lieu de cela, il a lancé le mouvement du logiciel libre.

Stallman est un personnage fascinant du monde de l’informatique, admiré par beaucoup et injurié par des entreprises comme Microsoft, qui voient en lui une menace pour les profits qu’ils peuvent tirer des logiciels.

Stallman n’a pas réussi à casser la domination de Microsoft/Apple sur le marché de l’ordinateur de bureau, sans parler de celle d’Apple sur les tablettes. Par contre, le mouvement du logiciel libre qu’il a créé a directement participé à la prolifération de serveurs sous Linux dans les data centers qui propulsent une grande partie d’Internet. Il y a peut-être là une ironie, Stallman ayant exprimé de la rancoeur au sujet de la reconnaissance acquise par le noyau Linux aux dépens de son système d’exploitation GNU.

Stallman se dit «  plutôt  » fier de cette multiplication des serveurs libres, «  mais je suis plus inquiet de la taille du problème à corriger que du chemin que nous avons déjà accompli  ».

Les logiciels libres dans les data centers, c’est bien, mais «  dans le but d’apporter la liberté aux utilisateurs, leurs propres PC de bureau, portable et téléphone sont ce qui a le plus d’effet sur leur liberté  ». On se soucie principalement de logiciel plutôt que de matériel, mais le mouvement insiste sur «  du matériel avec des spécifications telles que l’on peut créer des logiciels libres qui le supporte totalement  », insiste-t-il. «  Il est outrageux de proposer du matériel à la vente et de refuser de dire à l’acheteur comment l’utiliser. Cela devrait être illégal  ».

Avant d’accepter d’être interviewé par Network World, Stallman a exigé que l’article utilise sa terminologie de référence — par ex. «  logiciel libre  » à la place d’«  open source  » et «  GNU/Linux  » au lieu de juste «  Linux  ». Il a aussi demandé que l’interview soit enregistrée et que, si l’enregistrement était mis en ligne, il soit publié dans un format compatible avec le libre.

Il y a quatre libertés logicielles essentielles, expliquées par Stallman. «  La liberté zéro est la liberté d’utiliser le programme comme bon vous semble. La liberté 1 est la liberté d’étudier le code source, et de le changer pour qu’il fonctionne comme vous le souhaitez. La liberté 2 est la liberté d’aider les autres  ; c’est la liberté de réaliser et de distribuer des copies exactes quand vous le souhaitez. Enfin la liberté 3 est la liberté de contribuer à votre communauté, c’est la liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées quand vous le souhaitez  ».

Stallman a évoqué le terme «  copyleft  » pour désigner les licences qui garantissent que le code d’un logiciel libre ne peut pas être redistribué dans des produits propriétaires.

La clé de la philsophie de Stallman est la suivante  : «  Sans ces quatre libertés, le propriétaire contrôle le programme et le programme contrôle les utilisateurs  », a-t-il affirmé. «  Le programme se retrouve alors être un instrument de pouvoir injuste. Les utilisateurs méritent d’avoir la liberté de contrôler leur informatique. Un programme non libre est un système de pouvoir injuste et ne devrait pas exister. L’existence et l’usage de logiciels non libres est un problème sociétal. C’est un mal. Et notre but est un monde délivré de ce problème.  »

Ce problème n’a pas été créé par une entreprise en particulier, mais Microsoft est d’habitude la plus critiquée par les gens comme Stallman.

«  Ils continuent à nous considérer comme leurs ennemis  », insiste Stallman. Il y a dix ans, dans une saillie restée célèbre, le PDG de Microsoft Steve Ballmer traitait Linux de «  cancer  ». Depuis Microsoft a baissé le ton en public, mais Stallman ne s’en laisse pas compter  : «  D’un certain côté ils ont appris à être un peu plus subtils mais leur but est de faire utiliser Windows et non un système d’exploitation libre  ». Après cette phrase, notre appel téléphonique s’est une fois de plus interrompu.

À part Microsoft, Stallman épingle «  Apple et Adobe, ainsi qu’Oracle et beaucoup d’autres qui font des logiciels propriétaires et contraignent les gens à les utiliser  ».

Google «  fait de bonnes choses et d’autres mauvaises  » dit Stallman. «  Il a mis à disposition des logiciels libres comme le codec WebM, et pousse YouTube à adopter son support. Toutefois, le nouveau projet Google Art ne peut être utilisé qu’à travers des logiciels propriétaires.  »

Stallman est également en porte-à-faux avec ce qu’on appelle la communauté open source. Les partisans de l’open source sont issus du mouvement du logiciel libre, et la plupart des logiciels open source sont aussi des logiciels libres. Cependant, pour Stallman, ceux qui se disent partisans du logiciel libre ont tendance à considérer que l’accès au code source est simplement un avantage pratique, et ignorent les principes éthiques du logiciel libre. Diverses entreprises commerciales ont pris en route le train de l’open source sans adhérer aux principes auquel croit Stallman et qui devraient selon lui être au cœur du logiciel libre.

«  je ne veux pas présenter les choses de façon manichéenne  », déclare Stallman. «  Il est certain que beaucoup de gens qui ont des points de vue open source ont contribué à des logiciels utiles qui sont libres, et il existe des entreprises qui ont jeté les bases de logiciels utiles qui sont libres aussi. C’est donc du bon travail. Mais en même temps, à un niveau plus fondamental, mettre l’accent sur l’open source détourne l’attention des gens de l’idée qu’ils méritent la liberté.  »

L’une des cibles de Stallman est Linus Torvalds, le créateur du noyau Linux et l’une des personnalités les plus célèbres du monde du logiciel libre.

Stallman et son équipe ont travaillé sur le système d’exploitation GNU pendant la majeure partie des années 80, mais il manquait une pièce au puzzle  : un noyau, qui puisse fournir les ressources matérielles aux logiciels qui tournent sur l’ordinateur. Ce vide a été comblé par Torvalds en 1991 quand il a mis Linux au point, un noyau analogue à Unix.

Les systèmes d’exploitation qui utilisent le noyau Linux sont couramment appelés «  Linux  » tout court, mais Stallman se bat depuis des années pour que les gens emploient plutôt l’appellation «  GNU/Linux  ».

Stallman «  voudrait être sûr que GNU reçoive ce qu’il mérite  » dit Miguel de Icaza de chez Novell, qui a créé le l’environnement libre GNOME, mais a été critiqué par Stallman pour ses partenariats avec Microsoft et la vente de logiciel propriétaire. «  Quand Linux est sorti, Richard n’y a pas prêté sérieusement attention pendant quelque temps, et il a continué à travailler sur son propre noyau. C’est seulement lorsque Linux s’est trouvé sous les feux de la rampe qu’il a pensé que son projet n’était pas assez reconnu.  » Le problème, c’est qu’à cette époque, est apparue à l’improviste une communauté qui n’était pas nécessairement dans la ligne GNU.

Le noyau GNU, appelé Hurd, est toujours «  en développement actif  », selon le site internet du projet.

La contribution de Torvalds au logiciel libre sera largement célébrée cette année à l’occasion des 20 ans du noyau Linux. Mais Stallman n’en sera pas l’une de ses majorettes, et pas seulement à cause de cette querelle sur le nom.

«  Je n’ai pas d’admiration particulière pour quelqu’un qui déclare que la liberté n’est pas importante  », explique Stallman. «  Torvalds a rendu un bien mauvais service à la communauté en utilisant ouvertement un programme non libre pour assurer la maintenance de Linux (son noyau, qui est sa contribution majeure au système d’exploitation GNU/Linux). je l’ai critiqué sur ce point, et bien d’autres avec moi. Quand il a cessé de le faire, ce n’était pas par choix délibéré. Plus récemment, il vient de rejeter la version 3 de la licence GPL pour Linux parce qu’elle protège la liberté de l’utilisateur contre la Tivoisation. Son refus de la GPL v.3 est la raison pour laquelle la plupart des téléphones sous Android sont des prisons  ».

Même Red Hat et Novell, largement reconnus comme soutiens du logiciel libre, ne reçoivent pas une franche approbation. «  Red Hat soutient partiellement le logiciel libre. Novell beaucoup moins  », dit-il, notant que Novell a un agrément de brevet avec Microsoft.

En dépit de son pessimisme apparent, Stallman voit quelques points positifs motivant sa quête de logiciel libre. Quand il n’est pas chez lui à Cambridge (Massachusetts), Stallman parcourt le monde pour y donner des conférences et participer à des débats sur le logiciel libre.

Avant de voyager vers l’Espagne, Stallman s’est arrêté à Londres pour faire une conférence (dans laquelle il a qualifié Windows de «  malware  ») et pour rencontrer quelques membres du Parlement afin de leur expliquer les principes du logiciel libre. Il reçoit souvent un meilleur accueil en Europe que chez lui.

«  Aux États-Unis, la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source. Dès lors on ne trouve aucun responsable gouvernemental qui accepte de parler avec moi  ».

Mais hors de l’Amérique du Nord, quelques gouvernements s’engagent dans le logiciel libre. «  J’ai découvert hier, qu’en France, les organismes d’État continuent à migrer vers le logiciel libre  », dit-il. «  Il n’y a pas une politique systématique qui leur enjoint de le faire, mais ils le font de plus en plus. Et dans certains pays, par exemple en Équateur, il existe une politique explicite pour que les organismes gouvernementaux migrent vers le logiciel libre, et ceux qui veulent continuer à utiliser des logiciels non libres doivent demander une dérogation temporaire pour le faire.  »

Bien que Stallman ne l’ait pas mentionné, le gouvernement russe exige aussi des organismes qu’ils remplacent les logiciels propriétaires par des alternatives libres d’ici 2015, afin d’améliorer à la fois l’économie et la sécurité, selon le Wall Street Journal.

Au-delà du logiciel libre, Stallman se consacre aux questions politiques, et tient un blog pour le journal Huffington Post. De fait, il voit peu de différences entre les entreprises qui maltraitent la liberté logicielle et les «  gredins de Washington  » qui sont les obligés des lobbys d’entreprises qui leur font des dons.

Dans les mouvements sociaux récents du Wisconsin, Stallman retrouve quelque chose de son propre état d’esprit. «  Quelquefois, la liberté demande des sacrifices et la plupart des Américains n’ont pas la volonté de faire le moindre sacrifice pour leur liberté  », dit-il. «  Mais peut-être que les manifestants du Wisconsin commencent à changer cela  ». Les entreprises et les medias de masse «  ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis.  »

Notes

[1] Crédit photo  : Eva Blue (Creative Commons By)

19 Responses

  1. vvillenave

    Comme je l’indiquais sur Identi.ca, le problème de la licence du noyau Linux est un tout petit peu plus complexe que cela : quand bien même Linus aurait voulu mettre en avant la GPL3, on ne relicencie pas aisément un projet impliquant des milliers et des milliers d’auteurs différents qui doivent *tous* donner leur accord pour changer de licence.

    Et quand bien même il l’aurait fait, Google aurait très facilement pu forker une branche plus ancienne du noyau, encore disponible sous GPL2 — d’ailleurs nombre de développeurs considèrent qu’Android a, de fait, rejeté beaucoup d’innovations de ces 10 dernières années (udev, le système de configuration de /etc,…).

    Alors certes, il se complait à tackler la FSF et Stallman en particulier, et c’est incontestablement une tête à baffes. Mais rien ne l’obligeait, en 1992, à adopter la licence GPL (il aurait très bien pu choisir la voie non-copyleft comme ses petits copains de Berkeley ou du MIT). Et je pense que, même s’il en fait des caisses dans le genre « moi je suis un programmeur, pas un philosophe », il rejoint en fait Stallman sur plus de points qu’aucun des deux ne voudrait le reconnaître.

  2. Lecac

    Je partage le pessimisme teinté d’espoir de Stallman. Je trouve que cette citation correspond tout à fait à son attitude : « Pessimisme de l’intelligence, mais optimisme de la volonté. » (Romain Rolland)
    J’aimerais savoir ce que Richard Stallman pense des projets comme OpenBSD comme alternative à ces multiples versions bâtardes (faites de compromis libre/non libre) basées sur GNU/Linux.
    Theo de Raadt est un fervent défenseur du libre, au sens où l’entend Richard Stallman. Se sont-ils déjà rencontrés ?

  3. keops

    Un peu spécial cet article, très dispersé. Pas désagréable à lire mais j’ai l’impression de changer de livre à chaque chapitre.
    Je rejoins Stallman sur environ 99% des choses qu’il dit, même si je serais tenté d’être moins négatif en ce qui concerne Red Hat (et la communauté Fedora qui mine de crayon donne un joli coup de pouce au Libre) et beaucoup plus virulent en ce qui concerne Ubuntu, ce repère à windowsiens totalement anti-logiciels libres, mené comme des moutons par une crevure arriviste et profiteuse (ouais, l’autre taré de pseudo-astronaute).

  4. antistress

    « Il est outrageux de proposer du matériel à la vente et de refuser de dire à l’acheteur comment l’utiliser. Cela devrait être illégal »

    Stallman est toujours là pour nous rappeler des vérités premières qui avaient fini par ne plus nous paraître évidentes à force de lavage de cerveaux par les tenants d’une « propriété » intellectuelle à tout crin

  5. Benoît

    Bonjour,
    Stallman est souvent intéressant en particulier parce qu’il vit en accord avec ses discours.

    J’ai cependant une remarque à faire sur un point sur lequel je ne le rejoints pas :
    <<Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence,>>
    Avec un mobile sur soit, on peut se faire tracer en permanence, oui.
    Mais ce n’est pas à cause des logiciels (libres ou non) des terminaux. C’est la cause du fonctionnement du réseau.
    C’est identique au paiement par carte bancaire : il est possible de trouver le parcours d’une personne si elle paye tout en carte bleue. Mais ce n’est pas le but au départ.
    Pour l’adressage IP sur l’Internet, c’est la même chose, bien que l’Internet puisse fonctionner entièrement avec des logiciels libre.
    Et quand RMS soumet des contributions à un logiciel libre, on sait, d’après l’horodatage des patchs à quel moment il a codé ! Il y a du big brother, là-dedans ?
    Je trouve ce point exagéré.

    Enfin, je suis d’accord que les modèles avec GPS peuvent faire des mouchards en faveur d’application sournoises. Mais je ne crois pas à l’anecdote de sa conversation téléphonique en Espagne. Coïncidence mais pas corrélation.

    Benoît

  6. gnuzer

     » « Ce n’est que très récemment qu’il est devenu possible de faire fonctionner des téléphones portables largement répandus avec du logiciel libre », dit Stallman. « 

    Pourquoi tant de libristes ne se focalisent que sur Android, Maemo et leurs dérivés ? Des projets de téléphones 99% libres existent pourtant depuis un certain temps… http://wiki.openmoko.org/wiki/Main_
    (je précise 99% libre parce qu’il reste un élément qui est propriétaire dans openmoko et dans tous les autres téléphones : la puce GSM. Mais un projet de libération est en cours http://linuxfr.org/news/osmocombb-p… )

    @keops :

    Oui, mais Ubuntu possède l’avantage non-négligeable d’aider les utilisateurs à passer progressivement vers un système libre. En fait on pourrait presque dire qu’Ubuntu est la seconde étape après les framasofts sous windows… 😉

  7. gnuzer

    (dans mon post précédent il faut lire « Neo FreeRunner » à la place de « openmoko ». Openmoko est le nom de l’OS, pas du téléphone.)

    (et pardon pour le double post)

    @Benoît

    Je crois que le morceau de la phrase à retenir (dans le cadre d’une critique du logiciel propriétaire), c’est « ni un outil de surveillance qui autorise les écoutes. » .

    Bien sûr qu’un mobile nous rend traçable. Comme tout appareil qui émet des ondes (ce qui n’est d’ailleurs pas le cas des GPS, à ma connaissance). Et étant donné qu’on ne peut pas protéger le contexte (encore que… peut-être avec un réseau mesh… dans une zone dense…), la priorité devient de protéger le contenu, d’où la nécessité d’avoir des logiciel libres.

  8. Kalenx

    @Benoit

    Il y a une différence entre le « traçage volontaire », qui consiste simplement à laisser une trace quelque part (autant un commit dans un CVS que l’envoi de son rapport d’impôts), et le traçage forcé et inconnu, qui est une intrusion dans la vie privée.

    C’est, d’une certaine façon, la même différence entre accepter d’être filmé lorsque vous entrez dans une banque (vous le savez lorsque vous entrez, et cette restriction est acceptable compte tenu des risques qu’elle réduit), et accepter d’être filmé à son insu à n’importe quel endroit, n’importe quel moment.

  9. PaulK

    @gnuzer : pour ce qui est du Neo FreeRunner, c’est vrai que c’est un des téléphones des plus libres (cf <http://libreplanet.org/wiki/Group:H… pour une comparaison). Et dans le freerunner, il n’y a pas que la puce GSM qui pose problème : le gps (et à priori le WiFi) ont eux aussi des firmwares intégrés dans les puces électroniques. Il a également l’avantage d’être très libre côté specs hardware (les schématics sont dispo, sauf pour la puce d’accélération graphique, le GSM et quelques autres trucs).

    Mais replicant se focalise sur le support de téléphones disponibles dans la grande distribution (HTC) alors que le FreeRunner ne s’achète qu’en ligne et n’est plus produit depuis quelques temps déjà. Après niveau utilisation, le FreeRunner reste quand-même un joujou de bidouilleur (bien que qu’Android ou QtMoko rendent son utilisation très accessible). Et puis le hardware du FR est un peu dépassé et il reste quand-même assez lent, alors que Replicant (de ce que m’en a dit le dev’) est très fluide d’utilisation (mais bcp de composants — wifi, bluetooth, APN — ne marchent pas avec replciant).

    Sinon, à propos de l’article, je suis bien d’accord avec RMS, as usual, mais par rapport aux téléphones portables, je me demande aussi quels sont les limites légales imposées aux opérateurs GSM quand à l’accès aux données et infos que l’on fait passer avec nos portables (comme le problème de la vague géolocalisation structurellement imposée par l’infrastructure : est-ce que des lois existent pour restreindre l’accès des opérateurs à ces infos, ou peuvent-ils légalement savoir à quelle antenne est connecté le portable de chaque client ?)

  10. Lenine_est_le_reve_de_Stallman

    Le Kommunisme , ce sont les soviets plus l ‘ électricité .

  11. Typographe Capelo

    Une petite erreur s’est glissée dans le texte:
    …a remplacés paR gNewSense… (un s a pris la place du R !)

    Très bon article, merci pour cette traduction.
    Stallman reste fidèle à ses principes et rappelle l’impératif de Liberté dans ce monde dirigé par le profit immédiat !

  12. gnuzer

    @PaulK :

    Merci pour toutes ces précisions. Je crois que je suivrai de près l’évolution de cette page de wiki… 😉

    Quant aux « limites légales imposées aux opérateurs GSM »… Je vais peut-être me faire traiter d’anarchiste cyberpunk nihiliste paranoïaque, mais… pourrait-on parfois penser comme des hackers plutôt que comme des politiciens ?

    Ce que l’on cherche, ce sont des solutions techniques avant tout. Même si, dans le meilleur des cas, il existait une loi pour protéger le bon citoyen des atteintes à la vie privée, cela n’empêcherait pas les puissants <a href= »http://www.korben.info/a-quand-un-p…« >de faire du zèle</a>.

    Code is law. Ça marche dans tous les sens…

  13. El Barrio

    Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

    Notre association, et notre journal, utilisent des logiciels libres, non seulement parce que nous sommes en accord avec la vision de la société qui se trouve représentée derrière, mais aussi parce que cela est l’unique moyen de partager et de lut……

  14. El Barrio

    Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

    Notre association, et notre journal, utilisent des logiciels libres, non seulement parce que nous sommes en accord avec la vision de la société qui se trouve représentée derrière, mais aussi parce que cela est l’unique moyen de partager et de lut……

  15. Bella

    Bonjour,
    Stallman est souvent intéressant en particulier parce qu’il vit en accord avec ses discours.

    J’ai cependant une remarque à faire sur un point sur lequel je ne le rejoints pas :
    <<Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence,>>
    Avec un mobile sur soit, on peut se faire tracer en permanence, oui.
    Mais ce n’est pas à cause des logiciels (libres ou non) des terminaux. C’est la cause du fonctionnement du réseau.
    C’est identique au paiement par carte bancaire : il est possible de trouver le parcours d’une personne si elle paye tout en carte bleue. Mais ce n’est pas le but au départ.
    Pour l’adressage IP sur l’Internet, c’est la même chose, bien que l’Internet puisse fonctionner entièrement avec des logiciels libre.
    Et quand RMS soumet des contributions à un logiciel libre, on sait, d’après l’horodatage des patchs à quel moment il a codé ! Il y a du big brother, là-dedans ?
    Je trouve ce point exagéré.

    Enfin, je suis d’accord que les modèles avec GPS peuvent faire des mouchards en faveur d’application sournoises. Mais je ne crois pas à l’anecdote de sa conversation téléphonique en Espagne. Coïncidence mais pas corrélation.

  16. PaulK

    @Bella: effectivement, ce que tu dis est vrai : le réseau permet de localiser (grossièrement) un usager. C’est un problème que l’on ne peut pas régler en écrivant du code, en produisant des logiciels libres, simplement car le problème est dans la structure du réseau.

    Je vais revenir sur ce point là un peut plus tard mais je vais d’abord répondre sur ce qui peut-être contrôlé par du logiciel. Et en premier lieu, il faut savoir que dans de nombreux modèles de smartphones avec GPS intégré, le GPS est relié directement au modem. Du coup, comme le modem ne fait tourner que du logiciel propriétaire, on ne peut s’assurer de ce qui est vraiment fait avec les coordonnées GPS de l’utilisateur. C’est aussi souvent le cas du système audio : pour ce que cela soit plus simple à concevoir, beaucoup de téléphones donnent au modem un accès complet au système audio du téléphone, comprenant un microphone. C’est le cas du HTC Dream et des puces Qualcomm MSM (en gros, ce qui est dans le téléphones HTC) mais ce n’est certainement pas les seuls (je donne cette exemple car je le connais bien). Donc ici, à moins d’écrire un firmware libre pour le modem, ce qui est d’une part extrêmement complexe mais aussi pas forcément légal (dans le sens où actuellement, aucun des firmwares libres pour modem n’ont été certifiés). Et comme firmwares libres pour modem, on ne trouve bien que OsmocomBB, qui marche avec le modem du Neo FreeRunner et quelques autres. Il n’est donc pas encore certifié (et j’ai entendu dire qu’il avait la fâcheuse tendance à faire crasher la tour GSM de temps en temps).

    Ici, la solution est d’utiliser des téléphones qui, au niveau du hardware, ne permettent pas de telles choses : par exemple, que le GSM soit sur un port série séparé du modem et que l’audio soit uniquement contrôlé par le CPU. De plus, il faut que la mémoire interne du téléphone (NAND) et la RAM soient inaccessibles du modem (c’est le cas sur le Neo FreeRunner et sur le Google Nexus S, peut-être d’autres).

    On peut donc limiter ce problème ci en exécutant exclusivement du logiciel libre sur le CPU et en utilisant du matériel sur lequel ni le GPS, l’audio, la mémoire (NAND et RAM) ne sont sous le contrôle du modem. Déjà, le choix du matériel devient très restreint.

    Ensuite vient le deuxième problème, qui est le fait que structurellement, le réseau GSM peut connaitre la position de l’utilisateur. Ici, on ne peut pas apporter de solution technique.
    À mon avis, dans ce genre de situation, la seule solution est de légiférer : seule une loi, qui serait rigoureusement appliquée par les opérateurs et qui définirait le cadre légal dans lequel ces informations peuvent-être obtenues permettrait de nous protéger de Big Brother.

    Il reste donc à faire en sorte que la loi soit effectivement rigoureusement appliquée: pour cela, je pense que les moyens ne manquent pas: quand on voit l’argent incroyable qu’est capable de dépenser l’état pour la mise en place d’autres lois dont l’application rigoureuse est souhaitée, telles que l’HADOPI pour prendre un exemple parmi d’autres (mais je m’arrête à parler de l’argent dépensé, parce-que dans ce cas-ci, on ne peut pas dire que l’argent dépensé reflète forcément l’aboutissement de cette volonté d’application rigoureuse de la loi), juste pour dire que quand on veut y mettre les moyens, on sait le faire.

    Ensuite, le cadre légal en question : je pense que passer par un juge serait naturellement obligatoire et que tout accès à ces données (par autre-chose que leur traitement automatique, qui peut évidemment en avoir besoin) non autorisé par un juge aboutirait à un forte sanction pour les coupables. Ce n’est qu’une proposition, mais quelque chose qui ressemblerait à ça me semble bien.

    En attendant, on est ici bien loin de la réalité, bien loin de savoir une telle loi un jour votée (en tout cas sous notre gouvernement actuel) et encore moins rigoureusement appliquée. Donc, on peut se poser la question: que faire en attendant que de telles dispositions soient mises en place ?

    Une attitude en réponse serait de refuser d’utiliser un téléphone mobile. C’est une réponse qui a pour mérite de clairement éliminer le problème mais que l’on pourrait critiquer dans le sens où elle admet que c’est à l’utilisateur de changer et non à l’opérateur (qui lui continue de faire ce qu’il veut avec nos coordonnées géographiques sans rendre de comptes à personne). Ou alors, il faudrait faire ceci dans le sens d’une mesure du boycott, dans le but ultime de faire plier le camp adversaire et qu’une loi telle que je l’ai décrite plus haut soit mise en place, mais pas directement pour ne plus avoir à craindre du respect de sa vie privée.

    Évidemment, l’autre réponse « engagée » est de continuer à utiliser un téléphone mobile mais avec le maximum de logiciels libres et un hardware ne permettant aucun accès au GPS, audio, NAND et RAM, tout en soutenant la mise en place d’une loi telle que décrite plus haut. Du coup, on refuse d’accepter d’avoir perdu la bataille, dans le même sens que Richard Stallman a décidé de démarrer le mouvement du Logiciel Libre au lieu de simplement arrêter d’utiliser l’informatique, face à la montée en puissance du logiciel propriétaire. Ici, la logique est la même.

    Voila, je crois que j’ai bien développé le fond de ma pensée, ça fait un commentaire relativement long, que je recyclerai probablement en article de blog (avec les fautes en moins). Ceci dit, c’est un sujet sur lequel je voulais m’exprimer depuis longtemps (j’ai assisté à un débat très intéressant sur ce sujet précis à la fin de la conférence « Éléments d’éducation à l’identité numérique » aux RMLL 2010). Et j’espère aussi contribuer à faire avancer les choses en aidant au développement de Replicant, le dérivé 100% libre d’Android dont Richard Stallman fait mention.