Le code source du Kindle d’Amazon : Beaucoup de bruit pour rien, hélas !

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goXunuReviews - CC byAmazon a publié récemment le code source du système d’exploitation de sa nouvelle tablette liseuse Kindle Fire basée sur Android.

D’aucuns ont salué cette libération et souhaité la bienvenue à Amazon dans le club de l’open source.

D’autres, comme ici la Free Software Foundation de Stallman (ou Numerama), ne sont pas dupes et demandent légitimement d’aller beaucoup plus loin.

Il y a un monde entre respecter les licences et contribuer effectivement à la communauté[1].

Le code source du Kindle d’Amazon  : Beaucoup de bruit pour rien

Amazon’s Kindle source code : Much ado about nothing

Brett Smith – 30 novembre 2011 – FSF.org
(Traduction Framalang  : Don Rico et Goofy)

Il y a eu cette semaine beaucoup de battage concernant la mise à disposition par Amazon du code source du logiciel de ses Kindle, incluant le Kindle Fire. Cette médiatisation à outrance est en grande partie injustifiée. Certes, on peut télécharger le code source qu’Amazon a été dans l’obligation légale de publier, mais la plupart des logiciels sur ces appareils restent privateurs, et chaque Kindle est encore «  Defective by Design  » (NdT : Défectueux par conception).

La principale source de confusion serait que le système d’exploitation du Kindle Fire est basé sur Android. Google distribue le code source d’Android sous licence Apache, une licence de logiciel libre qui n’est pas copyleft. En général, les appareils tournant sous Android comprennent aussi quelques logiciels non-libres, mais le code source suffit à créer un système d’exploitation libre et riche en fonctionnalités. Le projet Replicant en est la preuve  : il vise à créer des systèmes entièrement libres pour divers appareils Android.

Lorsque Amazon a publié le code source de son Kindle Fire, certains journalistes semblent avoir présumé que l’étendue de cette publication serait similaire à celles de Google. Il n’en est rien – Amazon a seulement publié le code source des programmes placés sous licence GPL (GNU General Public Licence) et LGPL (Lesser General Public License). Ces licences exigent toutes deux d’Amazon qu’elle mette à disposition ce code source, afin qu’elle puisse distribuer les logiciels du Kindle Fire couverts par ces mêmes licences. Amazon s’est contenté de respecter ces obligations légales précises, sans aller plus loin. Aucune ligne du code source publié par Amazon n’est propre à Android, et n’inclut en aucun cas la moindre modification apportée par Amazon à l’interface utilisateur d’Android.

En outre, publier cette quantité minimale de code source ne résout en rien la question des Gestions de Droits Numériques (Digital Restrictions Management / DRM) d’Amazon. Les logiciels privateurs présents sur le Kindle empêchent toujours les utilisateurs de copier et de prêter les livres et les différents médias qu’ils ont pourtant achetés. Il est néanmoins possible que ce code source facilite la tâche de hackers (NdT  : bidouilleurs) entreprenants qui souhaiteraient installer de nouveaux logiciels sur ces appareils en se débarrassant des DRM, mais personne ne devrait avoir à fournir des efforts herculéens dans le seul but de jouir des droits que leur aurait conféré un livre imprimé. Le meilleur moyen d’échapper à ces restrictions draconiennes des DRM est de refuser d’acheter un Kindle. Toutes nos critiques passées à l’encontre du Kindle et de son caractère «  Défectueux par conception  » restent d’actualité.

Si Amazon tient vraiment à faire un coup médiatique, elle devrait abandonner ses DRM et faire en sorte que tous les logiciels présents sur le Kindle soient des logiciels libres. Cela permettrait aux possesseurs de Kindle d’utiliser leur appareil et leurs médias comme bon leur semble. Voilà qui représenterait un véritable changement pour cette entreprise. La publication de code source dont elle s’est fendue n’a rien d’une telle révolution  : Amazon ne fait que se conformer à une obligation légale (ce qu’elle fait depuis la première version du Kindle), et cela ne mérite même pas un entrefilet.

Notes

[1] Crédit photo  : goXunuReviews (Creative Commons By)

6 Responses

  1. Nicolas Cynober

    Hello,

    Je suis pas un expert du sujet, et l’article m’a amener à me poser quelques questions.

    Je comprends la déception par rapport aux bénéfices que pourraient apporter une ouverture complète d’un device comme le kindle.

    Ceci-dit, même si Amazon devait publier le code (car sous licence GPL), est-ce que ce dernier était obligé de choisir cette licence ? Amazon aurait bien pu tout garder fermer, non ?

    Si les contributions open source ne mérite pas d’entrefilet (c’est à dire zéro communication), autant tout laisser complètement fermer ?

  2. Taneleo

    Les choses avancent petit à petit. Pour que des entreprises de cette taille, implantée dans un pays où le brevet logiciel est quasi un droit fondamental, se mettent d’accord pour utiliser et réutiliser des mêmes briques logicielles, c’est vraiment que les choses évoluent. Bien que ça mette du temps.

    Alors merci aux libristes, même si ici ils sont utilisés que de la main d’oeuvre chinoise. Le Logiciel Libre n’implique pas que nous devons adhérer à la « philosophie » du Logiciel Libre. On peut prendre le logiciel et se barrer avec. Et compte tenu du type de société dans laquelle on vit, il ne faut pas trop s’étonner que ce soit une pratique courante.

    Le Logiciel Libre montre que l’entreprise n’est pas le seul moteur de la société. C’est dans cette voie qu’il faut s’inscrire et persévérer à présent, notamment en demandant aux politiques la même considération qu’ils donnent au monde de l’entreprise et du patronat; mais il faudra penser à s’organiser d’abord.

  3. Ginko

    @Nicolas Cynober:

    Il me semble que le code source publié est tout simplement le code déjà sous GPL qu’ils ont réutilisé. Ce n’est pas du nouveau code.

  4. Gee

    @Nicolas Cynober
    « Ceci-dit, même si Amazon devait publier le code (car sous licence GPL), est-ce que ce dernier était obligé de choisir cette licence ? Amazon aurait bien pu tout garder fermer, non ? »

    Non justement : la licence GPL est copyleft, ce qui signifie que toute utilisation d’un code GPL implique de publier le code dérivé sous GPL également. Donc ils avaient obligation légale de publier le code *car* ils avaient obligation légale de le mettre sous GPL.

    Bien sûr, s’ils ne publient pas le code, tu ne peux pas savoir s’il y a du GPL dedans, mais s’il y a suspicion, il peut y avoir dépôt de plainte et audit de code pour vérifier s’il y a eu violation de licence ou non (il me semble que c’est déjà arrivé, quelqu’un aurait un exemple ?).

    @Taneleo
    « Le Logiciel Libre n’implique pas que nous devons adhérer à la « philosophie » du Logiciel Libre. On peut prendre le logiciel et se barrer avec. Et compte tenu du type de société dans laquelle on vit, il ne faut pas trop s’étonner que ce soit une pratique courante. »

    D’où l’intérêt des licences copyleft par rapports aux licences libres plus permissives (cf BSD par exemple) : ne pas se faire bouffer. Certains diront que cela réduit la liberté (pas de liberté de le publier sous une autre licence), mais c’est la seule arme que nous avons vraiment…

  5. Ginko

    @Gee :

    Oui, les exemples de ce type ne manque pas, une petite recherche du genre « code gpl truc » avec « truc » = par exemple freebox (mais ça marche au moins aussi avec orange ou sfr, il me semble) remonte déjà pas mal de chose. (ex.: http://www.pcinpact.com/news/47507-… )

    Vu que le noyau Linux et souvent quelques composants supplémentaires genre la busybox sont intégrées dans la grosse majorité des GPS, routeurs, serveurs NAT, etc, ce genre de chose arrive plutôt souvent.