Un abécédaire libre et contributif par et pour les enfants

Classé dans : Éducation, Mouvement libriste | 4

Temps de lecture 9 min

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Nous saluons aujourd’hui une initiative exemplaire qui conjugue les démarches auxquelles nous sommes attachés  : un projet éducatif à destination des enfants d’écoles primaires et de leurs enseignants, qui les fait participer et aboutir à un ouvrage qui sera utile à d’autres… car placé en licence libre  ! Avec Éric que nous interviewons ici, une équipe de contributeurs petits et grands convaincus que la culture libre, c’est bien d’en parler, mais c’est encore mieux de la créer et de la diffuser  !

Une Interview d’Eric Querelle aka Odysseus

Bonjour, Odysseus… qui se cache derrière ce pseudo homérique  ?
Je suis professeur de néerlandais dans l’enseignement secondaire belge. Je griffonne à mes heures perdues, lorsque l’occasion se présente ou lorsque j’ai une idée. Au départ ce choix de pseudo n’était pas guidé par Homère mais par le vaisseau d’Ulysse… 31 dont j’étais un grand fan. Ce qui donne une idée approximative de mon âge ;-)

Il me semble que tu n’en es pas à tes débuts dans l’illustration d’ouvrages libres à destination des plus jeunes, qu’est-ce qui t’intéresse dans ce genre de réalisations  ?
En effet, depuis quelque temps j’écris et illustre en amateur de petites histoires pour enfants que je propose en téléchargement. Ainsi, 4 petites histoires sont déjà disponibles  : Petit Vénusien raconte l’histoire d’un extra-terrestre qui a un besoin urgent, Bonne nuit Doudou Lapin, une histoire très très courte, Ne pleure pas Monsieur le Loup qui évoque la phobie des ongles coupés et Super Héros, une histoire déclinée en deux versions qui aborde le thème du cauchemar.

Pour le reste, je dessine au gré de mes envies et de mes idées ou propose d’autres bidules comme un petit jeu de dominos ou une lecture de 12 fables de La Fontaine, par exemple.

Ce goût des histoires et celui du dessin se combinent bien. La simple idée de savoir — et de voir — que ceux-ci sont utilisés, exploités de manière individuelle, en classe et sur AbulEdu est un très beau cadeau, une belle récompense.

De manière plus générale, l’école est pour moi le lieu le plus adéquat pour faire découvrir et assimiler ces notions de partage, de respect, de diffusion et de valorisation du bien commun.

Comment est né ce projet d’abécédaire  ?
Ce projet est né sur Babytwit, une plateforme libre de microblogging proposée par l’association AbulEdu-fr à destination principale des écoles primaires. Jonathan Tessé mainteneur de la plateforme et animateur Tice dans la région dijonnaise a lancé l’idée et un groupe de personnes ultra-motivées s’est rapidement formé pour la concrétiser. Quatre mois après, nous y voilà  ! :-)

Lien direct en cliquant sur l’image de couverture – PDF 14,1 Mo

couverture abécédaire libre

Ce sont les enfants de diverses écoles qui t’ont envoyé des phrases cocasses pour chacune des lettres. Ça t’a compliqué la tâche  ?
Oui, six groupes-classes ont participé à ce projet et leur implication a été maximale. L’idée que je me faisais au départ était celle d’un travail tranquille et je m’attendais à des phrases simples du genre «  L’éléphant est près de l’étang  ». C’était sans compter l’imagination débordante des enfants coachés par des professeurs gonflés à bloc qui ont pris un plaisir malin à me pousser dans mes derniers retranchements  :

En faisant du xylophone, Baba Yaga et son yorkshire dévorent un yaourt au Xérès accompagné d’yeux de yéti et d’ailes de xylocope.

Un plaisir vite partagé et chaque nouvelle phrase était une vraie belle surprise  !

E comme Elephant

J’ai eu également l’immense plaisir de rencontrer une classe (celle de Bordeaux). Ça a vraiment été un moment très intense  : j’étais venu avec mes dessins déjà réalisés, beaucoup de questions ont été posées par les enfants (qui m’appelaient Odysseus car ils ne savaient rien d’autre que mon pseudo), des remarques adorables… et puis planait aussi ce sentiment inexplicable de rencontrer en chair et en os des personnes que l’on «  connaît  » uniquement virtuellement.

Concrètement, les 6 classes participantes se sont partagées les lettres de l’alphabet. Lorsque leurs phrases étaient prêtes, elles me les transmettaient via le groupe dédié #abécédaire. Les phrases étaient commentées. Il m’est très souvent arrivé de devoir faire des recherches (pour des mots comme  : xylocope, Baba Yaga, urubu…). Je leur montrais le dessin ou un extrait de celui ci pour maintenir un certain suspense. J’avais des retours satisfaits ou quelquefois des remarques du genre «  son nez est trop gros  » ou «  le bouc est trop petit  », «  son nez n’est pas assez crochu  » ou encore «  ta hyène on dirait un ours  » :-D.

Bref un véritable suivi de la part des enfants. Dans toutes les classes, un travail de fond pédagogique a été réalisé quant au contenu (la recherche lexicale), la forme (ne pas dépasser 140 caractères)… et le fonctionnement du microblogging, ses codes. Cela a largement dépassé le simple cadre de l’alphabet.

La licence «  art libre  », c’est important pour toi  ? Est-ce que ça signifie que toutes les écoles primaires peuvent se servir librement de cet abécédaire  ?
Oui, et j’en ai pris conscience lors d’un événement précis  : il y a quelques années j’ai posé sur mon blog de l’époque un dessin intitulé «  Bulle spéculative  » déjà sous licence Art Libre car j’avais découvert cet univers via Framasoft. J’ai reçu un mail d’un certain Antoine Moreau qui était à la recherche d’une bulle pour son texte de Paule et Paul qu’il publiait dans un petit livret sur l’Art. C’était la première fois qu’on me demandait l’autorisation d’utiliser un dessin. Quelques semaines plus tard, j’ai reçu dans ma boîte aux lettres ledit livret avec une partie de mon dessin (rien que la bulle). Je découvrais et vivais ce fameux  : «  Copyleft : cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre   ».

Aussi, je suppose (et espère) que quelqu’un qui copie, diffuse, modifie, utilise mes dessins l’apprécie et je considère donc cela comme une reconnaissance.

L’abécédaire est sous Licence ArtLibre 1,3 (LAL 1,3) Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les œuvres dans le respect des droits de l’auteur. Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège.

Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression. Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux œuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise.

L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une œuvre  ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des œuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun. La licence complète est à lire ici.

Cela signifie donc effectivement que les écoles primaires et toute personne intéressée par cet abécédaire peuvent le télécharger et l’imprimer librement. Je mets également toutes les sources à disposition (images brutes, .png, .svg, le document .odt et le .pdf) pour permettre à qui le souhaite de «  jouer  » avec les dessins, personnaliser l’abécédaire en supprimant les phrases pour une activité de classe par exemple ou en colorisant les images.

Une version en couleurs est prévue  ?
Oui, au départ, nous étions partis pour une version colorisée. Mais impossible à réaliser en quatre mois de temps. Tenant absolument à donner aux enfants un résultat concret de leur travail avant la fin de l’année scolaire, nous avons laissé la colorisation de côté pour nous concentrer sur un produit fini en noir et blanc.

Dans l’idée de garder l’idée de travail collectif, j’ai donc lancé un appel à l’aide à la colorisation et quelques personnes se sont vaillamment lancées dans l’aventure. Cela avance bien, très bien même. Mais comme plus on est de fous plus on rit, cet appel reste tout à fait d’actualité.

Déjà un autre livre pour enfants en projet  ?
J’ai quelques idées mais j’ai souvent besoin d’un certain temps pour les laisser percoler. Mais il m’arrive aussi d’avoir l’idée qui tombe de je-ne-sais-où.

Alors, un livre en projet, pour le moment non. Mais qui sait  ? Peut-être demain…

Au fait, si des gens (une école, des particuliers…) veulent te remercier par un don financier  ?
C’est une option que je n’envisageais pas car je ne propose évidemment pas mes histoires dans ce but et puis cela me rendait plutôt mal à l’aise.

Cependant, pour le faire moi-même aussi quelquefois pour d’autres projets, je peux comprendre que l’on souhaite ou préfère soutenir un projet financièrement . Alors si les gens tiennent vraiment à me remercier, me soutenir pour mes histoires de cette manière pourquoi pas  ?

Merci Éric, et à bientôt  !

Liens

Dans les coulisses de l’abécédaire

  • Phrases  : Les phrases ont été généreusement imaginées par les élèves des classes  :
    • Bibliosaigebib  : Atelier informatique en bibliothèque, près de Bordeaux
    • maternelle gilly  : Classe de GS de maternelle, Près de Dijon
    • les gribouilloux  : Classe de MS GS de maternelle, près de Reims
    • cm1 curie  : Classe de CM1, près de Bordeaux
    • brossocm  : Classe de CM1 près de Nancy
    • cm1 teacher  : Classe de CM1 à Pacé, près de Rennes
  • Dessins  : Eric Querelle aka Odysseus
  • Polices de caractère  : DejaVu Sans – Liberation Sans – Bromine Regular Font – Thickhead Regular Font
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je lis des livres et mange des nouilles.

4 Responses

  1. Olm-e

    intéressante expérience …
    il faudrait ™ faire remonter ces dessins non colorisés dans tuxpaint, comme fonds à colorier … ceux qui y sont présent sont très (!) pauvres …

  2. tizef

    Merci Ô hOmérique Odysseus, pour cet abécédaire « à lire et à colorier » ! Je connais un élève de MS-GS qui va se faire un plaisir de « coloriser » tes dessins, et une élève de CE1-CE2 qui va se régaler de toutes ces drôles de phrases 🙂