Plaidoyer pour étudier le droit à l’école

Classé dans : Éducation, Mouvement libriste | 28

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Zara - CC by-saUn jour que je questionnais une élève sur ses pratiques numériques qui me semblaient un peu confuses, j’ai eu cette curieuse mais révélatrice réponse  : «  si je peux techniquement le faire, je ne vois pas pourquoi je me l’interdirais, de toutes les façons tout le monde le fait, et puis ça ne fait pas de mal à une mouche  ».

L’élève étant manifestement de bonne foi (et bonne élève de surcroît), cet épisode me plongea dans un abîme de perplexité. Ici la possibilité de faire vaut droit de faire  !

Effectivement, au sens propre du terme, on ne fait physiquement pas de mal à une mouche. Point besoin d’explication pour comprendre d’emblée que ce n’est pas bien de voler l’orange du marchand et que si d’aventure l’on s’y essayait on pourrait se faire prendre. Il en va autrement sur Internet où non seulement il est très facile et sans risque de voler l’orange, mais on ne sent pas spontanément que l’on est en train de commettre un délit puisqu’on ne dépossède pas le marchand de son orange, on ne fait que la copier[1].

J’eus alors l’idée de jeter un œil du côté des programmes officiels de l’institution scolaire. Et voici ce que je lus noir sur blanc dans celui de l’ECJS au lycée  : «  Le seul savoir nouveau auquel il faut initier les élèves, grâce à l’ECJS, concerne le droit, trop ignoré de l’enseignement scolaire français. Il s’agit de faire découvrir le sens du droit, en tant que garant des libertés, et non d’enseigner le droit dans ses techniques.  »

Le droit serait donc trop souvent ignoré. Il est rare de voir l’Éducation nationale nous faire un tel aveu. Surtout lorsque, comme nous le rappelle l’adage, «  nul n’est censé ignorer la loi  ». Et puis il y a cette phrase à graver dans le marbre  : «  Il s’agit de faire découvrir le sens du droit en tant que garant des libertés  ».

À sa décharge, reconnaissons que du temps d’avant Internet, un jeune était bien peu souvent confronté directement et personnellement à des questions juridiques. Mais la situation a changé aujourd’hui avec l’avènement des nouvelles technologies. Pas un jour sans qu’il ne rencontre, implicitement ou explicitement, des problèmes de vie privée, de droits d’auteur, de contrats ou de licences d’utilisation. Et rien ne distingue à priori un adulte internaute connecté au Net d’un adolescent internaute connecté au Net.

Un Internet qui est par essence ouvert, permissif et partageur. Rappelons-nous ce qui a été joliment dit dans un article précédent  : «  La copie est pour les ordinateurs ce que la respiration est pour les organismes vivants  ».

Nous voici donc projetés dans un nouveau monde étrange où la copie est naturelle et donne accès à un formidable univers de possibles. Elle est tellement naturelle qu’il est presque impossible d’ériger des barrières techniques pour la limiter. Tôt ou tard elles seront levées. Si pour diverses raisons vous voulez la contraindre ou l’abolir, l’arsenal technique est vain. Il n’y a que la loi qui puisse vous secourir. Une loi non coercitive qui n’apporte pas automatiquement avec elle ses verrous numériques. Elle dit simplement ce qui doit ou ne doit pas être. Elle demande avant tout une posture morale. C’est pourquoi, ici plus qu’ailleurs, elle nécessite une éducation.

Oui, dans la pratique, je peux tout faire ou presque sur Internet, mais ai-je le droit de tout faire  ? Et si tel n’est pas le cas, ai-je bien compris pourquoi on me le refuse  ?

Non pas une éducation passive qui se contenterait d’égréner les grandes lois en vigueur. Mais une éducation active qui met en avant celles que les jeunes rencontrent même sans le savoir au quotidien. Une éducation qui interroge ces lois en même temps qu’elle en donne connaissance. D’où viennent-elles  ? Comment ont-elles évolué  ? Sont-elles toujours pertinentes aujourd’hui  ? Une éducation qui ne s’interdit pas l’analyse critique en prenant conscience qu’à l’heure du réseau on peut réellement le cas échéant se donner les moyens de participer à leurs «  mises à jour  »

Dans le cas contraire, nous prenons le risque que la réponse de mon élève devienne la réponse de toute une génération.

Parce que si possibilité de faire vaut droit de faire, alors c’est le chaos qui nous guette et vous obtenez une armée de «  rebelles sans cause  » sur laquelle vous ne pouvez pas vous appuyer. On a ainsi pu dire, lors du débat sur la loi Hadopi, que l’on était en face de la «  génération du partage  ». Rien n’est moins vrai malheureusement, le partage existant bien moins dans la tête des jeunes que dans le paramétrage par défaut de leurs logiciels de P2P. Preuve en est qu‘ils se ruent désormais sur les plateformes de direct download (RapidShare, MegaVideo…) où tout est centralisé sur un unique serveur, où le partage a pour ainsi dire disparu.

Parce que si possibilité de faire vaut droit de faire, comment voulez-vous de plus expliquer à un jeune ce qu’est un logiciel libre. Il n’y verra aucune différence avec un logiciel gratuit ou piraté. Il n’aura alors plus d’autres qualités que celle de son usage, et à ce petit jeu-là c’est souvent le logiciel commercial cracké qui l’emporte.

Parce que si possibilité de faire vaut droit de faire, «  l’Alternative Libre  » ne sera ni comprise ni soutenue. Si adhésion, enthousiasme et énergie il y a chez ceux qui la défendent, c’est parce qu’ils savent que tout autour on érige des murs toujours plus hauts. Que ces murs puissent aujourd’hui facilement être franchis ou contournés n’est pas le plus important ici. C’est aussi en respectant scrupuleusement toutes les conditions d’utilisation, même les plus drastiques, des projets numériques que l’on découvre qu’il existe d’autres logiciels, d’autres encyclopédies, d’autres cartes du monde ou d’autres manières de faire de la musique.

Tout membre de la «  Communauté du Libre  » possède un minimum de connaissances juridiques. En face de la moindre ressource, son premier réflexe est de s’enquérir de sa licence. Quels sont mes droits et mes devoirs  ? Quelles sont les conditions de son usage, de sa copie, de sa modification  ? Il n’est ainsi guère étonnant qu’il soit l’un des seuls à réellement lire et respecter les contrats d’utilisation lorsqu’il installe un logiciel ou s’inscrit à un service Web. Ce savoir-là ne s’est pas construit grâce à l’école (parfois même malgré l’école). Il a été acquis sur le tas, en autodidacte, parce que, motivé, il a simplement cherché à comprendre de quoi il s’agissait. Se faisant notre membre s’est donné des clés pour mieux appréhender le monde contemporain, pour mieux y participer aussi.

On le retrouvera dès lors logiquement en première ligne de batailles DADVSI, Hadopi, ACTA, Brevets logiciels ou neutralité du réseau, qui sont autant des batailles politiques et techniques que des batailles juridiques qui ne peuvent être gagnées sans une connaissance précise et pointue de la legislation du moment. D’ailleurs, comme c’est curieux, ces batailles sont menées pour que le droit soit véritablement le «  garant des libertés  » et non l’inverse  !

Ces batailles sont aussi menées au nom d’une certaine idée de la justice. On peut bien sûr s’y opposer parce qu’on en a une autre idée mais aussi longtemps que le droit sera ignoré à l’école, ce qui risque surtout d’arriver c’est de ne pas avoir d’idée du tout  ! Méconnaissance et indifférence sont nos pires adversaires ici. Elles nous condamnent à faire partie d’une minorité d’initiés éclairés ne réussissant pas à trouver assez de renforts pour peser durablement sur le cours des évènements.

Oui, il y a urgence à démocratiser et «  faire découvrir le sens du droit en tant que garant des libertés  » à la jeune génération qui manque cruellement de répères en la matière, à un moment où, Internet oblige, de plus en plus de questions se posent tout de suite à elle. Différer à plus tard son étude revient non seulement à s’en remettre aveuglement entre les mains des experts mais surtout à prendre le risque de devenir un spectateur passif et inculte de l’évolution actuelle de nos sociétés.

Il est dit que «  concourir à la formation de citoyens libres, autonomes, et exerçant leur raison critique dans une cité à laquelle ils participent activement est une des missions fondamentales du système éducatif  ». Impossible de ne plus y inclure le droit dans ce noble et ambitieux objectif.

Notes

[1] Crédit photo  : Zara (Creative Commons By-Sa)

28 Responses

  1. Florian Birée

    Plus que l’apprentissage du droit, c’est un enseignement de la politique qui devrait être nécessaire. Envisagé lors de la révolution française comme une suite logique à l’enseignement scolaire, l’apprentissage de la question démocratique est essentiel pour que les citoyens s’investissent dans la construction de leur société.

    L’apprentissage de la démocratie, ce n’est bien évidemment pas savoir par cœur la liste des partis politiques, ou les vainqueurs des dernières élections, mais apprendre à élaborer des décisions par le débat, en confrontant des opinions diverses, en apprenant à délibérer collectivement (et non pas juste à voter), etc.

    Et cela conduit naturellement au questionnement des institutions (comment elles fonctionnent, qui décide de quoi, comment moi citoyen je peux y participer – ou pas, quel contrôle ai-je dessus – révocation des mandats ? – etc), et au questionnement du droit (que dit-il, comment a-t-il été élaboré, quels sont les causes et les gens qui ont conduit à que tel point du droit soit adopté, quels en sont les conséquence).

    À voir sur la question la passionnante conférence gesticulé de Franck Lepage sur l’éducation populaire (sur http://www.scoplepave.org/ – le site est indisponible actuellement).

  2. regisg

    Soit dit en passant : les termes [citoyens] "libres", "autonomes" et "raison critique" sont dans cet article montrés comme allant de soit. Hors il s’agit de présuposés philosophique qui, à mon avis, montrent justement en ce moment toutes leurs limites… ce qui explique en grande partie les problèmes que rencontre aujourd’hui l’école. Nous ne sommes peut-être ni libres, ni autonomes ( cad… connectés ? 🙂 ) et nous ne possédons peut-être pas cette chère raison pratique Kantienne.

  3. PoluX

    « Rappelons-nous ce qui a été joliment dit dans un article précédent : « La copie est pour les ordinateurs ce que la respiration est pour les organismes vivants. » »

    C’est marrant de lire ça, en gardant à l’esprit ce qu’un barbu écrivait il y a plus de 25 ans … :
    « De copier tout ou des parties d’un logiciel semble aussi naturel à un programmeur que de respirer, tout aussi productif. Cela aussi devrait être libre. »
    -+- Richard Stallman, Manifeste GNU -+- http://www.gnu.org/gnu/manifesto.fr

  4. modagoose

    L’école, l’endroit où l’on n’apprend rien…

    Je suis volontairement provocateur mais je le pense sincèrement. Un endroit où les imbéciles s’épanouissent en obtenant des diplômes ( je ne dis pas que tous les diplomés sont des imbéciles ) et où les gens intelligents s’ennuient à mourir. Au lieu de former des citoyens, cette institution forme des Hommes et des Femmes amputés du sens critique. Ca ne va pas sans poser de problèmes en démocratie.

    Cette jeune fille a partiellement raison quand elle dit : "si je peux techniquement le faire, je ne vois pas pourquoi je me l’interdirais…"
    Partiellement parce qu’elle se trompe dans la deuxième partie en disant : "…de toutes les façons tout le monde le fait, et puis ça ne fait pas de mal à une mouche."

    Elle n’a pas de sens critique et est donc incapable de former une analyse concernant ses actes et se contente de croire paresseusement que la majorité a raison. C’est un comportement de consommateur. Du coup, son acte initial qui pourrait être le résultat d’un choix et donc avoir une portée politique se résume juste à suivre le troupeau et à utiliser un outil peu maîtrisé pour faire comme tous les monde et obtenir ce qu’elle veut. A l’inverse, demain, elle pourra faire partie des accusateurs sans cerveau qui défendent des lois liberticides parce qu’un gourou ou son environnement social l’aura convaincu que télécharger c’est le MAL.

    Si l’école faisait son travail ( je parle de l’institution ), elle formerait les citoyens en devenir en développant leur sens critique par un apprentissage accru du langage écrit et parlé, la seule chose indispensable pour comprendre tout le reste. Ensuite, ces citoyens pourraient faire le choix, en toute conscience, en comprenant ce que cela implique, de vivre en démocratie parce qu’ils en auraient compris les enjeux. Ils seraient les garants de cette démocratie par leurs actes, et pas simplement en votant. Ils empêcheraient naturellement les fascistes de gagner des points aux élections.

    Mais ça intéresse qui de former des citoyens qui pourraient remettre en cause les grands dogmes du Capitalisme au lieu de futurs consommateurs ?

    Donc cette jeune fille a raison parce qu’en tant que consommatrice, si on lui donne les moyens de consommer facilement et gratuitement, ce que parallèlement on veut lui vendre, il n’y a pas de raisons pour qu’elle paie, vu qu’effectivement, elle ne consomme que des copies. Juste en passant, le Direct download n’est pas illégal, ce qui l’est, c’est le partage. Autrement dit, c’est celui qui upload le fichier sur Megaupload qui risque d’avoir des problèmes, pas celui qui le télécharge, à partir du moment où il ne le re-upload pas lui-même. Etonnant, non ?

    On devrait se poser la question du pourquoi le P2P qui est un outil de partage et donc de socialisation et donc de réseaux est réprimé par la loi, alors que la diffusion centralisée de fichiers qui sont des copies ne l’est pas. Je pense, mais ça n’engage que moi, que "quelqu’un" est en train, non seulement d’habituer toute une génération de consommateur à downloader du fichier centralisé et donc maîtrisé par un tiers, mais en plus, de mettre en place sur le Net un modèle économique qui ressemble beaucoup aux chaînes de distributions de la réalité.

    Au lieu d’agiter le spectre du gendarme pour apprendre à cette jeune fille le Bien et le Mal en matière de consommation numérique, il faudrait quelqu’un en face, quelqu’un qui sache de quoi il parle pour lui expliquer ce qu’elle fait et en quoi toutes les choses ne sont pas équivalentes ( DDL, P2P, licences libres, licences de libre diffusion, droits d’auteur, copyright, logiciels libres, freewares, logiciels crackés, etc, etc… )

    Je ne critique pas les profs qui sont eux-mêmes partie d’un système dont ils ne maîtrisent pas grand chose. Néanmoins, il y a de très bons profs qui diffusent des modes de pensées contestataires, alternatifs et subversifs, ce qui peut amener certains élèves dans un contexte le favorisant, à réfléchir et à se construire un sens critique. Pour ma part, heureusement que j’avais des parents et une bibliothèque fournit à la maison…

  5. Zitor

    Je voudrais juste rappeler que l’ECJS au lycée est enseigné par des profs "non formés", si j’ai bien compris, si un prof veux enseigner l’ECJS, il doit passer un stage d’une durée assez courte.
    Donc forcément, ce cours là et simplifier à l’extrème et souvent mal compris par les profs qui les enseignent.

    Si vous voulez tenir face au flot de questions d’une classe de lycéen, il faut avoir de sérieuses bases en droit. Voir même être professionnel du Droit (avocat/juge/…).
    Sachant que l’ECJS doit représenter 1h toute les deux semaines dans l’emploie du temps d’un élève, est-il necessaire d’embaucher un nouveau fonctionnaire ?

    De plus, la tendance serait plus a licensier qu’a embaucher.

  6. exprezzz

    quand mes élèves me répliquent le fameux "si je peux techniquement le faire, je ne vois pas pourquoi je me l’interdirais…", je leur réponds que techniquement, je peux leur donner une baffe, par contre, légalement, je risque gros 🙂 En général, ils l’admettent…

  7. Melvil

    On peut retourner la question : Qui a intérêt à ce que l’on continue à ne pas enseigner le droit à l’école ?

    Beaucoup de candidats pour la réponse, à commencer par les juristes eux-mêmes qui ne souhaitent surtout pas que l’on touche à leur pré carré.

  8. existence_primordiale

    … la Technique , c est le Mal .

  9. antistress

    Moi qui suis juriste je ne me suis toujours demandé pourquoi une fois le bac en poche je maitrisais les dérivées et les intégrales mais n’avais aucune notion juridique. Quel est le plus important pour la majorité des citoyens ? Connaître un minimum le droit, et aussi le fonctionnement de nos institutions, me semblent être indispensable. L’école jusqu’au bac ne me l’a pas appris.

  10. euroseptik

    Vous êtes fous ! Vous allez déranger les politiques, lobbyistes et technocrates qui élaborent tranquillement les lois dans les couloirs de Bruxelles !

  11. Marmoth

    La question soulevée dans cet article est délicate. L’élément primordial est à, mon avis, de savoir quel droit enseigner. La liberté offerte par l’apprentissage du droit dépend largement de la relation entretenue avec ce dernier. Autant le droit peut-il être perçu comme une nécessité morale, comme une condition du vivre ensemble (et donc indirectement de la liberté individuelle au sein d’une société), autant peut-il jouer le rôle de simple règle du jeu, potentiellement biaisée, entre les différents acteurs de la société.

    Je note au passage que certaines théories du droit, dominantes aujourd’hui (le positivisme juridique http://fr.wikipedia.org/wiki/Positi… et le réalisme juridique http://en.wikipedia.org/wiki/Legal_…) se détachent largement de la logique morale pour se reposer sur les seuls textes de lois, respectivement les décisions effectives des juges.
    Dans ce contexte, il n’est pas rare de voir se développer parmi les juristes les plus experts (et les mieux payés), en matière d’optimisation fiscale notamment, une logique du "pas vu, pas pris" et du "tout le monde fait comme ça alors pourquoi pas moi" voire du "si je ne le fais pas et que tout le monde le fait, je peux fermer boutique". Je crois voir une parenté évidente entre ces comportements et celui de l’élève mentionnée dans cet article.
    Ainsi, si l’on veut développer l’esprit critique, il me semble nécessaire d’adopter une approche du droit liée à la morale et à la philosophie afin de développer non pas une connaissance du droit technique, mais un sens de la justice renforcé par une capacité d’argumenter et de construire un raisonnement pour le défendre.

  12. Quentyn

    C’est sûr qu’un minimum de connaissance ne ferait pas de mal. Cela permettrait déjà de comprendre que les lois sont relatives et non immuables. Elles ont une histoire, une évolution, elles sont ce que les hommes en font selon les circonstances du moment.

    Si on descend dans la rue et on demande la différence entre "copyright" et "droits d’auteur" ou entre "droit patrimonial" et "droit moral", on serait surpris du résultat.

  13. jerome

    Si on prend la peine d’y réfléchir un peu, on est dans une société qui nous surveille et nous contrôle de plus en plus, sans nous expliquer les choses – ou alors quand on nous explique on n’est pas capable de comprendre. Cela s’appelle de l’infantilisation.

  14. nico

    Et si nos enfants s’inspiraient tout simplement de cette classe politico-médiatico-patronale qui nous dirige ?
    Rappelons que nombre d’entre eux, et pas les moins médiatiques, ont la possibilité de détourner leurs mandants de leurs fonctions d’intérêt général vers l’intérêt particulier, et le font sans vergogne en se cachant de moins en moins…
    Que dire quand c’est cet exemple qui s’étale chaque jour dégoulinant au 20h ?
    Les donneurs de leçons sont les premiers, et les plus grands, des bandits, et tout le monde le sait mais tout le monde le tait.
    Marmoth a raison, le droit n’est qu’un outil, sans une approche liée à la morale et à la philosophie, pour tendre vers la justice, le droit sert à protéger le bandit et à opprimer le faible.

  15. le hollandais volant

    Apprendre la droit et la politique à l’école permettait au peuple de savoir quand le gouvernement dépasse les bornes.

    Ce serait bien trop dommage pour le gouvernement, d’où l’interdiction aux prof de, ne serais-ce que mentionner la politique dans les écoles…

  16. Raphaël Florès

    Etant moi-même étudiant en droit, je pense comprendre le peu de place du droit dans le système éducatif français.

    Déjà, un premier point: le droit, tel qu’on nous l’enseigne actuellement, est chiant. C’est majoritairement du droit privé, afin de former maints avocats et notaires, où le débat de société n’a guère sa place: il sera plus important de citer la jurisprudence en vigueur que de réfléchir au fond d’une question. De même, le droit public n’est guère enseigné que comme une règle intangible que le bon fonctionnaire doit connaître sur le bout des doigts, sans se soucier des questions sous-jacentes (comme le fonctionnement de l’Etat, des collectivités territoriales, des institutions internationales…).

    C’est une bonne façon de faire le tri entre les très nombreux "candidats", mais certainement pas la meilleure solution pour intéresser les petits citoyens à notre cadre permanent. Et cela dure pendant toute la licence: 3 ans à ne faire que ça, alors imaginez donc au lycée! Les très chères têtes blondes seraient, au mieux, lobotomisées par une avalanche de textes de loi & d’une jurisprudence dont ni l’historique ni le contexte ne seraient suffisamment développées.

    Le principal problème n’est pas que le grand méchant loup capitaliste veut une armée de moutons, ceux qui s’imaginent ce phantasme n’ont jamais du ouvrir un seul livre d’économie (mis à part le fallacieux Capital marxien). Le véritable souci en France est qu’on refuse l’innovation: pousser les apprentis juristes à inventer le droit de demain, plutôt qu’à conserver un droit périmé mais sécurisant par sa "simplicité", voici la solution.

    Néanmoins, cet l’humiliant statut de dictaphone n’est pas rejeté par tous les étudiants (et lycéens, voire citoyens tout court) car ils y voient une sécurité très forte. Ne pas se demander pourquoi, c’est rassurant: il suffit d’appliquer le Code (de procédure) civil(e) / pénal(e) ! Combien sont capables de s’interroger sur la pertinence de tel article, de tel chapitre, ou même de notre hiérarchie juridique ? Mais surtout, combien ont envie ?

    Très peu, tellement peu qu’à mon sens environ 3/4 des personnes entrant en droit (souvent par défaut d’ailleurs) n’y ont pas leur place. Alors, avant de vouloir faire entrer le droit au lycée, commençons par en faire entrer le sens dans l’esprit de ceux qui sont déjà censés l’étudier: instaurer un ensemble de règles qui dépasse, voire qui transcende la subjectivité de chacun.

    Et pour rappel, l’ECJS n’est quasiment pas suivie au lycée: soit le prof s’en fout, soit les élèves, soit les deux (l’excuse de l’emploi du temps n’est pas valable, car rattraper un autre cours à la place est d’une hypocrisie qui ravit tout le monde). Alors, avant même de s’attaquer au droit il faudrait déjà penser à faire de l’ECJS un véritable cours.

  17. Ginko

    Comme plusieurs commentaires le disent, cet article est sur un terrain politique très glissant…

    Comment éduquer la masse (celle des non-libristes, autodidactes en droit) quand la classe dirigeante (au sens large) a tout intérêt de ne pas le faire ?

  18. trantorien

    Je ne suis peut-être pas objectif (je suis docteur en droit) mais cet article me semble frappé au coin du bon sens.

    Au lycée, plutôt que d’apprendre combien la République soviétique d’Azerbaïdjan produisait de porcs entre 1952 et 1954, il serait nettement plus pertinent de se pencher sur des sujets plus prosaïques mais ô combien plus importants.

    Et arrêtons de dire que la philosophie est la solution et un pré-requis. La philo au lycée est ce qu’il y a de plus dogmatique : apprenez ce que dit le prof, recrachez-le à l’examen. Point. Surtout ne remettez pas en cause Nietzsche ! Qui êtes-vous pour oser pareil outrage ?!

    Je suis d’accord avec Raphaël Florès : les 3 premières années sont chiantes (à l’exception du constitutionnel en 1ère année et du pénal en 2ème).

    Mais là où je ne suis plus d’accord, c’est lorsqu’il dit qu’apprendre le droit au lycée lobotomiserait les élèves. Ainsi, en maitrise, j’ai suivi un cours de théorie générale du droit qui volait très haut mais qui, paradoxalement, prouvait qu’il était possible de faire comprendre le droit aux "masses".

    Le droit n’est pas qu’une juxtaposition de textes et de jurisprudence. Il y a un esprit derrière tout ça. (Montesquieu… L’esprit des lois… Ça vous dit quelque chose ?).

    Et qu’on arrête de nous rebattre les oreilles avec l’enseignement au primaire de la morale, de la tolérance religieuse et toutes ces fadaises pour endormir le chaland et donner bonne conscience à l’Éducation nationale.

    Arrêtons de bourrer les crânes à coup de connaissances. Commençons plutôt à les faire réfléchir.

  19. Jujens

    Je rejoins Raphaël sur le cours d’ECJS. En première et en terminale, l’ECJS était assuré par notre prof d’histoire-géo qui l’utilisait souvent pour faire ses cours habituels pour être sûr de pouvoir finir le programme avant le BAC. Et pour les quelques cours que nous avons eu, il admettait qu’il n’y avait rien de vraiment arrêter, de programme, que la notion était tellement vaste (floue ?) qu’il pouvait faire un peu ce qu’il voulait. Il s’en servait alors en complément de cours pour approfondir certains points du programme. Il faudrait peut être déjà dire aux enseignants de quoi ça retourne.

    Le sens du droit et de la morale est censé nous être plus ou moins inculqué via le cours de philo qui traite de ces notions et pourrait nous faire acquérir un certain sens critique.
    (@ trantorien : tous les profs de philo ne sont pas complètement fermé à la critique des textes qui peuvent dans tous les cas servir de base à notre propre réflexion, qu’on soit d’accord avec l’auteur ou contre et leur définition du sujet certes dogmatique est souvent plus précise et juste que celle des élèves remplies d’idée préconçues).
    Encore faudrait-il que nous, élèves, les approfondissions (les notions surtout mais aussi quelques textes), un maximum seul pour acquérir note propre "philosophie"/réflexion malgré les "préjugés" envers cette matière (surtout en S).
    Le sens critique devrait aussi s’acquérir via le français avec une critique des textes par exemple, ou l’apprentissage de la construction et de la réfutation d’un argumentaire solide.

    Je pense néanmoins aussi qu’il faudrait que l’on nous apprenne plus le fonctionnement des institutions pour savoir comment le système devrait fonctionner et ainsi repérer plus facilement les dérives. En effet, avoir un sens moral c’est bien mais il faut aussi être conscient du versant pratique des choses.

  20. aveldro

    Etudier le droit à l’école…
    D’autres vous diront qu’il faut des cours d’économie dès la seconde, au moins, ou que ce n’est pas en terminale seulement qu’il faut faire de la philo, mais dès la 6ème.
    Moi qui suis passionné d’astronomie et (un peu) musicien, je déplore que ces matières soient absentes, où si mal enseignées ! Et bien sûr, il faudrait aussi que nos élèves fassent de la programmation…
    Tout ça pose le réel problème de "quoi enseigner" sans transformer nos élèves en stakhanovistes…
    Une chose est sûre, c’est que le programme de maths en France (en série S du moins) est bien plus chargé que dans la plupart des pays européens. L’essentiel du programme de term. S n’est abordé qu’à l’université dans de nombreux pays. Les organisateurs d’échanges scolaires en Allemagne n’ont de difficultés qu’avec la France, car à age égal, la différence de niveau de ce qui est enseigné est trop importante.

  21. Raphaël Florès

    En effet c’est bien la réflexion qui est importante comme vous le soulignez tous, mais elle suppose des bases plus générales que beaucoup refusent longtemps (politiques donc, mais aussi philosophiques et historiques): à mon avis il vaudrait mieux un véritable enseignement de "culture générale" que de droit, car on tomberait inéluctablement dans le piège de la "pratique" qui enferme ces débats dans une prétendue théologie inutile (en fait tout ce qui est théorie, bien qu’appliquée au quotidien, rebute beaucoup de monde) et où l’on se contenterait de passer un autre et lamentable ASSR (Attestation Scolaire de Sécurité Routière) plutôt qu’une réelle sensibilisation en profondeur.

    Tout ça me fait énormément penser aux fameuses "classes prépas" tellement françaises: pendant des années, on subit un grave lavage de cerveau à force d’amasser des informations, sans qu’un réel travail de synthèse global soit proposé. Alors, commençons plutôt par simplifier des cours (l’exemple des maths est éloquent) afin de permettre à l’élève de faire du ménage dans sa tête et de mieux savoir ce qu’il voudrait faire et ce qu’il pourrait faire.

    Le taux d’échec, et de réorientation en L1 (toutes filières confondues) en dit long: le caractère trop généraliste du lycée général (oh oh) donne de fausses illusions à des dizaines de milliers de jeunes chaque année, donc recadrons plutôt qu’encore une fois nous disperser.

    Mais le lobby des profs néglige l’avenir de leurs élèves: est-il normal qu’au collège il y ait plus d’heures de "technologie" (assembler deux Légos pour faire un porte-clé lumineux) que d’informatique ? Tant que ces dinosaures n’auront pas compris que c’est à l’école de s’adapter au monde moderne, et non l’inverse, toute l’Education Nationale et même l’Enseignement Supérieur péricliteront.

    Qu’un politique se lève pour enfin dire ça, et je vote pour lui!

    Ah et j’en profite pour rappeler que nos institutions sont étudiées en … Histoire ! Les ES et les L se penchent un peu sur la IV° République, mais la V° République est vue en détail par tous. Or les élèves s’en foutent la plupart du temps ! Comment les intéresser, si personne ne modifie vraiment l’emploi du temps des années précédentes ?

  22. kiri

    Oui la possibilité, donne au moins l’idée de libérer le logiciel.

    Il n’y a pas de droit, de droit d’auteur, pas de lois

    La loi est faite pour les classes d’en bas, pas pour en haut, de meme que pour les taxes.

  23. kiri

    La loi est l’équivalent de la loi des religieux, ou de la bible : des belles paroles, des belles idées

    Une autre chose sur les lois que la réalité vous apprendra : les lois sont faites pour être contourné ( ou beaucoup d’entres elles).

    C’est l’espace entre l’idyllique et la réalité, avec ses réalités psychologique, sociologique, société, humaine.

  24. Zamenhof

    très juste ! kiki a là mis en évidence é faits importants, le premier encore trop méconnu est un fait social (en fait biologique : c’est tout simplement le comportment des "niches écologiques" en écologie !) universel: les "religion", dans leur role social, ctructures mentales, psychologies engendrées, et structures de pouvoir engendrées, sont un phénomène universel, qui survit à la mort de la foi en Dieu, il apparaît simplement d’autres "religions", le culte de l’ "hygiéne et sécurité" par exemple, pour prendre notre société actuelle. (mais il y a eu aussi le marxisme-léninisme ou la patrie qui se sont transformé ainsi).
    Et psui que les lois sont sovent, parfois systmatiquement "tournées" tout le monde sait ça, ça relativise bien des choses ! Les lois ne sont que des conventions, et le reflet d’un rapport de forces social, elles ‘ont qu’on rapport indirect, parfois fort lointain ! avec la morale, il est apparemment saisn, mais en fait malsain, d’avoir pour elle un respect "religieux", de se poser la question si on doit tojours les respecter ou pas, est un vaste et difficile problème, mais doit être posée et appris, même dès l’école (et souvenez-vous du temps ou cacher un juif ou un résistant était illégal la loi a aussi interdit des choses comme le port du pantalon aux femmes, il a fallu à la première une autorisation particulière du ministère)

  25. apitux

    @Florian Birée

    J’ai vérifié et je n’ai trouvé aucune mention de licence (art libre ou autre) pour les conférences gesticulées. C’est donc le droit d’auteur qui s’applique par défaut : sans mention de licence, il faut obtenir une autorisation explicite pour chaque utilisation hormis quelques exceptions très restrictives (citation, copie privée).

    Bien entendu, je ne demande qu’à être contredit si j’ai mal cherché !

  26. Naar

    Très intéressant, cet article !

    Nouvel ajout à ma ToDo List de la semaine :

    * Imprimer l’article et l’accrocher sur le tableau d’affichage du hall d’accueil du lycée.