Condamné par Google pour avoir partagé son propre livre libre sur Internet !

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Tu ne partageras point, même ce qui est à toi  ! Pas un jour sans une nouvelle affaire #CopyrightMadness du «  gang de la GAF  »  ! (Google, Apple, Facebook)

Cody Jackson, alors en service en Irak, rédige un livre sur le langage de programmation Python. Et pour remercier la communauté de tout ce qu’elle lui a apporté, il décide de le placer sous licence libre Creative Comons By-Sa (exactement comme notre projet Framabook en somme). Il vend la version papier, invite au don, met un peu de pub Google sur le site du projet et propose en libre téléchargement les versions numériques du livre.

Sauf que parmi les liens donnés de ses versions numériques, il a le malheur de proposer du P2P, en l’occurrence du torrent qui pointe directement vers The Pirate Bay ou encore Demonoid.

Quoi  ? «  Torrent  »  ! «  Pirate Bay  »  ! C’en est trop pour le robot Mediabot, véritable police automatique du copyright Google. Nous sommes évidemment en présence manifeste de ressources illégales  ! Et Google de désactiver illico sans autre forme de procès la pub sur le site de notre auteur. Et ne croyez surtout pas qu’il suffit de retirer les liens incriminés pour que Google remette tout en place. Non, non, le mal est fait.

Et pourtant de mal fait il n’y en eut jamais. Bien au contraire, on voulait juste partager et enrichir le bien commun…

Bien sûr, Google est sous la pression constante des ayants droit de l’industrie culturelle et du Grand Hollywood (qui scrute au quotidien ce qui se passe sur YouTube notamment). Mais avec cet absurde faux positif, Google, son service clientèle déshumanisée et son copyright de fer nous affirment avant tout ceci  : puisqu’on ne les envisage même pas, puisqu’on condamne le contenant quel que soit son contenu, il n’y a pas de place actuellement pour les ressources libres sur Internet. Ou, plus généralement, et pour reprendre une expression à la mode, il n’y a pas de véritable place aujourd’hui pour les échanges non marchands.

Edit du 28 septembre  : Il y a une suite (favorable) à cette histoire (mais une morale à en tirer  ?) que nous vous proposons dans la foulée.

Remarque  : Il s’agit d’une nouvelle traduction et vous allez constater un nombre inhabituel de traducteurs dans le crédit ci-dessous. Nous sommes en phase de test pour améliorer Framapad et effectivement, hier soir, c’était spectaculaire, avec, au point culminant de la fête, près de 40 collaborateurs «  colorés  » travaillant en simultané dans la joie, la bonne humeur et le souci collectif d’un travail de qualité. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, notre image d’illustration n’a rien à voir avec le font du sujet si ce n’est que dans la forme on l’a obtenu ainsi (cf ce tweet plus précis de @framaka). Ils méritaient bien ce petit hommage (quant à l’évolution du projet Framapad, nous venons d’ouvrir une liste de discussion pour là encore avancer ensemble).

Framapad - Test v2

Google et ses droits de copie restrictifs  : un auteur condamné pour avoir partagé son propre livre

Google’s Copyright Crackdown Punishes Author For Torrenting His Own Book

Mike Masnick – 27 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction  : volent, metoo, Smonff, greygjhart, doc_lucy, L’gugus, Toerdas, Wan, Yan G., Evpok, goofy, Rouage, Aymerick, slb, peupleLa, 0gust1, Husi10, Mike, Hellow, Dominique, fredchat, fwix_, e-Gor, TheDarkDweller, minimoy, 5h3d0, lamessen)

Au fil des ans, nous avons souligné à de nombreuses reprises le talon d’Achille de Google  : son épouvantable service client.

Essayer de communiquer avec Google s’apparente plus souvent à affronter un bloc de marbre inébranlable plutôt que faire face à un réel être humain. Plus récemment, nous nous sommes inquiétés de l’agressivité excessive de Google pour faire «  appliquer  » le copyright, dans l’espoir de tenir Hollywood (et ses soutiens au gouvernement) à distance. Combinez ces deux problèmes et vous obtenez une incroyable histoire… comme advenue à notre lecteur Cody Jackson.

Il y a quelques années, alors qu’il était en service actif en Irak, Jackson a écrit un livre sur Python (le langage de programmation) intitulé Start Programming with Python (NdT  : Débutez la programmation avec Python). Il a décidé de distribuer le livre gratuitement, en guise de remerciements à la communauté du libre qui, d’après ses dires explicites, lui a énormément apporté. Il a toujours fait en sorte que le livre soit disponible en libre accès et donné les liens vers différentes sources à partir desquelles l’obtenir. Dans le même temps, il a proposé aux personnes de le soutenir via des dons. Et pour se faire un peu d’argent, il a également souscrit au service de publicités Google AdSense qu’il a placé sur son site.

La semaine dernière, il a été contacté par un bot (NdT Googlebot  : robot d’exploration de Google), l’informant que AdSense avait été automatiquement désactivé. Pourquoi  ? Parce que, affirme-t-on, il distribuait illégalement des contenus protégés par des droits d’auteur. Le courriel, que j’ai pu voir, mentionne que son compte a été désactivé pour la raison suivante  :

Précisions au sujet de cette violation

CONTENUS SOUS COPYRIGHT  : Comme il est stipulé dans nos conditions d’utilisation, les utilisateurs d’AdSense ne sont pas autorisés à placer des publicités Google sur des sites impliqués dans la distribution de contenus sous copyright. Ceci inclut l’hébergement de fichiers sous copyright sur votre site, ainsi que le fait de fournir des liens ou de rediriger le trafic vers des sites qui proposent des contenus protégés. Plus d’informations sur ces conditions d’utilisation sont à disposition sur la page de notre centre d’aide.

Honnêtement les conditions d’utilisation de Google n’ont ici aucun sens. Fondamentalement TOUT site Web «  propose du contenu sous copyright  ». Si l’on se réfère à ce que Google a envoyé à Jackson, personne ne pourrait plus faire aucun lien vers d’autres sites s’il souhaite utiliser Google AdSense. Google a une armée de très bons juristes spécialisés dans le copyright, mais ils ont du laisser filer ce point. Je suis sûr que Google voulait plutôt parler de «  contenu non autorisé  » ou «  qui porte atteinte au copyright  », mais ce n’est pas ce qui est écrit (NdT  : Ou alors ils y sont obligés pour se protéger de tout).

Dans les deux cas, cela semble être ridicule et faire preuve d’un excès de zèle que de suggérer que tout lien vers un site qui, croit-on, véhicule, parmi d’autres, du contenu illicite, doit être considéré comme une violation des conditions de service, même si en l’occurrence le lien en question redirige vers du contenu tout à fait légitime. Le courriel donne un lien vers une «  page exemple  » justificative. Cette page est celle où Jackson annonce qu’il délivre un torrent de la seconde édition de son livre, et renvoie les gens vers The Pirate Bay et Demonoid pour le récupérer. Rappelez-vous, c’est son propre livre, qu’il a publié lui-même et qu’il distribue librement et gratuitement… intentionnellement  !

On pourrait faire valoir que les conditions d’utilisation de Google sont ici volontairement trop générales et elles le sont assurément. Déclarer que vous ne pouvez pas créer de lien vers du contenu légal que vous avez vous-même publié sur The Pirate Bay et dont vous êtes le légitime propriétaire pourrait avoir un effet dissuasif négatif pour ceux qui choisiraient de mettre leurs propres œuvres sur des sites similaires.

Jackson a essayé de joindre Google pour obtenir de plus amples informations. Il leur a expliqué la situation et leur a indiqué qu’il en était l’auteur et l’éditeur et que l’œuvre était publiée sous la licence libre Creative Commons Paternité – Partage dans les mêmes Conditions (CC By-Sa), rendant ainsi toutes les copies se trouvant sur The Pirate Bay parfaitement légales et autorisées. Google lui a rétorqué qu’ils examineraient son argumentaire… avant de lui renvoyer le message suivant  :

Merci de nous avoir fourni des informations complémentaires concernant votre site. Cependant, après avoir examiné de près le site python-ebook.blogspot.com et avoir pris votre réaction en considération, nous sommes dans l’incapacité de remettre en fonction notre service publicitaire sur votre site à l’heure actuelle, puisque votre site semble toujours violer nos conditions d’utilisation.

Si vous voulez que nous étudiions à nouveau la participation de votre site au programme Ad Sense, merci de consulter les conditions d’utilisation de notre programme et d’apporter les modifications nécessaires à vos pages web. Pour plus d’informations sur vos conditions d’utilisation, merci de visiter cette page.

Confus après lecture et sans sentiment d’avoir violé quoi que ce soit, il a cependant docile supprimé les liens vers les fichiers torrents en question, quand bien même pour lui il était tout à fait sensé de les conserver. Comme il me l’a dit dans son courriel  : «  BitTorrent a été l’un des premiers vecteurs de diffusion de mon livre, puisque c’est là que mes lecteurs spécialisés sont susceptibles de traîner. Il m’a semblé que déposer un fichier torrent sur le site de torrents le plus populaire coulait de source.  »

Aussi a-t-il à nouveau répondu au Googlebot, après donc avoir cette fois supprimé les liens… Et il a reçu à nouveau le même message exactement  ! Il avait bien supprimé les liens mais pas la mention explicite des noms «  The Pirate Bay  » et «  Demonoid  ». Cela a suffit, semble-t-il, pour que l’équipe de Google AdSense continue de prétendre qu’il viole leurs termes incompréhensibles. Ils refusent de s’en expliquer. Ils n’ont pas l’air de vouloir vraiment comprendre ce que dit Cody Jackson. Ils bloquent, c’est tout.

Ce qui vaut la peine d’être retenu, c’est que l’on entend constamment les gens qui détestent Google se plaindre de ce que ce dernier refuse en quelque sorte d’enlever ses publicités des «  sites pirates  ». Cet exemple suggère précisément le contraire  : Google est d’une agressivité excessive dans sa manière de bloquer, sous toutes leurs formes, les publicités qui s’affichent a proximité de sites qu’il a jugé lui seul problématiques, même si le contenu est garanti 100 % légal et autorisé. Ajoutez à cela l’horrible relation client robotisée de Google, et vous avez une situation malheureuse où un auteur est puni pour avoir fait quelque chose de parfaitement légal et ne semble pas pouvoir trouver chez Google une seule personne réelle, faite de chair et d’os, qui prenne réellement le temps de comprendre ce qu’il se passe.

Voilà pourquoi nous sommes si inquiets quand Google intensifie son «  automatisation  » sous la pression de Hollywood. Les dommages collatéraux ne sont que trop réels.

Mise à jour du 28 septembre ci-dessous  : Un épilogue heureux mais une leçon à retenir…

Les annonces Google sont de retour

Google Ads are back

Mike Masnick – 28 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction  : Lamessen, Pascal, L’gugus, Metal-Mighty, Ag3m, ti_tux)

Grace au relais du site Techdirt, mon problème a été entendu par les robots de Google et mon compte Adsense a été réactivé.

En effet, cinq heures après la publication de l’article sur Techdirt, je recevais un e-mail de Google m’informant qu’ils avaient réétudié mon cas, et décidé finalement que je n’avais pas enfreint leur politique sur le copyright. Je pouvais donc faire apparaître à nouveau les publicités Google sur mon blog.

Je vais pouvoir, comme avant, mettre des liens directs vers mon fichier torrent, mais plus vers « The Pirate Bay » ou d’autres sites de torrents. Car ne veux pas me retrouver confronté à ce problème à nouveau (bien qu’il sot assez tentant voir ce qu’il arriverait si je le faisais).

Le bon côté de cette histoire, c’est que cela a attiré l’attention du public sur les problèmes de réglementation du copyright en général et des politiques d’entreprise en particulier. Lorsqu’une personne ne peut pas publier ses propres créations sur Internet parce qu’une autre a peur qu’il y ait infraction au droit d’auteur, il y a un véritable problème.

Certains commentaires sur Techdirt affirment que j’aurai dû prévoir cela en proposant des liens vers The Pirate Bay et Demonoid qui sont considérés comme des «  bastions du piratage  ». Et pourtant, avoir fait appel à eux pour aider les gens à trouver mon livre (sous licence libre) montre qu’on peut aussi les utiliser de manière tout à fait légale. Que certaines personnes y déposent illégalement des contenus protégés ne fait pas de ces sites le mal absolu. Ce sont simplement des outils et ils sont neutres en soi, un peu comme un couteau, qu’on peut utiliser à bon ou mauvais escient.

11 Responses

  1. freem

    La solution est pourtant simple: arrêter de « googler ». Ces derniers temps, il est bien plus moral d’utiliser les services microsoft que google. Point de vue respect des gens, j’ai bien l’impression que les places ont été inversées: google est devenu le pourri de service, et microsoft tente de se racheter une conduite.

    Honnêtement, le moteur google n’est de toute façon pas vraiment le plus efficace, et clairement à la traîne en terme d’innovations réelles.

  2. incolore

    Traduire « punishe[d] » par « condamné » est un petit peu sensationnaliste, non ? En soi Google n’est pas un tribunal, mais plutôt un métarobot à la con.

  3. ttoine

    J’ai eu un souci différent, mais avec un service Google : Google Play Video / Youtube. En effet, j’ai voulu acheter un film sur ce service, alors que j’utilise Ubuntu. Après avoir mis à jour Flash (la technologie utilisée sur le web), essayé plusieurs trucs, y compris le service Youtube de mon lecteur Bluray connecté, impossible de démarrer le film. Ce qui est curieux car cela fonctionne à priori sur Android. (Mais bon, payer 4 € un film pour le regarder sur un tél ou une tablette…)

    J’ai donc signalé le problème et eu la possibilité de « discuter » du problème avec ce qui m’a semble plus être un technicien qu’un bot. Et au finish, Google m’a remboursé sans discuter car ils ne supportent pas actuellement l’utilisation du service via les distributions Linux.

    Comme quoi dans cette relation Google / Hollywood il y a certes des améliorations à faire (du genre supporter tous les systèmes…) mais on peut aussi papoter un poil.

    Cependant, je ne suis pas surpris qu’un bot gère les pages web pour ce cas : il y en a tellement… Il faudrait un service client tellement énorme pour tout relire.

  4. André Cotte

    J’ai vécu une situation semblable avec un hébergeur québécois, iWeb pour ne pas le nommer. Mes fichiers musicaux légaux et dûment payés ne pouvaient pas être stockés sur « mon » serveur partagé chez iWeb. Pourtant, on ne pouvait y avoir accès sans mon autorisation et un mot de passe que j’étais seul à pouvoir donner.

    En l’occurrence, il y avait un seul utilisateur, moi!

    La police du copyright est très myope.

  5. Axel

    Google, une entreprise qui est en contradiction avec elle même. Elle arrive à se faire passer pour une libératrice ( ouverture de Google Talk sur le réseau Jabber international, libération d’un codec vidéo, utilisation native d’OpenDocument sur Google Doc, possibilité de déposer une vidéo sur Youtube sous licence libre, … ), et parallèlement elle est sans pitié sur ce même sujet en ce qui concerne son fond de commerce: la publicité. L’art de changer de camps en fonction des contextes.

  6. aKa

    @corrigé : Merci pour l’info. Il faut croire que le buzz a fait son petit effet. Mais tout le monde n’a pas la chance de pouvoir le créer ainsi. Je vais lancer un appel ce soir pour qu’on traduise aussi ce nouveau post en mettant ainsi à jour.

  7. Galuel

    Il ne peut pas y avoir de place pour « les échanges libres » au sein d’un « système monétaire privateur ».

    http://www.tetedequenelle.fr/2012/0

    Ce que démontre la Théorie Relative de la Monnaie c’est que les trois libertés économiques impliquent un système monétaire à Dividende Universel dont la valeur dépend directement de l’espérance de vie moyenne au sein de la zone monétaire considérée.

    http://www.creationmonetaire.info/2

    Un paradigme ne s’impose jamais. Il faut attendre que ceux qui le combattent meurent… C’est inéluctable, mais ça prend un peu de temps… Patience donc, dans une deux espérances de vie nous arriverons.

  8. idoric

    Tout est bien qui finit bien ? Moi je dirais doublement que non. De une, il ne va plus utiliser le P2P, l’outil le mieux adapté, pour partager. De deux, combien d’autres n’ont pas eu ou n’auront pas la chance de « faire le buzz » et d’être réhabilités comme il l’a été ?

  9. ttoine

    Pour ma part, je pense sincèrement que les ingénieurs Google vont penser à comment ajouter un cas comme celui ci aux robots: ils ne sont pas assez bêtes pour prendre le risque qu’un nouveau cas comme celui là ternisse leur réputation, donc ils vont trouver une solution.

    Ca montre aussi que mine de rien, Google est attentif à ses utilisateurs, même si ce n’est pas de la manière à laquelle on pense en premier.

  10. aucuneimportance

    Tout ça pour ça ? Vous êtes sérieux ??

    J’ai eu la même expérience sur … wikipédia! Mon « boulot » a été supprimé plusieurs fois par un bot. Et allez discuter avec un bot ou les wikintégristes-admin… 😛

    Ai-je pour autant hurlé que Wikipédia est le temple de la censure?
    Non. Un bot souvent ça se contourne et basta.

    Pas malin de laisser trainer du « piratebay » de nos jours. Est-ce le seul site de torrent utilisable de par le monde ? Bah non. (suffit de regarder les propositions de soft tels q ue miro) Alors on utilise autre chose et basta.

    Tout ceux qui ont un jour programmer un script de « monitoring » savent bien qu’au début on écrit une version avec des critères simples (parfois restrictifs, certes). Ensuite on affine selon les possibilités. (la balance gain/problème).

    Évidemment, « ici », on va faire semblant de ne pas savoir ça… Ça casserait la ligne éditoriale.