Chapitre IV — Où notre graphomane fait le coup de la panne

Classé dans : Communs culturels, Lecture | 2

Temps de lecture 6 min

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Quand Pouhiou s’arrête à Rennes, il y retrouve des connaissances et donc des occasions d’échanges et de découvertes. Le défi d’écriture est en roue libre mais continue sa trajectoire par à-coups  : une fois qu’il a négocié un virage délicat, le vaillant écrivain relance la machine et hop, reprend la route.

Si vous souhaitez retrouver les grandes heures de la geste Pouhiouesque, voici le lien magique. Et n’oubliez pas de lui envoyer un petit message d’encouragement @pouhiou.

J’irai écrire chez vous épisode 4  : Rennes (10-13 novembre)

Le mois dernier j’ai participé à Rennes en Biens Communs, pour une conférence, un atelier d’écriture et une rencontre au CGLBT. Il était impensable que je n’y revienne pas.

Les porcs tiquent entre Brest et Rennes.

Dans le covoiturage intensément breton, nous avons repéré les portiques des radars. Ceux qui se sont fait brûler par des bonnets rouges. Ceux qui tiennent encore debout, avec des gendarmes en faction à leurs pieds. C’est marrant, sur la route on a beaucoup parlé de péages. Les péages d’écotaxe, bien sûr, mais aussi les péages pour l’accès à la culture. Payer un livre ou un CD semble normal, j’achète un objet culturel. Un objet auquel je peux accéder gratuitement en bibliothèque (mais je l’achète malgré tout, tiens donc  !).

Or, tout notre rapport à l’appropriation des œuvres s’est construit sur ce principe de posséder un objet-support de l’œuvre. Le droit d’auteur, lui même, fut créé pour favoriser les auteurs-éditeur-imprimeurs-libraires (Beaumarchais était en plus de tout cela un industriel papetier).

Et les péages dans nos têtes

Un fichier ne se possède pas  : il se transfère par la copie. Du coup, me faire payer pour accéder à un fichier (epub, mp3, avi…) c’est mettre un mur d’argent entre un roman, un album, un film… et moi. Et vu tous les chatons qui trainent sur YouTube, tous les 10 conseils pour… en embuscade sur facebook, toutes les œuvres accessibles par torrents  : je vais naturellement aller là où je circule librement. C’est curieux comme peu de créateurs se souviennent qu’avant d’être payé (et pour l’être) mieux vaut être lu, entendu, vu. Que la monétisation d’une œuvre dépendra directement de son rayonnement, et que c’est donc celui-ci qu’il faut favoriser. Le péage, c’est la meilleure solution pour ne pas être payé, en fait… Comme quoi, si les créateurs étaient un peu plus vénaux, stratèges et opportunistes, ils fonceraient vers la culture libre.

J’ai écrit chez Orianne…

J’ai rencontré Orianne au centre gay, lesbien bi et trans de Rennes, lorsque je suis venu y parler culture libérée dans la culture gay. Elle a adoré papoter sur ces sujets. Et elle a fini par me dire  : «  si tu reviens à Rennes, passe chez moi  !  » Orianne est une jeune femme discrète, classieuse, mais d’une espièglerie et d’une sagacité rares. Chez elle, les livres de psycho et les grands classiques côtoient les BD de Buffy (parce que Josh Whedon c’est le bien). Et puis chez elle, j’ai trouvé la meilleure machine de l’univers intergalactique  : l’épluche-vide-tranche pommes.

C’est marrant  : Orianne et moi on a pris le temps de se respecter, de se laisser geeker l’un-e l’autre… mais on finissait toujours les soirées à parler et refaire le monde.

…enfin presque.

Je sais bien que ça arrive à tout homme à un moment ou à un autre, mais ça fait bizarre  : j’ai eu une panne. Mon premier jour à Rennes, je n’ai pas écrit. Ou quasiment pas  : une pauvre relecture où, à force de quelques retouches, j’ai ajouté 270 mots au compteur… bien loin des 1667 quotidiens du défi. Alors je sais que je dois me faire confiance. Je sais bien que c’est l’histoire qui m’impose son rythme, et non l’inverse. Toute exigence est futile, toute résistance une perte de temps. Je n’écris pas, je laisse un roman s’écrire, se dévoiler à moi, en un strip-tease excitant et frustrant… Eh ben on a beau savoir tout ça, il reste la croyance que «  je maîtrise  ». #EpicFail.

L’histoire avait besoin de se nourrir. J’ai fait des recherches. Plein de détails, de jalons, de repères se sont construits. Le roman avait besoin de faire une pause pour prendre forme. Le lendemain, je fais mon quota. les jours suivants je tourne à 2000 mots. Là j’ai hâte de finir ce billet et m’y remettre.

Retrouver les ami-e-s

C’est compliqué de trouver le temps pour tout faire. Écrire les scènes du roman. Écrire ces billets de blog, ce journal de bord. Organiser les trajets et voyager. Parler, échanger avec mes accueillant-e-s. Et retrouver des gens. Mais ça se goupille. Un restau avec Yann, Antonin, Orianne et Camille (la bande du CGLBT de Rennes). Un thé avec miss @Auregann, la wikipédienne qui m’a permis de venir sur Rennes le mois dernier. La découverte de son boss, de ses amis, et de MuséoMix. Puis une soirée finale avec le scooby-gang du CGBLT immortalisée par cette photo.

Ce ne sont pas de simples lecteurices, juste un prénom sur une dédicace. Ce sont des gens avec qui j’ai parlé, bu, refait le monde. Des gens que j’aime et dont je sais qu’illes m’apprécient. Je me demande combien d’auteurs peuvent dire ça… Mais moi, perso, je kiffe  !

Et recevoir d’autres dons.

L’épisode 3 de mes aventures a dû donner des idées. J’ai reçu un don par paypal, et un en liquide, de la main à la main. Recevoir un billet comme don, c’est très concret. Étrangement, à ce moment là, le moraliste en moi me dit «  tu devrais être gêné  ». Ce moraliste croit que ça relève de la mendicité, et la condamne. Ce serait renier l’échange véritable qui sous-tend ces gestes, renier l’envie de soutenir une démarche, une œuvre. J’apporte des histoires  : que ce soit celles que j’écris ou celles que je vis et fait vivre, les dons viennent encourager ces histoires à grandir. Croire que ça relève d’une «  mendicité immorale  » c’est croire que produire des histoires, qu’expérimenter d’autres façons de faire/vivre/interagir n’est pas un «  vrai travail  ». C’est aussi croire que l’argent salit l’échange, donnant une importance grandiloquente et morale à un simple outil  : le fric.

Quand je reçois des dons, je ne suis pas gêné  : je suis reconnaissant. Reconnaissant que mes propositions entraînent des élans de générosité. Heureux de voir que le courant est passé, qu’on a envie que ça continue. Comme quand je reçois un mot, un commentaire. Donc  : merci. Et si tu veux donner des sous, fais-le à Framasoft. Frama travaille à défendre et soutenir des initiatives aussi tarées que les miennes, parce que ce sont les fous qui changent le monde. Or il est grand temps qu’on apporte un peu plus de Libres dingueries dans nos vies et celles de la famille Michu. Bref  : on a besoin de sous pour perpétuer et améliorer les projets en cours, donc n’hésite pas  : http://soutenir.framasoft.org  !

À dans 3 jours pour conter des soirées parisiennes,

— Pouhiou.

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je lis des livres et mange des nouilles.

2 Responses

  1. saturne09

    Quel plaisir de suivre presque en direct tes aventures créatrices…..Un vrai régal!
    D’abord parce que c’est bien écrit, ensuite parce que ça parle de partages, de relations, d’émotions en tous genres (eh oui, au fait: « genre » tous « genres »….) Bref, que du bonheur!
    Merci Pouhiou!
    et merci aux accueillants, sans lesquels ce voyage n’eût pas été possible….

  2. caco

    Effectivement te soutenir avec du fric c te dire merci, c t encourager a continuer parce qu on en veut encore, a défaut de pouvoir t envoyer, a supposer que ça puisse te faire autant plaisir que celui que j en ai a te suivre, une jolie chaussette #condepaypal

    Vivement le prochain épisode, c toujours génial de faire tes rencontres et vivre t aventures assis tranquillement au coin du feu.