Pas de sexisme chez les Libristes ?

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La semaine dernière, nous publiions la traduction L’open source n’est pas une zone de guerre, les hommes ne sont pas tous des connards.

Armony Altinier, fondatrice du groupe accessibilité de l’April et l’une des initiatrices de la soirée Libre Diversité, a souhaité réagir à cet article.

Pas de sexisme chez les Libristes  ?

Armony Altinier – Mai 2013

Le Framablog a publié récemment une traduction d’un article intitulé «  L’open source n’est pas une zone de guerre, les hommes ne sont pas tous des connards  ».

Titre éloquent qu’on a immédiatement envie de compléter en disant  : «  et les femmes ne sont pas toutes des féministes  ». Dont acte, merci pour cette évidence.

Cet article était introduit un peu maladroitement[1] de cette façon  : «  Un constat sensiblement différent du billet Sexisme chez les geeks  : Pourquoi notre communauté est malade, et comment y remédier de MarLard, qui fit couler beaucoup d’encre récemment dans la blogosphère francophone.  »

Qu’en est-il exactement  ? Le monde du Libre serait-il un doux rêve échappant à un monde structuré en groupes sociaux dominant d’autres groupes  ? Malheureusement, point besoin de statistiques complexes pour se rendre compte que la diversité semble une utopie bien lointaine dans tout événement libriste. L’April, dans une enquête interne basée sur leurs adhérent-e-s, avait même révélé que seuls 6 % de ses membres étaient des femmes… Cela signifie-t-il que la majorité des libristes (des hommes donc) sont des connards  ? Bien sûr que non  !

Non, la très grande majorité des libristes n’est pas sexiste, ils se fichent simplement des inégalités qui existent dans leur communauté.

Prenons une analogie simple pour distinguer les différents types de responsabilité.

Quelqu’un commet un vol  : c’est un voleur. Quelqu’un voit un vol se commettre et aide la personne à s’enfuir  : ce n’est pas un voleur, c’est un complice parce qu’il a agi pour aider le voleur. Quelqu’un voit un vol être commis et ne réagit pas  : ce n’est pas un voleur (auteur de l’acte), ce n’est pas un complice (aucune action directe pour aider), c’est juste quelqu’un qui s’en fiche.

Or, si seule une minorité de libristes est sexiste (avec des actes tels que décrits par MarLard), qu’une part un peu plus importante est complice (en relayant des propos qui minimisent de tels actes par exemple ou en en plaisantant ouvertement), la très grande majorité s’en fiche complètement  !

Distinguer sexisme et reproduction sociale du patriarcat

Les mots en -isme comme le racisme ont une signification particulière  : ils intègrent une dimension idéologique forte. Cela signifie une implication de l’individu derrière cette croyance.

Dans le cas du racisme par exemple, dont le mot sexisme est inspiré selon Wikipédia, il implique que la personne croit que les êtres humains sont divisés en différentes races dont certaines seraient supérieures à d’autres.

On retrouve cette notion de croyance dans le sexisme, où certaines personnes croient que les hommes en tant que groupe social seraient par nature supérieurs au groupe social des femmes. Ainsi, dire que quelqu’un ou qu’une communauté est sexiste a forcément un côté dénonciateur. Ce qui tend à avoir pour effet une réaction pour «  défendre  » les personnes accusées de sexisme à titre individuel. Or, mettons-nous à la place des femmes de la communauté Perl auteures du billet de blog traduit sur le Framablog  : elles ont de bons copains geeks parmi elles, et elles savent très bien qu’ils ne se sentent pas supérieurs à elle parce que ce sont des hommes. Ils ne sont donc pas sexistes et le crier bien fort est un gage d’amitié et de soutien face à ce qui est considéré, à tort, comme une agression.

Pourtant, ce n’est pas parce que des personnes à l’échelle individuelle ne théorisent pas la supériorité des hommes sur les femmes qu’aucune discrimination n’existe de facto dans notre société. Et en n’agissant pas ou en minimisant ces faits, ces personnes reproduisent une société patriarcale qui est non seulement sexiste, mais qui exclut tout individu qui n’entre pas dans le schéma de perfection associé aux attributs de la virilité version XXIe siècle  : force physique (et donc absence de faiblesse ou de handicap), accumulation d’argent, jeunisme, diplômes, position sociale dominante…

Ainsi, je me demande en quoi relayer ce message d’amitié individuel sur le Framablog apporterait un éclairage différent aux propos de MarLard comme il a été dit en introduction  ? Car les faits sont incontestables  : des communautés libres très homogènes dans leur profil c’est-à-dire très masculines, très blanches, valides, technophiles et j’en passe…

Le Libre, un atout pour le féminisme  ?

Le féminisme implique deux choses  :

  1. Accepter d’ouvrir les yeux sur la réalité choquante des discriminations
  2. Vouloir prendre une part active pour que les choses changent

Si les mouvements du logiciel et de la culture libres ont bien quelque chose en commun avec les mouvements féministes, c’est leur volonté de modifier l’ordre des choses pour favoriser un écosystème qui libère l’individu. Or, l’ordre établi est celui du patriarcat.

Et si le logiciel libre sortait du pré carré geek pour s’ouvrir à toutes et tous, sans discrimination  ? Cela impliquerait de revoir le fonctionnement interne de chaque organisation et de développer un écosystème favorable et ouvert (tiens  !) en se souciant de faire de la place à des voix différentes (faire émerger de nouvelles et nouveaux intervenant-e-s par exemple, ce qui suppose de leur faire de la place), à choisir des lieux accessibles à toutes et tous et à investir des lieux différents (pas seulement des repaires de technophiles).

Le slogan du Framablog reprend une phrase du documentaire de Hannu Puttonen Nom de code  : Linux  : «  Ce serait peut-être une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait que du code  ». Beau défi, n’est-ce pas  ? Certain-e-s s’y essaient déjà, et vous  ?

Pour aller plus loin, vous pouvez relire un article du Framablog sur les femmes et le logiciel libre.

Notes

[1] Note d’aKa  : Je confirme que c’était maladroit.

22 Responses

  1. cyroul

    J’aime beaucoup tout cette démonstration à laquelle je souscris à 100% jusqu’à cette phrase : « l’ordre établi est celui du patriarcat ».
    Et bien non. Ce raccourci est trop facile. On ne peut pas dire que parce que on veut libérer l’individu, on vet le faire pour revenir à des valeurs anti-féministes. Non, car on peut tout à fait être philanthrope sans être patriarcale.

    Cela résumé à mon sens le plus grave défaut du féminisme : s’éloigner de la philanthropie au sens large. Alors qu’il faut changer la société pour qu’elle accepte et valorise toutes les différences, quelles qu’elles soient (sexuelles, raciales, physiques, ..) pas insister sur les inégalités d’une seule différence sexuelle qui doit absolument être pointé du doigt partout.

    Le genre humain d’abord, le genre sexuel après !

  2. Dworkin

    Pour revenir juste sur un des points de l’article, la recherche des attributs : force physique, accumulation d’argent, jeunisme, diplômes, position sociale dominante… ne me semble absolument pas marqué chez les libristes que j’ai put rencontrer.
    Certains sont diplômés mais ça ne les fait jamais se montrer supérieur, certains sont (un peu) riche mais je n’en ai jamais vu un seul le mettre en avant, très peu sont sportif (et aucun n’est particulièrement musclé), et aucun n’a de position sociale dominante…
    Je pense que même sans lutter activement contre le patriarcat, le fait que les libristes ne tombent (en grande partie) pas dedans est déjà un très bon signe.
    Après, la meilleure façon de pousser les autre à devenir libriste a souvent été de montrer l’exemple, il ne sera peut être de même pour faire tomber le patriarchisme.

  3. Bulle

    6% de filles, c’est pas grave, j’aime bien faire partie de la minorité 🙂 Quand je vois les apéros du libre rennais le pourcentage est clairement plus élevé que ça, même si on est pas à 50%, on s’en fout un peu, l’essentiel est que des gens se préoccupent du libre, quelque soit leur sexe ! Moi je suis quand même d’accord sur de fait que certains on parfois légèrement tendance à se sentir supérieur, mais d’un autre côté c’est assez compréhensible, quand on défend des principes auxquels on croient, qui ne pourraient qu’améliorer notre société, et qu’on voit que si peu de gens s’y intéressent, on a quand même envie de dire « mais ils sont cons ou quoi ! ». Par contre mieux vaut éviter de le dire et montrer l’exemple comme dit Dworkin, même si on sent parfois vraiment « seuls contre tous ». Ma thèse sera 100% libre, même si j’aurais du lutter avec des docx pour prendre les corrections, mais j’aurais pas réussi à persuader beaucoup de collègues d’utiliser du libre, c’est pas faute d’avoir essayé, mais dans certains milieux c’est dur de leur faire lâcher Microsoft. J’ai beau montrer l’exemple, je ne pense pas que le fait que je sois une fille y change quoi que ce soit, mais l’impact est vraiment minime. Faut dire que la plupart de mes collègues n’ont même pas les droits pour installer un logiciel sur leur pc, ça n’aide pas.
    1 commentaire féminin sur 3, ben voilà on est bien au-dessus des 6% 😉

  4. untel

    @cyroul: La première phrase de ton commentaire illustre parfaitement un des points soulevés par l’article: celui du déni de réalité.

    Par contre, le reste de ton post est assez confus… Je dois avouer que je ne suis pas sûr d’avoir tout compris.
    Mais en gros, il me semble que ce que tu veux dire, c’est que le féminisme serait un mouvement anti-homme… c’est ça?

    Et combattre le racisme c’est être anti-blanc?

  5. untel

    C’est marrant… les deux posts qui ont été publié pendant la rédaction du mien illustrent également ce déni.
    Nul doute que l’auteure de cet article vous sera très reconnaissante de votre soutien… 🙂

  6. vvillenave

    «Et si le logiciel libre sortait du *pré carré geek* […] (pas seulement des *repaires de technophiles*).» (C’est moi qui souligne.) Euh, n’êtes-vous pas ici en train de substituer un cliché à un autre ?

    Au demeurant, vous soulevez ici un problème bien réel, à savoir le très faible degré de politisation des sphères geek, notamment du fait que, comme vous le soulignez, ces sphères se situent globalement dans des couches sociologiques favorisées (mâle, blanc, urbanisé, jeune) quoique souvent déclassées (sans emploi ou en situation précaire, issus de milieux relativement modestes). Par « faible degré de politisation », j’entends un manque criant de culture politique, historique, philosophique et critique en général (peut-être notamment du fait que notre système éducatif privilégie la technique pure et dure, qu’elle soit d’ingéniérie ou de « productivité », aux disciplines d’analyse et d’étude sociales, culturelles et historiques). Le paradoxe me semble résider dans le fait que bien souvent les acteurs de ce milieu se *considèrent* comme politisés : ils se tiennent au courant de l’actualité (du moins une certaine actualité, malheureusement accompagnée de très larges taches aveugles) ne se privent pas d’avoir une opinion et de l’afficher, même sans être en mesure d’en percevoir le contexte socio-historique, les fondations idéologiques, les éventuels facteurs déterminants et les conséquences possibles.

    Le milieu Libriste, à ce titre, *pourrait* avoir un rôle à jouer ; de très nombreux Libristes ont compris l’implication sociale à grande échelle du mouvement du logiciel Libre et en particulier de l’hypothèse qui le sous-tend, à savoir que tout peut être étudié et amélioré, y compris les modes d’organisation sociale. Le Framablog est une illustration de cette curiosité presque universelle qu’ont les plus intéressants Libristes, capables de s’intéresser à la création artistique, à la répartition des richesses immatérielles, aux libertés fondamentales, aux pays déshérités ou totalitaires, aux expériences scientifiques (audacieuses, dangereuses, prometteuses), à la transmission et pérennisation du patrimoine culturel et scientifique, au commerce et aux moyens de subsistance du corps social, aux processus décisionnels démocratiques, etc. (Non sans, là encore, quelques taches aveugles, en particulier d’un point de vue historique.)

    L’éternel retour de ce serpent de mer qu’est la question du sexisme dans les sphères geek, peut avoir un effet louable de re-politisation : donner l’occasion aux acteurs impliqués, une fois de temps en temps, de sortir le nez de leurs jeux vidéos, messageries instantanées et autres réseaux dits « sociaux », pour réfléchir au sort de leur prochain(e). (Et encore, à condition d’accepter le mode incroyablement moralisateur-infantilisant par lequel cette question est en général introduite.) Mais il peut également avoir l’effet inverse, en servant d’alibi : permettre de se donner bonne conscience à intervalles réguliers, en une sorte de rituel de renversement temporaire des rapports de domination pour les unes, d’expiation pour les uns, puis in fine de *confirmation* du statu quo patriarcal. (Exemple type : la Journée de la Femme.)

    J’irai même plus loin : dans un milieu déjà relativement politisé comme l’est celui du logiciel Libre (aux quelques taches aveugles près, mais je conteste que le sexisme en soit une), brandir ce genre de discussion peut même avoir un effet dépolitisant, en prescrivant aux différents acteurs des réponses stéréotypées (que ce soit celle du «ah oui, c’est vrai quand même qu’il n’y a pas assez de femmes dans le logiciel Libre, il faut qu’on trouve des moyens pour équilibrer les choses», ou celle du troll systémique «de quoi elles se plaignent, font chier à la fin»), et en circonscrivant le champ d’analyse à l’échelle de la seule communauté, plutôt qu’à celle, macroscopique, des rapports de domination et d’injustice dans notre société en générale. Mais cela, vous l’avez dit mieux que moi et en moins de mots 🙂

  7. Ginko

    Bonne réponse d’Armony Altinier. Je plussoie vu que j’ai eu la même analyse qu’elle sur la publication du billet précédent et la même recommandation face aux actes sexistes : réagir et foutre la honte aux responsables pour que ça cesse d’être socialement acceptable.

    Bon joueur de la part d’aKa que de reconnaitre la maladroite introduction du billet précédent. 🙂

  8. Armony

    @cyroul : il y a visiblement un malentendu quand tu écris : « On ne peut pas dire que parce que on veut libérer l’individu, on veut le faire pour revenir à des valeurs anti-féministes. Non, car on peut tout à fait être philanthrope sans être patriarcale. »

    Je dis justement que cet ordre établi, il faut le changer. Mais pour le changer, encore faut-il accepter de le voir et le reconnaître. Dénoncer les excès est une façon de mettre les travers en lumière, et c’est ce qu’a fait MarLard.

    Quand tu dis « Alors qu’il faut changer la société pour qu’elle accepte et valorise toutes les différences » : là encore on est d’accord. J’ai écrit à ce sujet un article pour montrer les liens entre accessibilité et féminisme.

    Ceci dit, chacun-e est libre de choisir sa façon de militer. Accuser les féministes de ne s’occuper que des inégalités de genre est un non sens. Ce serait comme accuser les personnes luttant contre le racisme de ne s’occuper que de ce sujet. Militer pour une cause n’affaiblit pas le discours général d’un besoin urgent de changer la société.

    Et j’ai comme l’impression d’un dérapage quand je lis « pas insister sur les inégalités d’une seule différence sexuelle qui doit absolument être pointé du doigt partout. » : toute discrimination doit être pointée du doigt et combattue. Si ce n’est pas ton avis, nous sommes définitivement en désaccord.

    @Dworkin : je suis d’accord, le Libre est déjà anti-conformiste par nature, puisqu’il repousse l’ordre « logiciel » privateur établi pour proposer un autre modèle. C’est en cela que je pense qu’il s’agit d’un atout potentiel pour développer la diversité. À condition de le vouloir et de montrer l’exemple… Et c’est bien là que le bât blesse…

    @Bulle : si on considère que le Libre doit concerner tout le monde, au-delà du logiciel, on peut renverser le raisonnement et se dire que le féminisme est aussi un atout pour le Libre ! Au-delà des questions de sexisme, qui ne sont pas anecdodiques et qu’il faut dénoncer encore et toujours où qu’il se trouve (je maintiens !), une telle absence de diversité prouve bien que le discours manque sa cible : la société dans son ensemble. Rester entre soi a un côté confortable, il n’est jamais facile de changer surtout pour s’ouvrir (on devrait le savoir dans le Libre). Mais je ne vois pas comment on peut tenir un discours de liberté s’il ne permet pas à chacun-e e s’impliquer.

    @untel : tu écris « C’est marrant… les deux posts qui ont été publié pendant la rédaction du mien illustrent également ce déni.
    Nul doute que l’auteure de cet article vous sera très reconnaissante de votre soutien… 🙂 »
    Mmmh… Distinguer sexisme en tant que doctrine et reproduction inconsciente du patriarcat ne me semble pas assimilable à du déni. De même je considère que toutes les personnes qui votent FN ne sont pas racistes pour autant, même s’il peut arriver qu’elles tiennent des propos racistes. Les choses sont plus complexes et c’est tant mieux ! Il y a donc de l’espoir de faire bouger les choses. Sans cela, si la majorité des gens avait une croyance ferme dans une supériorité masculine, le combat serait vain. Et je ne le crois pas.

    @vvillenave : euh… si j’ai bien lu, je crois en fait que nous sommes d’accord 🙂 Si ce n’est que je ne considère pas le sexisme comme un cliché, pas plus que l’approche « développeurs first ». Mais c’est un autre débat.

  9. Ginko

    @vvillenave,

    >Au demeurant, vous soulevez ici un problème bien réel, à savoir le très faible degré de politisation des sphères geek, notamment du fait que, comme vous le soulignez, ces sphères se situent globalement dans des couches sociologiques favorisées (mâle, blanc, urbanisé, jeune) quoique souvent déclassées (sans emploi ou en situation précaire, issus de milieux relativement modestes). Par « faible degré de politisation », j’entends un manque criant de culture politique, historique, philosophique et critique en général (peut-être notamment du fait que notre système éducatif privilégie la technique pure et dure, qu’elle soit d’ingéniérie ou de « productivité », aux disciplines d’analyse et d’étude sociales, culturelles et historiques). Le paradoxe me semble résider dans le fait que bien souvent les acteurs de ce milieu se *considèrent* comme politisés : ils se tiennent au courant de l’actualité (du moins une certaine actualité, malheureusement accompagnée de très larges taches aveugles) ne se privent pas d’avoir une opinion et de l’afficher, même sans être en mesure d’en percevoir le contexte socio-historique, les fondations idéologiques, les éventuels facteurs déterminants et les conséquences possibles.

    Je ne pense pas qu’on puisse parler des caractéristiques générales de la population des sphères geek avec le quatuor « mâle, blanc, urbanisé, jeune ». Beaucoup de geek, depuis les origines vivent par exemple à la campagne. Et plus encore, la nouvelle vague (ceux qui viennent de sortir de l’adolescence) n’ont pas grand chose à voir avec cette catégorisation : la culture geek s’est répandue dans les cités et a percolé dans la plupart des CSP : la majorité des jeunes d’aujourd’hui ont déjà suivi un manga ou un anime et jouent régulièrement aux jeux video, y compris les filles (mais sans sentiment d’appartenance au milieu geek pour ces dernières). (D’ailleurs l’auteure en use pour parler les libristes il me semble, pas des geeks en général.)

    De plus, le caractère apolitique du geek varie fortement selon sa « sphère » : par exemple beaucoup de geeks japonisants vont revendiquer cet apolitisme : ils vivent dans une autre culture, mixée et internationale. Ils ont volontiers des contacts aux quatre coins du monde qui partagent leur passion dévorante pour tel ou tel manga en particulier. Ils n’ont réellement que faire de la rumeur des faits divers ou des clowneries de la pièce de théâtre politique. Ils ne suivent pas l’actualité en dehors de leur sphère d’intérêt et le revendiquent.
    En revanche le bobo parisien branchouille qui joue à « Call of » ou « Fifa » le dimanche avec ses potes et arbore les derniers gadgets « smart », lui il lit sans doute le 20 minutes, il suit sans doute PCInpact ou autre. S’il se considère comme politisé c’est par opposition à la norme : rejet de la gérontocratie, démarcation du français moyen, rejet de l ‘a-culture TV, etc. Et effectivement, il a de très larges tâches aveugles et souvent s’en contrefiche. Par contre, il ne reste dans cette posture d’opposition souvent que dans la mesure où il est étudiant : sa formation et la culture familliale ont de grandes chances de le pousser vers un emploi d’ingénieur plutôt bien rémunéré…

    Si l’intersection entre les communautés libriste et geek est très large car un libriste est quasi de facto un geek, l’inverse est assez faux : peu de geeks finalement sont libristes. Le libriste est également quasi de facto politisé.

    >«Et si le logiciel libre sortait du *pré carré geek* […] (pas seulement des *repaires de technophiles*).» (C’est moi qui souligne.) Euh, n’êtes-vous pas ici en train de substituer un cliché à un autre ?

    Si on regarde d’autres domaines « d’activismes » tels que l’environnement, l’économie, la société ou la défense des animaux, il me semble que les proportions de femmes y sont largement supérieures par rapport à la communauté libriste. Il me semble donc qu’on peut écarter un défaut de politisation des femmes dans l’explication du défaut de participation féminine dans la communauté libriste. Dans ce cas, le problème doit plutôt venir du sujet en lui-même et de l’image dégagée (fortement technique et déconnectée du monde physique), non ? S’intéresse-t-on à la neutralité du réseau si on ne s’intéresse pas d’abord à l’aspect théorique et technique du réseau ? (La question n’est pas « peut-on ? », mais « fait-on ? » !)

  10. Un bouffon d’étudiant en sociologie

    Ça m’énerve d’entre des conneries pareilles ! Depuis quand la réussite correspond à « un schéma de perfection associée aux attributs de la virilité » ? Du délire.

    Ouvrez un livre autre de Wikipédia… La force, l’absence de faiblesse, l’accumulation d’argent, les diplômes, une position sociale dominante etc. ne sont PAS des signes de virilité, ils sont associés à la réussite individuel et pas à la putain de virilité !

  11. untel

    @abFab : Excellent le bingo féministe! 😀
    Je cours l’imprimer… je veillerai dorénavant à toujours garder un exemplaire à portée de main.

  12. Biaie

    Huhu, j’allais faire un article de ce genre et j’ai été devancée. 😀
    Bravo Armony o/

  13. nemo

    @un bouffon … etc

    bah si, il suffit pour s’ en convaincre d’aller voir du côté des etudes socio qui reprennent le concept de virilisme, de repli viriliste : il ne s’ agit probablement pas tant de dire que la reussite est virilité mais que la virilité est réussite. parfois il est vrai la virilité deviens refuge de ceux qui échouent : il faut reprouver sa virilité ; on pourra alors parler de repli viriliste.

    ps : l’argument d’autorité via les études c’est pas beau et c’est un bouffon de ….. qui vous le dit….

  14. copine

    Je n’ai jamais aimé les gens qui s’en fichent.

    C’est parce que les gens s’en fichent que j’ai été violée. À plusieurs reprises. Sexuellement agressée pendant des années. Il m’est totalement impossible d’avoir de la considération pour les gens qui s’en fichent. Je ne me fatigue pas à les haïr non plus (non, je ne les confonds pas avec les agresseurs, le violeur). Ils n’existent tout simplement pas. Tout comme je n’existais pas pour eux, puisqu’ils s’en fichaient. Tout simplement.

    « la très grande majorité des libristes n’est pas sexiste, ils se fichent simplement des inégalités qui existent dans leur communauté »

    J’y ai des potes. Je ne peux pas les aimer. Même s’ils codent des trucs formidables, ils sont hors de mon spectre de considération. Puisqu’ils s’en fichent. Puisqu’ils laissent d’autres, connards, remuer le couteau dans la plaie de mes viols, avec leurs vannes et comportements sexistes.

    Je suis l’une des millions de femmes violées en France. Votre pote de code. Une contributrice libre. Dont vous vous fichez. Et qui a de plus en plus envie d’aller voir ailleurs.

    Les gens qui s’en fichent n’existent pas.

  15. Celina

    @cyroul > comme je te connais bien, je suis pas étonnée de ta réponse 🙁
    A la question : la société en général (j’insiste sur le « en général ») considère-t-elle équitablement les femmes et les hommes? Je pense que personne ne répondra OUI. Ou si? Si oui, tu auras la charge de la preuve 😉 Mais non, je pense que a priori tout le monde répondra NON. Par exemple il y a 20/25% de différence de salaires qui seraient dues à…… ? Le hasard? Une somme (impressionnante quand meme) de décisions purement individuelles comme ça sorties du chapeau? … Etonnant tu avoueras quand même. Voire extrêmement capilotracté même 🙂

    N’importe quel statisticien ou mathématicien pourrait sur base de certaines théories comme la théorie des jeux (ou des mèmes, réplication/transmission d’une attitude, une idée, un comportement) expliquer que tout ceci n’est PAS le fruit ni du hasard et encore moins une sommes improbable de décisions purement individuelles déconnectées les unes des autres, encore moins le fruit de décisions de « connards » pris dans leur individualité de connards (comme si ils vivaient dans une société différente de la notre « ces gens là n’ont pas les mêmes valeurs que nous »).

    Donc. A partir de là on peut décider de se dire « si il y a ces inégalités ce n’est pas le fruit d’un truc profond de type construction sociale qui hiérarchise les sexes » et dans ce cas je me demande alors bien ce qui est la source du problème si ce n’est pas ça (revenons à notre informaticien/ne qui cherche la source du problème qui a planté son ordi), ou on peut se dire que derrière la somme de ces inégalités il y a une idéologie et une somme de constructions sociales qui se sont empilées à travers les siècles pour finir par devenir une vraie « culture ». Culture dont pas mal de gens ne questionnent pas les caractéristiques intrinsèques assez foireuses. Qui amènent aussi bien au racisme qu’au sexisme ou qu’a tout un tas d’autres systèmes de dominations. Culture qu’il va falloir déconstruire petit bout par petit bout. Pour bien déconstruire et mieux re construire derrière mieux vaut bien analyser le bordel (je reviens à mon informaticien, il lui va falloir bien analyser le problème, lui demande pas d’en régler deux en même temps, c’est tendu, il risque de se foirer sur le premier).

    Alors oui on pourrait se dire « mais bon sang elles font chier ces féministes à ne vouloir regarder QUE les inégalités envers les femmes ». Je répondrai : écoute, il y a du boulot pour tout le monde tant il y a d’inégalités à gérer. Pourquoi nous reprocher de gérer une de ces inégalité (qui concerne plus de 50% de la population mondiale quand même, je rappelle, tout de même)? Comment penses tu que l’on puisse régler en profondeur un problème vieux de plus de 5 ou 6000 ans (voire plus) si on ne concentre pas son attention et sa réflexion sur celui ci? Et en quoi cela serait il fondamentalement antonimiqe d’un humanisme ou whatever? En quoi cela serait il accuser les hommes en général? En quoi cela serait il un problème même d’ailleurs? Le terme meme de racisme a été créée pour mettre un nom sur une autre construction sociale qui classait et hiérarchisait les humains selon une prétendue « race ». Nommer les choses est extrêmement important et fait partie du processus de résolution. Je n’apprends rien à personne ici je pense.

    Les gens qui aujourd’hui se sont « spécialisés » dans l’analyse des mécanismes du racisme, doit leur reprocher de ne pas se préoccuper en même temps des problèmes des handicapés, des enfants maltraités etc. Doit on leur dire que leur vision du monde est chiante car elle « appuie » sur une vision « raciale »? Doit on leur dire « le genre humain d’abord, le genre racisé ensuite »? …. C’est quoi ce « genre humain » absolu, détaché de pas mal de ses éléments constitutifs? ET en quoi une vision idéaliste, tournée vers le futur de ce que devrait / pourrait être le genre humain doit il se couper des constats de l’existant? Comment mon informaticien peut imaginer l’ordinateur du futur sans comprendre les carences de l’ordinateur actuel?

    Ne trouve tu pas un peu condescendant de nous dire (en gros) « si vous voulez améliorer les rapports de dominations en général dans le monde commencez par arrêtez de ne regarder que la domination masculine et ouvrez vous à toutes les autres pour mieux changer le monde » … Je trouve ça limite blessant. C’est déjà un énorme taff que de creuser le sujet et de défaire les fils des mécanismes vieux comme le monde (ou presque).

    ET oui comme en informatique : mieux vaut que le code soit bon dès le départ et bien documenté car tout processus de reverse engineering est d’un chronophage et d’un complexe…..

    La bise.

  16. rorto

    [Godwin] Les camps de la mort ? Bof, je m’en fiche. Je suis même persuadé que ça n’a jamais existé et que c’est pure invention dans le seul but d’attirer l’attention.[/Godwin]

    Facile de caricaturer les réponses tellement attendues à ce genre de questions.

  17. Ginko

    @copine,

    je ne vais pas prétendre comprendre toute l’étendue de ce qui vous est arrivé. Cependant, je ne pense pas que haïr/mépriser/ignorer la quasi totalité (l’indifférence ne concerne pas que les hommes, si ?) des gens que vous fréquentez ne soit bon pour eux et encore moins pour vous.

    J’ignore tout de votre histoire et de votre situation actuelle, mais il serait peut-être bon pour vous de tenter de pardonner. (Et je ne suis même pas chrétien…) Je ne dis pas oublier ou effacer ni minimiser. Je dis simplement pardonner pour essayer de reconstruire et peut-être même essayer de sensibiliser votre entourage. Tenter de faire disparaître cette indifférence qui vous affecte tant. Tenter de surmonter cette épreuve plutôt que de vous laisser détruire par elle.

    Je suppose que je ne vous apprends rien. Amicalement tout de même.
    Ginko

  18. o2

    @Ginko Ce serait plus facile pour des victimes comme Copine de tourner la page si les mentalités autour d’elles évoluaient.
    Oui, le pardon est une belle chose, cela permet de se reconstruire, de se tranquiliser etc. Mais on ne peut vraiment pardonner que lorsqu’on est/ se sent hors de danger (ce qui loin d’être le cas de beaucoup de victimes de violences sexuelles, verbales ou physiques) et lorsque cette souffrance est socialement reconnue et prise en compte.
    Dans l’état actuel des choses, à l’impossible, nul(le) n’est tenu(e).

  19. copine

    @Ginko : vous n’avez pas compris. Je demande seulement — comme cet article et d’autres, comme plein d’autres hommes et femmes, agressé(e)s ou pas — un peu moins de cet égoïste jemenfoutisme qui permet à quelques « connards » de continuer leurs blagues et leurs exactions avec l’acquiescement tacite de « ceux qui s’en fichent ». Comme vous le disiez plus haut : « réagir et foutre la honte aux responsables pour que ça cesse d’être socialement acceptable ».

  20. Ginko

    @copine,

    c’est juste que vous aviez l’air de renoncer à **toute** tentative de contact avec la plupart des gens de votre communauté. Comme si c’était perdu d’avance.

    Fin bref, je ne connais pas votre situation. De toute façon nous avons l’air bien d’accord.

    @o2,

    je suis parfaitement d’accord. Ensuite, comme je dis au dessus, j’avais l’impression qu’elle renonçait à tout contact.
    De plus, je ne cherche pas à prendre la défense de qui que ce soit, mais les gens ne sont pas forcément **conscients** du mal qu’ils peuvent faire. Surtout en collectivité.

  21. Nicolas

    @copine
    Vous avez toutes les excuses du monde mais confondre des gros lourd avec des violeurs, c’est « un peu dure ».

    Ces articles mélangent un peu trop de concept en faisant croire que c’est la même chose : par exemple, libriste et joueur de jeu vidéo. C’est pas franchement le même public. Idem pour faire croire qu’il existe un problème particuliers « libriste », (parti de 2 ou 3 articles dénonçant des abus réels à des conférences US), par rapport à la société toute entière.

    Cela n’est pas étonnant de voire des réactions de défense; amalgamer un groupe d’homme pour les traiter de sexistes, voir de violeurs passifs, et on s’étonne que certain prennent cela pour une agression ?