L’exemple Unicef ou le cas des licences libres dans les institutions publiques

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Copie d'écran - UnicefLe blog de Sésamath nous informe que l’Unicef France invite prochainement les enseignants à fêter le vingtième anniversaire des droits des enfants dans leur classe.

Un objectif pour ce projet  : que la chanson «  Naître adulte  », spécialement composée pour l’occasion par Oxmo Puccino, soit «  reprise partout le 20 novembre, et particulièrement dans les écoles de France par les principaux concernés  : les enfants  ».

«  Rassembler tous les élèves, collégiens et lycéens autour de la cause des droits de l’enfant, permettra ainsi de marquer cet anniversaire du sceau de la solidarité. Ensemble, chantons pour les droits de l’enfant  !  ».

Excellente initiative, car Dieu sait qu’on est encore loin du compte (cf cet article édifiant du blog du Monde biplomatique). Un dossier pédagogique est également proposée en direction des enseignants.

Je vais cependant une nouvelle fois pinailler.

Résumons-nous. Une grande organisation internationale financée sur fonds publics qui produit une ressource créée par un artiste généreux et engagé, ressource qu’elle souhaite voir utilisée dans toutes les écoles à l’occasione d’une noble célébration en faveur des enfants.

Tout, tout est absolument réuni pour que la ressource en question soit disponible sous licence libre (comme par exemple la Creative Commons By-Sa pour n’en citer qu’une).

Or il n’en est rien.

Absence de mention sur le site (à moins que cela m’ait échappé), et quand vous téléchargez la musique sur le site, vous obtenez un zip où ne figure aucun fichier texte accompagnant la chanson disponible au format mp3 (pour le format audio libre et ouvert Ogg on attendra encore un peu).

Du coup c’est le régime fermé du droit d’auteur classique qui s’applique ici par défaut. Bien sûr, on peut lire en gros «  téléchargement gratuit  » sur la page dédiée du site de l’Unicef. Mais juridiquement parlant l’utilisateur ne dispose d’aucuns droits explicites sur l’utilisation de cette chanson.

Peut-on soupçonner l’Unicef d’avoir sciemment écarté le choix d’une licence libre (par exemple sous la pression de la maison de disques d’Oxmo Puccino ou de la SACEM et ses contrats d’exclusivité)  ? C’est possible mais cela m’étonnerait beaucoup. Je penche plutôt pour une ignorance pure et simple de l’existence même de ces licences libres chez ceux de l’Unicef qui ont monté le projet.

Et c’est d’autant plus dommage que cela aurait permis aux enseignants participant à l’opération d’être également au passage sensibilisés sur la question (enseignants souvent déboussolés sur ce qu’ils sont autorisés ou non à faire en classe par des accords d’une rare complexité).

Je ne voudrais pas jouer les donneurs de leçons mais je pense que les institutions publiques devraient désormais monter l’exemple et toujours envisager la licence libre lorsqu’elles produisent ainsi du contenu (quitte à l’écarter, mais en toute connaissance de cause et en étant capable de le justifier).

Dans le cas contraire, nous sommes condamnés à demeurer dans la dialectique de la gratuité alors que c’est bien plus sûrement de liberté dont nous avons besoin.

J’avais espéré que le récent débat Hadopi eut aidé à faire sortir les licences libres de l’ombre. Force est de constater qu’il y a là aussi du chemin à parcourir…

4 Responses

  1. David Off

    Je suis on ne peut plus d’accord. C’est une question de culture et l’Hadopi a bien mis cela en avant. Et puis, sans vouloir être démago, n’oublions pas que c’est indirectement l’argent de nos impôts et que pousser pour que les contenus ainsi produits soient libres "par défaut" me semble tout à fait une bonne idée.

    Le dossier pédagogique pour les profs, il est tout en PDF aussi. Impossible pour eux de le modifier pour l’adapter à leur besoins. Un petit ODF à côté, ça aurait été bien vu.

    Ignorance ok mais c’est effectivement possible comme tu dis que ce soit justement à cause des accords d’exclusivité de la SACEM puisqu’une fois chez eux tout ce que tu fais, a fait ou fera leur "appartient", et "libérer" ainsi une chanson d’un de leurs plus illustres affiliés pourrait créer une fâcheuse jurisprudence non ?

    (bizarre que Sésamath n’ait pas vu cela sur son blog)

  2. idoric

    > «Je ne voudrais pas jouer les donneurs de leçons mais je pense que les institutions publiques devraient désormais monter l’exemple et toujours envisager la licence libre lorsqu’elles produisent ainsi du contenu»

    Ça ne me semble pas être donneur de leçon que de vouloir qu’une œuvre de l’esprit financée (création et/ou promotion) sur les deniers publics soit librement réutilisable par ce même public, c’est juste du bon sens. Là on est en plein dans l’expression « vouloir le beurre et l’argent du beurre » : aux instances publiques les dépenses (une promotion mondiale offerte aux frais des contribuables), à la boîte privée les bénéfices…

  3. restouble

    Ce n’est malheureusement pas possible pour un auteur enregistré à la Sacem de produire et/ou enregistrer un titre sous licence libre.

  4. Baptiste Crépon

    Je crois aussi que la SACEM est un élément bloquant dans cette histoire, nouvelle preuve si il en fallait qu’elle est totalement inadaptée à la situation actuelle.

    Mais cela n’enlève rien au fait que les ressources créées avec de l’argent public doivent être effectivement libres d’accès et d’usage sauf cas exceptionnel, je suis d’accord. Alors qu’aujourd’hui c’est tout le contraire : du copyright partout sauf quelques cas exceptionnels sous licence libre.