Même la Bible n’échappe pas à la guerre du copyright !

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Le saviez-vous  ? Aussi étrange que cela puisse sembler on est loin de pouvoir affirmer que la Bible est dans le domaine public  !

Pourquoi  ? Parce que sa traduction dans le langage courant n’est elle généralement pas dans le domaine public et est donc soumise aux droits d’auteur classiques.

C’est pourquoi on trouve bien des version intégrales françaises sur Internet mais dont la traduction remonte à plus de cent ans, comme celle de L. Segond (1910) ou J.N. Darby (1872). Si on veut faire usage d’une traduction plus moderne, on se retrouve avec le tous droits réservés de l’éditeur de la traduction.

Du coup, certains, comme ici en Suède, souhaitent proposer leur propre traduction pour la placer directement dans le domaine public. Mais c’est alors sans compter sur les ayants droit qui font tout pour bloquer l’initiative. Choquant non, qu’on soit ou non chrétien  !

NYC Wanderer - CC by-sa

Les créateurs d’une Bible dans le domaine public menacés par un procès par les tenants du monopole du copyright sur la Bible

Creators Of Public-Domain Bible Threatened With Lawsuit By Other Bible’s Copyright Monopoly Holders

Nick Falkvinge – 15 avril 2013 – Blog personnel
(Traduction  : wikimoine, Axl, fcharton, Moosh, MFolschette + anonymes)

La religion est un gros marché. La Bible chrétienne, comme n’importe quel livre, est sous un monopole de copyright — ou, pour être précis, toute traduction de moins de 100 ans environ est sous un monopole de copyright, et les personnes citant la Bible chrétienne rapportent beaucoup d’argent en termes de licences aux propriétaires de ces copyrights. Quelques militants, considérant que ce n’était pas cohérent avec la religion, ont décidé de créer une alternative libre, pour finalement être menacés de poursuites juridiques.

Un groupe de militants suédois de la culture/connaissance libre a décidé de retraduire la Bible chrétienne en langage courant, en utilisant des sources qui ne sont plus couvertes par le copyright. Ils ont ensuite mis le résultat de leurs travaux dans le domaine public. Le nom de ce projet était Free Bible (pour  : «  Bible libre  »).

C’est un objectif louable, évidemment, indépendamment de vos convictions religieuses. Le projet a été attaqué à plusieurs reprises par les défenseurs des monopoles et des traductions dominantes, prétextant que le projet «  n’était pas nécessaire  », étant donné que tout le monde pouvait citer leur Bible.

C’est effectivement le cas, mais uniquement parce que la loi précise spécifiquement que les détenteurs du copyright ne peuvent s’opposer au droit de citation. De plus, une personne annonçant «  nous donnons l’autorisation à X aujourd’hui, donc vous n’avez pas besoin d’une alternative libre  » me laisse un arrière-goût très amer. Le but d’un tel projet est en premier lieu de retirer la possibilité même d’une personne à autoriser ou refuser une telle permission, et non de d’obtenir un droit ponctuel.

Les conditions de licence pour citer la Bible sous copyright ont beaucoup changé dans la nuit où le le projet Free Bible a été annoncé  : ils sont passés de frais considérables pour chaque reproduction au delà d’une très petite quantité, quel que soit le contexte, à des frais de licence pour un usage commercial seulement. Une version dans le domaine public est toujours justifiée, mais cela souligne la possibilité de briser un monopole.

Cependant, la situation s’est considérablement aggravée. La semaine dernière, les détenteurs du monopole ont envoyé une lettre menaçant de procès les traducteurs de la Free Bible s’ils ne mettaient pas à jour une page de blog ( !) pour correspondre aux nouveaux termes de la licence ( ! !). La page de blog en question expliquait les raisons d’être du projet Free Bible, et décrivait pourquoi une version dans le domaine public était nécessaire, en mettant en avant les contraintes de licence pour l’utilisation du livre de nos jours.

Pour ajouter l’insulte à la blessure, cette lettre de menace n’a à peu près aucun poids légal. La page était exacte au moment de son écriture, et, de plus, on ne peut pas en Suède accuser une organisation de calomnie ou de diffamation — seulement un individu. Aussi, cette lettre de menace est doublement inconvenante, et elle confirme le besoin d’une version libre de l’œuvre en question.

Certains Chrétiens ne font pas vraiment aux autres ce qu’ils souhaiteraient que les autres fassent pour eux. De ce point de vue, le perpétuel droit des détenteurs du copyright semble prévaloir, où qu’il soit.

Crédit photo  : NYC Wanderer (Creative Commons By-Sa)

14 Responses

  1. mb

    « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » [Matthieu 10:8]

  2. Rudloff

    Il y a quelques coquilles :
    « et non de d’obtenir un droit ponctuel »
    « dans la nuit où le le projet Free Bible a été annoncé »

  3. vibby

    Aucun ne dit ce qui lui appartient en propre, mais tout est commun entre eux. [Actes 4.32]

  4. Galuel

    Excellent sujet, très bien traité ! 😉

    Mais je répondrais autrement à l’assertion :

    « nous donnons l’autorisation à X aujourd’hui, donc vous n’avez pas besoin d’une alternative libre »

    De quoi je me mêle ? Qui donc sur terre se prétend légitime pour dire à son semblable ce qu’il doit être estimer comme son « besoin » ou son absence de besoin ?

    D’où les trois libertés économiques et notamment bien entendu la liberté pour tout individu de décider ce qui lui semble valeur ou non-valeur.

    Car c’est en prétendant qu’il y aurait ici ou là de la « valeur » que les détenteurs de copyrights de toutes sortes, centralisent toute sorte de privilèges illégitimes.

    La Bible Libre est donc, à contrario, une valeur incommensurablement plus élevée que toute autre Bible. Et pourquoi pas ? Qui donc se prétendrait légitime pour me dire ce que je dois estimer ou non ?

    http://wiki.creationmonetaire.info/

  5. Elessar

    Ah, ça craint ça… Personnellement je suis moyennement satisfait de la situation en France : ne pas disposer d’une Bible libre et devoir payer ne m’ennuie pas tant que ça même si je le préférerais, en revanche je regrette surtout que seule la TOB soit disponible sous forme numérique comme traduction récente.

    Quoi qu’il en soit, traduire la Bible est un sacré travail, donc bon courage à ces gens, j’espère qu’ils pourront produire une version de qualité.

  6. Amy

    @Elessar il n’y a pas que la TOB en ligne, on trouve facilement la Segond 1910, la Darby ou l’Ostervald. OK elles ne sont pas récentes, mais c’est du français quand même. Et un français avec un vocabulaire plus riche que celui utilisé dans les traductions modernes.

    Pour revenir au sujet de l’article, c’est affligeant d’en arriver là. Traduire la Bible, c’est du gros boulot, mais ce serait logique de mettre automatiquement toutes les traductions dans le domaine public, pour en favoriser la diffusion. L’idée de la « Bible Libre » est géniale, mais en fait elle aurait dû être une évidence dès le départ.

  7. paco

    C’est une évidence pour nous, nous qui aimons partager la Connaissance….mais pas pour ceux qui détiennent les droits et qui veulent récupérer un max de tune dessus. Pour eux, accer à la Connaisance à un prix…
    Mais je suis comme vous, ca donne envie de gerber…ces gens lá seraient capable de vendre leur propre mère… :s

  8. bluetak

    Attention, erreur de traduction.
    « Pour ajouter l’insulte à l’injure » est faux car cette expression typiquement anglaise est « adding insult to injury » et injury ne signifie pas injure mais blessure. On doit donc dire :  » Ajoutant l’insulte à la blessure », C’est un classique des faux-amis.

  9. Augias

    ..Aucune importance… la version Louis Segond 1910 /21…est la meilleure version….

    Laissez les marchands du temple à leurs oeuvres…:)…!

  10. Nicolas K.

    @Amy, la Ostervald dans sa révision 1996 n’est pas libre, c’est d’ailleurs pour ça qu’on ne la retrouve pas dans les logiciels bibliques libres.

    Je me pose donc une question, c’est inhérent à la Bible qu’elle doit être partagée librement, c’est même de un « ordre » donné par ses auteurs. Est-ce donc légal de poser un copyright sur une traduction sachant que c’est contraire aux désirs des auteurs originaux ?

    Si j’écris un texte, y indiquant clairement que je veux que ce texte soit partagé librement, et que 100 ans plus tard un type en fait une traduction. Un copyright sur sa traduction sera-t-il légitime ?

  11. chris

    L’idée d’avoir une Bible libre de droit est très juste. En francais il y a des version libre de droit et d’autres qui ne le sont pas. Il est juste que ceux qui ont travailler à une nouvelle traduction soit rémunérés. Donc mettre un copyright sur les versions récents ne me choque pas. D’autant plus que cela permet de financer sa diffusion. Par exemple la Bible à 1.50€ est une version Segond 21 donc non libre. Mais libre à vous de traduire la Bible et de la mettre en opensource. Ce serait une très bonne initiative.

    L’article d’roigine ne colle pas avec la France car il n’y a pas de monopole sur la diffusion de la Bible. N’importe qui peut traduire la Bible et la diffuser. Si la traduction est conforme avec l’original et compréhensible, je ne vois pas d’inconvénient au contraire. Plus il y a de versions mieux c’est.

  12. Erwann

    « L’article d’origine ne colle pas avec la France car il n’y a pas de monopole sur la diffusion de la Bible. « 

    En effet, la Bible étant un ouvrage commun à plusieurs religions, il ne peut y avoir de monopole quant à sa diffusion.
    Il serait d’ailleurs intéressant de mieux comprendre qui, en Suède, s’est opposé à ce projet. Est-ce seulement un éditeur? Je n’ose pas imaginer pas que ce soit l’Église Réformée de Suède qui est à l’origine de ce débat.
    La Bible étant un ouvrage « volumineux », sa traduction représente un travail énorme, de « Bénédictin » 😉
    Plus que la traduction elle-même, c’est le travail de revue et de consolidation qui est gigantesque. Assurer la cohérence d’un tel texte, qui plus est écrit à plusieurs mains, au cours de plusieurs siècles, est tout simplement difficilement imaginable pour ceux qui n’ont jamais été confrontés à un tel exercice.
    Je comprends le besoin et l’envie de diffuser gratuitement la Bible, en particuliers sous forme numérique, mais comment rémunérer les équipes de traduction ?
    La première version de la TOB a pris plus de 10 années, impliquant des intervenants hautement qualifiés.
    Pour ma part, j’apprécie grandement cette traduction pour la richesse des commentaires, explications et remarques proposés en parallèle du texte.
    Merci pour l’info quant à la disponibilité de cette traduction sous forme numérique, car je n’en avais pas connaissance.
    Dernière remarque : la TOB étant un texte oecuménique, il n’y a pas d’Imprimatur.

  13. Jean-Baptiste Bourgoin

    Merci Erwann pour ce rappel de bon sens concernant la Suède.

    L’article par son imprécision étend ce problème au monde entier alors qu’il n’a de sens qu’en Suède.

    En France il n’y a jamais eu de problèmes avec les traductions libres de droit de la Bible.

    Petite correction cependant :

    «Dernière remarque : la TOB étant un texte oecuménique, il n’y a pas d’Imprimatur.»

    Ça n’est pas la raison. La raison est d’ordre théologique et concernent certains choix de traductions. La preuve : la Bible en français courant, qui est aussi « œcuménique », a un imprimatur.

  14. Kindou777

    « Je comprends le besoin et l’envie de diffuser gratuitement la Bible, en particuliers sous forme numérique, mais comment rémunérer les équipes de traduction ? »

    Martin Luther, par exemple, qui traduisit la Bible en langue compréhensible par le peuple (en l’occurrence l’allemand) ne s’est jamais imaginé mettre un droit d’auteur sur sa traduction. D’ailleurs n’oublions pas que la notion du droit d’auteur est récente, 19eme siècle me semble-t-il.

    Après, je sais que beaucoup d’éditeurs de traductions sont en fait chrétiens seulement de nom, et que c’est l’argent qui les motives, donc voilà la situation.

    mb a rappelé plus haut : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » [Matthieu 10:8]

    J’aimerai terminer en disant que je ne me rappel pas que les traducteurs de la septante (traduction en grecque de l’Ancien Testament) aient demandés quelque royalties, le but étant de faire connaitre la Parole de Dieu au maximum.
    Mais bien sûr, confisquer le savoir a été de tous temps une manière d’asservir le peuple…

    « Mon peuple est détruit, faute de connaissance; » Osée 4v6

    Si Dieu veut je relaie votre article; il est vrai que c’est tout de même scandaleux, mais bon… Merci pour l’info.